Katatonia - Brave Murder Day

Chronique CD album (41:12)

chronique Katatonia - Brave Murder Day

Si aujourd'hui tout le monde s’accorde pour classer les premiers pas discographiques de Katatonia dans le tiroir du Death/Doom, cela ne semblait pas si évident à l’époque. J’en veux pour preuve mon premier contact avec le bébé de Jonas Renkse et Anders Nyström, effectué via une vieille compil’ K7 au son tout craquelé: The Way of Mistery Vol. 1. A quoi était donc consacré ce best of 1-2-rground? A la promotion de l’Art noir aux sabots fendus et aux crucifix tête-par-dessous-cul, eh oui. Pourtant, qui trouvait-on sur celui-ci, aux côtés de Hades Almighty, Grand Belial’s Key et autre Abigail – je vous le donne en mille? Katatonia, parfaitement Emile. Peut-être était-ce dû aux âpres et acides détours que prennent parfois les vocaux de Mikael Åkerfeldt (from Opeth, yes my louloute). Peut-être sont-ce les accointances d’Anders « Blakkheim » avec le Black (cf. Diabolical Masquerade). Peut-être est-ce cette douce ambiance de veines fraîchement sectionnées sur le marbre du caveau familial. Toujours est-il qu’au milieu de tous ces crapauds vomissant la chrétienté, la fulgurante beauté du titre « Dancing December » m'avait frappé droit au cœur. Notamment ce riff mélodique à l’ascension miroitante qui célèbre l’astre céleste après une grosse minute de drapé neurasthénique.

 

Du coup, malgré mes faibles moyens de l’époque, il m'avait fallu pousser plus loin les investigations. Jusqu’à mettre la main sur Brave Murder Day. Pas que « Dancing December » y figure (pour ça il m’aurait fallu remonter à Dance of December Souls), mais c’était le seul album des Suédois que possédait mon chevelu de pote de l’époque. Alors hop: K7 vierge, double lecteur K7, Rec + Play: j’allais moi aussi posséder ce monument de mélancolie métallique et de déprime growlée.

 

« Ah mais beurk hé: ça gémit de partout, ça soupire en cascade, ça écrase des larmes sur fond de vol de corbeaux… Combien de fois il faut te dire qu’ici on n’aime pas les gothiqueries à 3 balles habillées de fripes Metal Extrême. C’est tout juste bon pour les chochottes qui auraient été fans de The Cure quelques années plus tôt, ou d’Evanescence quelques années plus tard! »

 

Oui eh bien parfois il est bon de nuancer son propos. Car sur ces 6 titres certes pleins de velours mélancolique, les Suédois nous offrent un festival de riffs « gloomy » légendaires. Ainsi que quelques titres qui n’auraient pas dépareillé sur un album d’Edge of Sanity (en même temps Dan Swanö est aux manettes, et Mikael Åkerfel chante sur Crimson, donc bon…). Les leads sont simples, répétitifs, mais magnifiques et imparables. Les guitares scintillent dans la brume, la rythmique fait saillir les muscles quand un retour d’humeur le requiert, tout le monde est au service de ce formidable mariage des extrêmes où la dépression la plus profonde croise de formidables et puissants élans d’espoir, où le froid et le noir du défaitisme se réchauffent au feu brûlant de mélodies abrasives. En empruntant au spleen de leurs voisins Finlandais, les Suédois nous peignent de magnifiques tableaux métalliques, tantôt un automne aux flamboyantes nuances d’orange, tantôt un nocturne hivernal au ciel strillé de bleu, de violet et de rose.

 

Alors oui, ces 6 titres sont en général assez longs, et ils leur arrivent d’aller traîner leurs bottes aux limites du Doom. Oui ça chougne et ça supplie. Oui « Day » a un petit côté trop fragile un peu crispant, qui agace comme un premier contact avec les compos récentes de Leprous. Sauf que comme avec ce dernier, on en ressort convaincu, voire chamboulé. D’autant que le morceau est sacrément bien entouré. En partant du fabuleux « Brave », qui culmine sur un « tapping Rossignol », pile à la barre des 3 minutes. Pour continuer avec la séduisante spirale « Murder », la détermination de « Rainroom », et un « 12 » plein de rebondissements, dont un puissant passage mid-tempo à 1:46, très Edge of Sanity. Et pour terminer avec le doux fatalisme de « Endtime », qui finit les choses en grand.

 

Bon alors forcément, après cet album le groupe abandonne le growl, le shriek et les gros biscotos suintants. Du coup ça semble donner raison aux persifleurs du 3e paragraphe qui conchient les hypocondriaques romanti-gothiques dont la panoplie en peaux de bête Metal Extrême n'a pour unique but que de diffuser au plus grand nombre – ni vus ni connus – leur esthétisme de rouge et de noir. M’enfin devant l’excellence de ces six titres, on se contrefoutra des ceci, des cela, des « oui mais non » et autres « non mais oui » pour profiter à plein de ce chef d’œuvre tout en magnifiques et puissants clairs obscurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: feu et froid, complaintes et coups de gueule, sucre et acide. Brave Murder Day marie les sensations extrêmes pour emmener le « Death Atmosphérique » (appellation d’époque faisant le trait d’union entre Death mélodique et Doom / Death) aux confins des contrées les plus noires, à proximité des mondes du Black, du Doom et du Gothique, et créer un chef d’œuvre évoquant un Edge of Sanity mourant dans une caverne de glace. Sublime.

photo de Cglaume
le 05/11/2017

2 COMMENTAIRES

korbendallas

korbendallas le 06/11/2017 à 09:36:48

"Peut-être était-ce dû aux âpres et acides détours que prennent parfois les vocaux de Mikael Åkerfeldt" ...
Akerfeld n'etait pas présent sur "Dance December soul's" ... par contre, il est bien présent sur le EP "Sounds of Decay", qui suit "Brave Murder Day", avant que "le groupe abandonne le growl, le shriek et les gros biscotos" ;)

cglaume

cglaume le 06/11/2017 à 10:03:53

Merci pour la précision Mister ;)

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