Batushka - Hospodi

Chronique CD album (51:07)

chronique Batushka - Hospodi

Batushka, c'est ce groupe polonais alliant black metal, un léger soupçon doom, chants grégoriens et autres subtilités issues de l'orthodoxie, le tout lié à une dimension visuelle « messe byzantine » sur les planches, qui sait diviser son monde. Véritable génie pour les uns, guignols incapables de parvenir à restituer un semblant de toutes les subtilités et nuances du délire grégorien en plus de jouer un peu le délire de Ghost, notamment sur le fait que chaque musicien ait gardé son anonymat... Enfin, ça, c'était depuis sa mise en lumière avec son premier album, Litourgiya, en 2015 et la tournée bien remplie qui a suivi dès lors que le combo s'est décidé de porter leur plaque sur les planches, non sans y mettre des ambitions. Des prestations qui, de ce que j'en ai vu, fonctionnaient fort bien. Mieux, tout le potentiel d'immersion à l'expérience orthodoxe proposée par Litourgiya ressortait pleinement alors que l'album lui-même, en écoute seule, m'a laissée bien plus sur la défensive.

 

Depuis décembre dernier, la machine Batushka s'est follement emballée. Les Polonais ne nous proposaient pourtant pas ce second méfait tant attendu des convaincus. Non, il s'agit plutôt d'une sortie quelque peu contrainte de l'anonymat via un communiqué vidéo du maître à penser du projet, Krzysztof « Derph » Drabikowski lui-même, que l'heure était grave : le vocaliste Bartlomiej « Bart » Kryziuk a joué la carte du putsch en lui empêchant fourbement d'avoir accès à tout ce qui pouvait avoir attrait à Batushka en coulisse. Pire encore, il s'apprêtait de son côté, à sortir un album sans que Derph, pourtant principal compositeur de Litourgiya, n'ait été jamais convié à sa composition, sous le nom de Batushka, comme s'il se serait agi, l'air de rien du second album attendu, le tout avec le soutien de Metal Blade. S'ensuit la course : Derph finit lui aussi de composer son album, qu'il sort en toute hâte par ses propres moyens sous le nom de Batushka et fait appel à la justice afin de récupérer légalement les droits de son bébé. Des petites guéguerres juridiques qui font sourire : on a vu la même chez Ghost il n'y a pas si longtemps, ce qui a contraint également Tobias Forge de sortir de l'anonymat qu'il avait pourtant réussi à conserver pendant des années. Comme quoi, même lorsqu'on s'attache plus scrupuleusement aux bondieuseries, la plus grosse religion de notre monde finit toujours par pointer le bout de son nez : le culte du pognon. Voilà de quoi filer une délicieuse hostie aux détracteurs, bien que la conséquence de tout ça aura de quoi leur laisser une miette mal placée au fond de la gorge : c'est qu'au final, ce n'est plus un deuxième album de Batushka mais bel est bien deux, un « vrai faux » et un « faux vrai ». Et même si le verdict sur qui conserve les droits a été rendu, donnant raison à Bart, il y a de quoi perdre son latin avec cette histoire.

 

Hospodi, c'est le « vrai faux » album de Batushka donc. La monture de Bart. Celle qui a obtenu raison juridiquement parlant, qui sort sous l'égide d'un label et surtout, ces morceaux pourront être joués sur les planches avec ceux du premier album. Sauf que, même s'il s'avère potentiellement selon un récent témoignage du batteur que le vocaliste ait joué un rôle important quant à tout ce qui a attrait à la construction visuelle et live – Derph n'ayant à la base jamais eu l'intention de donner le moindre concert – l'essence et intention artistique-même au cœur de Batushka n'est à la base de Bart. Du vrai Batushka bien faux quoi... A vrai dire, ces petites querelles, je m'en contrebalance un peu personnellement, je laisse ce genre de débats aux fans du groupe, c'est que les black metalleux ont l'habitude de ce genre de conneries typées VSD du metal noir, ils en raffolent même, ça donne prétexte pour gonfler leur ego en s'affirmant comme prêcheur de vérité vraie et de faire la guerre avec tous ceux qui ne seraient pas d'accord.

