Faith No More - Angel Dust

Chronique CD album (58:43)

chronique Faith No More - Angel Dust

Jusqu’à Live At The Brixton Academy, c’était facile: Faith No More jouait de la Fusion. Barrée, personnelle, mais néanmoins typique de ce que l’on désignait à l’époque par ce terme fleurant bon l’œcuménisme métallique. Par contre, Angel Dust… Bordel c’est quoi ce binz? De la Fusion 2.0? Du Smooth & Slightly Cyco Rock? De l’Avant-Garde Bobo Metal pour cocktail Rive Gauche? De la Fusion « cadre sup’ »? Ah putain que je les ai détestés, cette pochette et ce tournant « smart », en 1992, alors que le Live précédemment cité venait tout juste de me secouer bien fort par les chaussettes, que les mags de l’époque ne savaient pas trop quoi faire de ce drôle de zoziau, et que des musiques plus musclées commençaient tout juste à me faire de l’œil. Faith No More se met à faire de la soupe? Les greluches du collège font tourner « Easy » entre « Wind of Change » et « Place des Grands Hommes »? Fuck Faith No More!

 

Faut dire que c’était quand même sacrément rude pour les ceusses qui étaient accros au Rap Metal et aux craquages de slip funky de se fader certains de ces nouveaux titres. Arf, « Caffeine » et cette tension psychotique bien loin des jumperies dodues du passé… Gasp, « RV » et ses confessions de crooner bercées par un piano hyper radio-friendly… Gnîîî, le sombre malaise retors de « Smaller and Smaller »… Et l’horreur des horreurs: « Easy ». Bordel: 4 lettres et un E majuscule chacun… Et pourtant quelle distance incommensurable entre « Epic » et cette reprise des Commodores! Non vraiment... Il est où le fun? Elle est où la basse mutine? C’est quoi ces sombres plongées introspectives? On n’avait pas commandé une galette de Prog tendu et nombriliste que je sache?! Remboursez!

 

C’est que le fan est intransigeant. Surtout s’il est jeune. Il se croit vite trahi. Et il n’a pas envie qu’on le bouscule dans ses habitudes. Pourtant le groupe avait quand même fait l'effort de ménager quelques passerelles conduisant à "l’autre rive". Parmi lesquelles « Land of Sunshine », qui permet au Mr. Loyal Patton de se rappeler à notre bon souvenir, à Billy Gould de faire rebondir sa babasse bondissante, à Jim Martin de gratouiller sa gratte là où ça démange agréablement, et à Roddy Bottum d'envoyer ses habituelles nappes de synthé. Puis « Everything’s Ruined », malgré son piano introductif, qui rebalance un peu de ces nasalités et de ce phrasé hip-hop qui rappellent le bon vieux temps – phrasé qu’on retrouvera également un peu plus loin, sur « Kindergarten ». Sans parler de la tension funky’n’sexy hyper particulière mais carrément bonnarde de « Crack Hitler ».

 

Le truc c’est qu’avec Angel Dust, le groupe a manifestement eu envie de lâcher la bride à ses envies comme jamais auparavant. Plus libre, plus profond, plus tourmenté, le Club des 5 californien a mis la pédale douce sur les badaboumeries et les coups de soleil pour réorienter ses pétages de boulard vers les méandres de la psyché humaine. De manière similaire à ce que fera Polkadot Cadaver lui aussi, quelques années plus tard, en disciple avisé. D’où ces craquages noisy et pas franchement easy listening (… hein, les haters: radio-firendly Faith No More? Vendu au Grand Satan? Vraiment?) que l’on découvre sur « Malpractice » et « Jizzlobber », et qui sont à même de séduire jusqu’aux amateurs de The Dillinger Escape Plan, Melt Banana ou du Mr Bungle de Disco Volante. D’où le free style parfois limite choquant – mais gagnant – de « Be Aggressive » (de l’harmonium? Des chœurs de pom-pom girls?), l’atmosphère de fond de bunker sexy de « Crack Hitler », et le long kaléidoscope « Jizzlobber ».  D’où ce « RV » qui emmerde royalement les mauvais coucheurs pour aller gambader sur des terres que seuls les amateurs de That Handsome Devil ou Toehider – « métalleux » ouverts d’esprit s’il en est – sauront apprécier à leur juste valeur.

