Azusa - Heavy Yoke

Chronique CD album (34:10)

chronique Azusa - Heavy Yoke

On a beau dire qu'il y a des labels qu'il faut suivre de près parce qu'ils ont toujours des trucs hyper intéressants à signer et proposer et ce, même si ce n'est pas toujours dans les styles appréciés, on finit toujours par louper quelque chose. Parmi ces labels de fins gourmets sonores, on pourra citer nos compatriotes d'Apathia Records et les Norvégiens d'Indie Recordings entre autres. Le combo d'avant-garde Azusa a été promu par ce dernier avec un tout premier album, Heavy Yoke, sorti en fin 2018. Et vraiment – grand bien m'a pris de creuser un peu la prog' du Brutal Assault de cette année puisqu'ils y joueront – j'en aurais presque honte d'avoir failli à ma veille tant la découverte d'Azusa m'a fortement intriguée dans un premier temps jusqu'à passer progressivement les étapes de magnétisation, d'obsession. Pour atteindre finalement le douloureux cap d'aspirer mon âme littéralement. Oui, rien de moins.

 

Azusa n'est pas à proprement parler un groupe mais plutôt un projet où collaborent des (ex)membres du personnel des fous furieux de The Dillinger Escape Plan et des progueux d'Extol avec la chanteuse du duo pop allemand Sea + Air. Autant dire : totalement improbable sur le papier... pour un résultat qui l'est tout autant ! Parce que, vraiment, de tout ce que j'ai pu écouter d'expérimental, avant-garde ou nawak, jamais je n'ai eu cette même sensation d'avoir affaire à une matière obtenue par le fruit du hasard. Là où bien d'autres combos parviennent à montrer maîtrise et suffisance de leur tambouille, Heavy Yoke sent bon la petite réunion dans un local de répétition où chacun a ramené des idées piochées dans le carnet des groupes respectifs de chacun pour tout mettre dans un chapeau et tirer au sort une poignée de ces papelards afin d'en faire un titre à tout prix, qu'importe qu'elles ne semblent pas aller ensemble dans la théorie.

 

Et le plus beau, c'est qu'ils y sont parvenus les bougres ! On ne sait ni d'où ni comment – les culs bénis aiment parler de miracle, on n'y est peut-être pas si loin – mais ça ressemble à quelque chose. Qui laissera sans aucun doute perplexe les esprits les plus obtus bien qu'Azusa a le mérite d'inclure un degré d'écoute beaucoup plus accessible afin que la pilule passe mieux. Directement hérité du passif pop de la frontwoman, les titres composant cette plaque sont toujours calibrés sur un format court (le titre le plus long dépasse à peine les quatre minutes), souvent régis par une construction basique « intro/couplet/refrain/couplet/pont/refrain et zou, c'est torché », avec son lot de lignes de chant clair poppesques et assez accrocheuses pour qu'on en vienne à rapidement chantonner sans même qu'on n'ait eu le temps de s'en apercevoir. Autant dire, une fois qu'on se rende compte de cela, la découverte s'en retrouve facilitée et incite même à en reprendre une tranche, histoire de voir plus en détail ce qu'il se cache au fond du glaviot.

 

Parce que passé ça, c'est une tonne d'idées super bien pensées prises à titre individuel. Qui s'assemblent de manière complètement chaotique. On y retrouve ces rythmiques bigarrées et souvent balancées avec une frénésie totalement épileptiques si chères à The Dillinger Escape Plan. De ce dernier, la vocaliste pourra se targuer également d'y apporter un sacré grain puisque par-delà son registre le plus doucereux, elle s'avère également très forte à cracher ses boyaux quasi-hystériquement à tel point qu'on se demande si on n'en retrouvera pas des morceaux traîner dans la fosse des photographes en concert. Greg Puciato au féminin quoi... Dualité vocale pour autant de dualité instrumentale entre agressivité et moments plus « posés » s'alternant régulièrement, même au sein d'un même titre, sans aucune espèce de transition. C'est qu'avec les durées courtes, une durée totale de 34 minutes, il n'y a clairement pas le temps pour ce genre de conneries. Des moments posés où la mélodie est davantage amené par la narratrice et non de la musique, Azusa s'étant fortement amouraché des dissonances, notamment de cordes, pas si éloigné de celles qui font la marque de fabrique de Madder Mortem même s'il ne s'en dégage pas du tout les mêmes ressentis.

 

Parce qu'au final, Heavy Yoke, c'est une plongée progressive au cœur de la psychose. Si la première partie est déjà un peu malaisante dans ses ambiances dissonantes, plus ça finit par virer à la folie pure et à l'oppression en bout de course. C'est en terme d'ambiances qu'on sent l'empreinte Extol, bien plus que la part progressive. Qu'on peut éventuellement reconnaître mais reléguée à sa base la plus simple : les changements sont là, toujours, jamais préparés mais tu passes quand même du coq à l'âne. Mais le must du must, c'est qu'à cause des courts formats, tout est compressé au maximum. Les idées artistiques au même titre que les atmosphères qui s'en dégagent. On marche sur des œufs et ça en est complètement frappadingue. Au point que tout du long, tu n'en sais que faire... et qu'en tant qu'auditeur, on en devient fou à lier.

 

Malgré tout, n'allez pas prendre toutes ces belles louanges pour argent content : cette étrange mixture peut tout autant paraître génial pour les uns tandis que les autres n'arriveront pas forcément à rentrer dedans. Il y a beau avoir des tas d'idées et de régurgitations d'influences death, post-core, punk, jazz et autres joyeusetés, Heavy Yoke pourra donner comme une impression d'avoir affaire à une sorte de gros monolithe plutôt opaque. Qui n'empêche en rien de le gratter afin de l'apprivoiser. Encore faut-il le vouloir. Histoire de voir qu'Azusa fait partie de cette catégorie de groupes dont les protagonistes n'ont au final pas tant d'importance : il s'agit d'une entité à part entière, une sorte d'abomination à la Frankenstein dont on se demande continuellement si ses géniteurs n'en auraient pas perdu le contrôle en cours de route.

photo de Margoth
le 31/07/2019

6 COMMENTAIRES

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 31/07/2019 à 18:19:35

Je suis l'anti-coeur de cible par excellence de ce genre de projet mais ça passe crème.

sepulturastaman

sepulturastaman le 31/07/2019 à 18:47:14

En gros avec Heavy Yoke ; Il n'y a pas de lois contre ça, lazusa, lazusa, Ta couleur et tes mots tout me va...

cglaume

cglaume le 31/07/2019 à 19:18:19

Faut que j'essaie ça à mon retour !!

Xuaterc

Xuaterc le 01/08/2019 à 08:44:14

Il est possible que je sois le cœur de cible...

Margoth

Margoth le 01/08/2019 à 13:33:35

Lapin, je te conseille de te pencher tout particulièrement sur "Lost In The Ether" qui n'est ni plus ni moins qu'une jolie débauche de groove à contre-rythme ^^

Seisachtheion

Seisachtheion le 07/08/2019 à 12:29:32

Grosse impression laissée par les premières écoutes (bof bof pour "Fine Lines, mais très bien autres autres pour "Interstellar Islands", "Lost In The Ether", "Spellbinder", "Eternal Echo" - quelle entame ! -).
La plus-value de la chanteuse est indiscutable !

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