 

En revanche, d'un œil totalement extérieur, même sans cette envie de rentrer dans des débats stériles, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas affirmer que Hospodi a tout de l'album « fake » vis-à-vis de ce qu'est censé être Batushka à la base. Certes, tout le monde a le droit d'évoluer, histoire de ne jamais ressasser la même soupe. Mais s'il s'agit là d'évolution, on ne peut pas dire que ce soit forcément dans le bon sens. Bon, soit, éventuellement Hospodi pourrait être un album ni bon, ni mauvais de black mélodique. Oui, oui, black mélodique, soit pas grand-chose à voir avec les fondations du projet. Bon, si, il y a quelques gimmicks d'ambiance (cloches, chœurs masculins tendant vers le spiritisme orthodoxe...) çà et là ou le fait d'avoir nommer le dernier titre presque comme son premier album histoire d'en faire des caisses « qu'on est les vrais, nous ! », sauf que l'on a davantage l'impression de voir une sorte de vulgaire collage qui n'inspire pas grand-chose. C'est qu'on aura beau attacher une corne sur le front d'un cheval, ça n'en fera pas pour autant une licorne. Et pour le coup, là, on ne perçoit nullement d'ambiance pénétrante et assez marquante pour se laisser emporter.

 

Bon, après, si l'on part du principe que c'est du black mélodique, ce n'est pas forcément si mauvais. Mais pas folichon non plus. Il y a quelques passages sympathiques qui parviennent parfois à attirer l'attention. Bien noyés au travers d'une bonne couche de banalités et, surtout, d'une grande linéarité. Hospodi reste coincé dans le mid-tempo sans jamais savoir le varier. La platitude. Comme le sermon du Père Armand de la messe du dimanche matin à Pétéancheloque-la-Campagne. On bulle tranquille dans les rangs du fond et l'on se réveille parfois lorsqu'on s'aperçoit que c'est le moment de se lever pour chanter la cantique 2, verset 3 et l'on repart dans nos songes, dans l'attente impatiente de la petite mousse d'après-messe avec Raymond au PMU de la Place du Marché, abandonnant madame, ses commérages avec la mère Ginette et sa préparation du repas dominical.

 

J'aurais presque envie d'ajouter qu'au moins 6:33 nous a montré que le gospel, au moins, c'était quand même vachement plus fun et entraînant. Mais bon, ce ne serait pas très orthodoxe. Tout ça pour dire qu'Hospodi, c'est à la fois hors-sujet et vecteur de trop de banalités pour du Batushka. Mais bon, peut-être que ces titres montreront un nouveau visage en live. Parce que ce Batushka est peut-être faux mais ce sont les vrais, apparemment, qui sont responsables du côté visuel du spectacle et qui pourront, de plus, continuer de jouer les anciens titres. Mais bon, on laisse le bénéfice du doute. Sans grande conviction toutefois.

 

 

PS : J'ai découvert il y a quelques jours qu'il existe un projet de folk orthodoxe instrumental un brin metallique qui nous vient de Russie, répondant au doux nom de Batyushka. Sur leur récente page Bandcamp, on y voit deux albums dont l'un compilant du matériel datant de 2005. On prend les paris qu'ils vont finir par digérer leur vodka et ajouter leur grain de sel en prétendant que les Polaks ont plagié leur concept ? Bref, tout ça pour dire : ça va vraiment trop loin ces conneries !

 

PS 2 : Vu qu'au final, les deux Batushka ne s'avèrent pas si folichons pour des raisons différentes, on peut toujours jouer à un jeu. Laquelle des deux chroniques est la « vraie », laquelle est la « fausse » ? A comprendre, laquelle a été écrite en premier et a servi de base pour le copier-coller de la seconde ?

photo de Margoth
le 02/10/2019

3 COMMENTAIRES

Seisachtheion

Seisachtheion le 02/10/2019 à 13:48:20

Tout ce bordel donne bien envie de lâcher l'affaire pour l'un ET pour l'autre !
Lamentable.
Ecoutez et regardez donc Cult of Fire...

el gep

el gep le 02/10/2019 à 16:58:49

Cette horrible histoire me fait penser qu'au moins un des deux protagonistes est un sombre connard.
Voire les deux!

korbendallas

korbendallas le 03/10/2019 à 09:19:04

Ducont

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