 

Mais 23 ans après, l’impact profond laissé par nombre des morceaux de cette sacrée galette parle de lui-même. Choqué par la transition brutale entre ce (faux) manifeste du Parti des Sniffeurs de rails (« Angel Dust » = la cocaïne) et son groovy de prédécesseur, les lapins jaunes et autres râleurs patentés avaient persiflé un peu vite. Car m’enfin, qui cracherait sérieusement sur « Land of Sunshine », sur le superbe refrain de « Midlife Crisis » ou sur son homologue de « Everything‘s Ruined »? Qui bouderait la merveilleuse bulle cotonneuse qui éclaire « Malpractice » aux 2 tiers? Qui renierait « A Small Victory » et ses « Hep… Hep… Hep… Hep… Hep-Hep-Hep! » de prof de zoumba? Le vrai défaut de Angel Dust – s’il faut vraiment vous en jeter un en pâture – est éventuellement d’avoir été trop vite en besogne, d’avoir négligé la vaseline pour aborder ses fans… Bref: d’avoir été brutalement en avance sur son temps. Mais ce n’est clairement pas de proposer du sous-Faith No More. Car Angel Dust est dans la continuité logique – voire même aux avant-postes – de l’esprit qui anime la scène Fusion: il se joue des frontières et des conventions pour proposer du neuf, du qui-pique-mais-qui-miam, le tout avec le talent des grands visionnaires.

 

Du coup, pour en revenir à l’étiquette qu’il faudrait accoler à l’album: « Avant-Garde Fusion », ça colle plutôt pas mal, non?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Après le brillant et unanimement acclamé The Real Thing, Faith No More n’avait plus rien à prouver dans le domaine de la Fusion-bien-dans-son-époque, jumpy, groovy et funny. Du coup, de peur de s’ennuyer à faire du surplace fadasse, le groupe s’est lancé dans ce qui aurait pu être un suicide commercial – ce qu’il n’est pas passé loin d’être, d'ailleurs, vu que certains (le lapin le premier) ont fait de sacrées crises d'urticaire à l’époque de sa sortie. Sauf que le talent, ça ne se discute pas. Et le groupe de pondre avec Angel Dust un monument de Fusion intimisto-psychotique avant-gardiste. Qu’on dira. La grande classe, quoi.

photo de Cglaume
le 24/01/2016

15 COMMENTAIRES

Xuaterc

Xuaterc le 24/01/2016 à 12:28:01

Mon préféré...

Eric D-Toorop

Eric D-Toorop le 24/01/2016 à 12:51:50

à mille lieux des gentils-jumpy premiers opus pour le groupe. Angel Dust est une pierre angulaire, inventive et avant-gardiste. Plus de 20 ans après sa sortie, ce disque est toujours une vive source d'inspiration pour ceux qui aiment et pratiquent les mélanges.
La force de ce disque est d'être toujours frais. Et la première édition - sans "Easy" - renforce ce propos. "Easy" est une rajoute pour le label, qui ne savait pas comment vendre son bébé ... de même que les clips ajustés pour MTV pour "Midlife Crisis" et "Everything's ruined".

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 24/01/2016 à 19:00:25

Leur meilleur

mcmetal

mcmetal le 24/01/2016 à 19:07:45

même si j ai une pref pour real thing,mais angel dust et king for a day sont des bijoux

el gep

el gep le 24/01/2016 à 19:10:20

Bien dit Eric!
Moi j'ai l'édition sans "Easy", c'est bien mieux comme ça.
Et ce sont les morceaux les plus radio-fucky que j'aime le moins, est-ce étonnant... Sauf "RV". Je l'adore. Mais c'est pas radio-fucky, ça, c'est jukebox de l'enfer sarcastique.

Xuaterc

Xuaterc le 24/01/2016 à 19:30:23

L'époque où le M de MTV avait tout son sens

David Beau Oui

David Beau Oui le 24/01/2016 à 20:24:11

Cet album est une véritable drogue. Ultra fun, totalement décomplexé et d'une créativité sans limite; on n'a jamais plus atteint un tel génie durant ces vingts dernières années ! Également mon disque préfère du bonhomme à quelques encablures du génialissime California de Bungle...

cglaume

cglaume le 24/01/2016 à 21:22:37

"California"... Voilà: là c'est 10/10 !!!

papy_cyril

papy_cyril le 17/02/2017 à 16:11:30

je dois être le seul à trouver que c'est l'un des moins bons albums du groupe... je crois quand même que le succès commercial de l'album est dû à 99% à "Easy" (qui n'est venu se greffer qu'après en bonus).

cglaume

cglaume le 17/02/2017 à 16:33:20

...succès dû à "Easy", mais aussi à l'impact qu'avait eu le titre "Epic" sur l'album d'avant !

Sans parler des qualités intrinsèques de cet album :P

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 17/02/2017 à 22:43:19

Le succès de l'album est du à la drogue consommée en l'écoutant à l'époque.

Zzzz

Zzzz le 13/02/2020 à 16:51:34

Angel dust = pas du tout la cocaïne = ceci : https://fr.wikipedia.org/wiki/Phéncyclidine

cglaume

cglaume le 13/02/2020 à 19:05:18

Merci pour l’info !!

gulo gulo

gulo gulo le 17/02/2020 à 11:04:18

Ah bah j'allais poster le même commentaire peu ou prou, tiens...

cglaume

cglaume le 17/02/2020 à 12:43:31

On se demande pourquoi parfois certaines chros ressortent de terre... ? :)

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