Ànteros - Cuerpos Celestes

Chronique Vinyle 12" (38:24)

chronique  Ànteros - Cuerpos Celestes

Anteros, frère d’Eros – souvenir ému de l'excellent Oathbreaker -  est une figure iconique issue de la mythologie grecque et censée symboliser l’Amour réciproque ; celui partagé équitablement entre deux êtres épris d’une ivresse affective.

  • « Ivresse affective mon œil !! Tu veux plutôt faire allusion à la chair, à la douceur des sexes ? »
  • « Que dalle !! L’amour ne peut surement pas être appréhendé au travers du seul prisme de la sexualité, ce n’est sûrement pas aussi binaire et réducteur que ça et ce malgré ce que l’on veut bien nous faire croire… »

 

De la réciprocité dans l’Amour donc… Merci aux Espagnols d’Anteros de nous rappeler à quel point ce n’est pas une chose allant de soi, surtout dans une société où les représentations dominantes de l’Amour sont encore beaucoup trop empreintes des valeurs capitalistes. Possessivité, compétition affective, exclusivité sentimentale, jetabilité des corps et des affects, autant d’éléments à charge contre le Mythe de l’Amour exclusif et qui, dans une culture comme la nôtre encouragent davantage les phénomènes de re-narcissisation par l’Autre, plus que la construction de rapports socio-affectifs égalitaires, durables et aimants entre les personnes. Le principe de l’Amour exclusif réveille en nous des émotions basses (Angoisse, Aversion, Colère…) agite ce qu’il y de plus intimement vulnérable (Ego, Peur de l’abandon, Besoin de reconnaissance…) draine trop souvent son lot de violences (Harcèlements, Trahisons, Jalousie, Idées noires…) tout ce qui, en somme, nous meurtrit, nous sépare de l’Autre et de nous-même.  Pour toujours plus de réciprocité dans l’Amour, il nous faudra déconstruire brique après brique le mythe de l’Amour à l’occidental, afin d’appréhender nos affects et une Altérité profonde avec plus de sérénité. Une sérénité affective qui passera de toute évidence par l’Autre et pour l’Autre…

 

Anteros est donc un groupe d’amoureux transis (Ahaha !!), originaire de Catalogne, qui joue sur plusieurs tableaux et qui semble faire une fixation sur la mythologie et l’Astronomie;  j’en veux pour preuve le nom de leur dernier LP Cuerpos Celestes. Je ne vais pas vous cacher plus longtemps mon enthousiasme car il faut reconnaître et sans ménagement, que les membres de Anteros ont réussi leur coup en ce mois de Novembre 2017 et ont été plus qu’à la hauteur de leurs ambitions épico-célestes. En effet, tous les titres portent soit le nom d’une divinité « Nereid », d’une constellation « Persei », ou encore d’un astre « Luna ». Autant dire qu’il en fallait des arguments pour pouvoir prétendre incarner aussi bien et avec autant de sensibilité des éléments aussi illustres. Au fur et à mesure des écoutes – même si une seule suffit amplement pour comprendre à qui/quoi l’on a affaire - Cuerpos Celetes se révèle naturellement être une œuvre épique. Une simple recommandation cela dit en passant : ne vous fiez pas au premier morceau « Nereid » qui peut sembler un peu racoleur tant il est étouffant d’idées. Néanmoins, mis à part cette entrée en matière un peu ronflante, Cuerpos Celestes est une œuvre brillante, équilibrée et fastueuse. D’une mélancolie profonde et dominante, ce Cuerpos celestes ravira les amateurs/trices inconditionnels/lles du Post-Rock cosmique d' Envy, du Post-Metal chatoyant de Jack and the Bearded Fishermen, Impure Wilhelmina, du virage Post-Hardcore pris par Nesseria ces derniers temps, et, enfin, des injonctions urgentistes hispanisantes d’un Screamo à la Drei Affen.

 

Cuerpos Celestes est une œuvre organique, délicate et à mon sens très marquée écologiquement. Les représentations de la nature que nous inspirent ce classieux Cuerpos Celestes sont hyper positives et à rebours des dominantes. Pour faire une analogie cinématographique, il se trouve que l’on est beaucoup plus proche des représentations de la nature, de l’espace et de l'Altérité que donne à voir un 2001 ou encore un Premier contact qu’un pompeux Star Wars. Après l’écoute de Cuerpos Celestes on se dit que La Guerre des étoiles est en effet à la beauté esthétique ce que Johnny était au Rock'n Roll. Le rapport qu'entretiennent les membres d’Anteros au cosmos est bien moins artificiel et bien plus subtil ou respectueux que celui qu'entretient n'importe lequel des conquistadors de la NASA. Il me semble que l'usage répété du Delay et son raffinement y sont pour beaucoup. Souvent sur Cuerpos Celestes, on reste clairement suspendu aux très nombreuses notes traînantes et spectrales qui jalonnent cet opus. Telles des étoiles filantes, les notes bouclés et tenues par le Delay sont aussi vulnérables qu'éphémères. Elles se répètent, se superposent et puis se meurent pour finalement permettre à d'autres d'exister l'espace d'un temps ou deux. Prenez seulement 4 minutes pour écouter « Luna ». Les images mentales de l’espace qui vous viendront à l'esprit seront radicalement antagonistes aux plus courantes. John Williams peut clairement aller se rhabiller. Les images et représentations positives que l’on a du délire spatio-technologisant – soutenues en grande partie par l’industrie du spectacle  - ne sont construites que sur cette idée illusoire selon laquelle la conquête spatiale, et par extension le progrès scientifique, concourait à notre émancipation. Le fantasme émancipateur spatial n'est en rien une Odyssée, une fiction morbide tout au plus. Contemplons les Astres, l’Altérité, et la Nature avec autant de bienveillance, d’humilité et d'affection que peuvent manifester les membres d’Anteros sur ce majestueux Cuerpos Celestes.

« Luna », l’interlude de l’album est un morceau tellement tendre. Son lancement mélodique soutenu par de gracieux arpèges et agrémenté d’un Orgue spectral me rappelle pour beaucoup les atmosphères célestes de l'incontesté monstre Prog Pink Floyd. Ce morceau ressemble aussi à s’y méprendre, de par son mélange subtil de clair-obscur, son ambiance feutrée et jusqu’à sa structure à "Cette érosion de nous-même" le titre éponyme du dernier en date de Nesseria. Au-delà de l’affection profonde que j’ai pour Nesseria, il y a dans ces deux morceaux des similitudes troublantes. Faites-en l’expérience, vous verrez peut-être ce qui me laisse à penser cela. Le morceau fleuve de l’album « Polaris » est juste incroyablement composé et si poignant; son chant sublime et la puissance dramatique du propos « Y siento que al final no hay más que el aliento de polvo y sueño » m’ont littéralement contraint à plusieurs reprises d'essuyer les quelques larmes que je m’autorisais en ces temps d’illusoires festivités. Les quelques notes ruisselantes de « Vega » m’inspirent l'également très organique Guidance de Russian Circles : que de bonnes choses en somme. Vous l’aurez compris ce Cuerpos Celestes est vraiment très inspiré et force à l'imagination. Je vais m’arrêter là même si il y en aurait encore des choses à dire. Juste pour finir sur la production, les Ingés son ont fait du très bon travail, la production est à l’image de ce Cuerpos Celestes : fine et précise. Mention spéciale pour le son de batterie, sa caisse claire et sa tonalité mat comme je les aime. D’avance pour les futurs détracteurs/rices qui ne seraient pas impactés et sensibles à ce somptueux Cuerpos Celestes, j’ai simplement envie de vous dire que c’est que vous avez oublié de vous respecter. La nouvelle année peut être vous y aidera… Lolilol ! Humour de merde !

 

L’Amour sensible, bienveillant et réciproque d’un Autre n'est plus très loin... Libérons l’Amour de l'emprise des images d'Epinal! Il nous le rendra bien c’est certain...Ahah!!! Et maintenant, je n'ai qu'une seule envie, celle de m’étreindre avec qui le voudra et de léviter émotionnellement sur une  « Luna » rassurante et contenante.

 

Pa, Man, dans cette période fantoche vous me manquez terriblement… L’Amour réciproque jamais ne meurt car Anteros est éternel…

photo de Freaks
le 28/12/2017

2 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 28/12/2017 à 09:25:23

Excellente surprise de cette fin d'année, achat du LP fait immédiatement après la 1ère écoute en ce qui me concerne.

Freaks

Freaks le 28/12/2017 à 11:16:23

Pidji, je sais pas trop si je dois te remercier ou te maudire...Je suis en boucle sur Anteros ça en devient carrément aliénant ;)

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