Louis Jucker - Kråkeslottet [The Crow’s Castle]

Chronique CD album (30:00)

chronique Louis Jucker - Kråkeslottet [The Crow’s Castle]

Le nom de Louis Jucker apparaît de plus en plus ces dernières années dans les pages de ce webzine. 
"Le monsieur a enregistré tel groupe, chanté avec celui-ci, joué avec celui-là, a fait une tournée là-bas, a lancé un nouveau projet avec une bande de copains...et enfin, il est parti tout seul s'enfermer dans une cabane de pêcheur au fin fond de la Norvège".

Cette dernière information n'est pas sans importance : Jucker s'est isolé pour enregistrer un disque en solo avec son petit matériel sur un bout de terre que seuls quelques pieds bien habitués viennent fouler.
À ce stade, l'abord créatif du 4ème art prend une nouvelle dimension et s'aborde sous un nouvel angle : la démarche n'est plus collective, elle est à 100% personnelle.

Il se passe beaucoup de choses dans la tête de Jucker. Se retrouver face à elles, seul, dans ces conditions, avec la volonté de tout faire "à la main", sans trop s'encombrer, participe à rendre Kråkeslottet [The Crow’s Castle] unique avant même de l'écouter.

Une fois parvenu aux oreilles, l'aspect "fait maison" prend toute sa dimension avec des coupes imparfaites, des grincements, une guitare reposée au sol, un titre légèrement parasité, un autre beaucoup plus, le sifflement d'un courant d'air etc. : un tas d'aspérités qui donnent une authenticité rare à un album alors que des ingés sons se battent pour lisser de manière clinique et chirurgicale leurs enregistrements.
Ce parti-pris artistique, ce contre-pied à notre époque rend, là encore et au-delà des créations musicales, cette oeuvre singulière.

Avec des instruments et un matériel d'enregistrement limités, Jucker n'a pourtant pas cherché à faire dans le minimalisme et le classicisme folk.
Il y a certes des morceaux guitare / voix, mais il est allé au-delà en utilisant chaque son comme instrument.
La percussion métronomique, les grincements de plancher de "A modest feast", un bruit (de moteur ?) régulier (un groupe éléctrogène en loop ?) sur "Merry dancers", le sifflement d'un courant d'air sur "Ulf's interlude" : tout est prétexte à enrichir une composition.
C'est aussi une invitation (peut-être involontaire) lancée à l'auditeur pour le rejoindre dans sa cabane.
Guitare, voix et clavier demeurent la base des jouets de Jucker. L'atmosphère est parfois lourde, d'autres fois plus légère et mélodique, mais chaque mot, chaque note laissent le sentiment étrange d'un entre-deux perturbant : entre bricolage, spontanéité et précision. 

Il y a quelque chose de profondément intimiste dans cet enregistrement. On est d'ailleurs presque tiraillé entre la gêne d'écouter et perturber en silence ce moment personnel, laissant la sensation de faire du "voyeurisme auditif"; et le plaisir d'être l'auditeur solitaire d'un musicien solitaire qui nous invite chaleureusement dans sa cabane glaciale.
C'est en tout cas une oeuvre à part : hors de notre époque, hors du temps en général, loin des sentiers musicaux que nous sommes habitués à arpenter. Ce disque est une oeuvre musicale et une oeuvre d'art brut dont les émotions et les qualités sont rares...
 

photo de Tookie
le 30/03/2019

5 COMMENTAIRES

Xuaterc

Xuaterc le 30/03/2019 à 09:47:55

Je payerais cher pour pouvoir vivre dans une cabane de pêcheur au fond de la Norvège. Surtout avec une telle bande-son

pidji

pidji le 30/03/2019 à 13:10:48

Très chouette ce disque.

Tookie

Tookie le 30/03/2019 à 15:59:33

Moi aussi je paierais cher pour le faire. Je paierais aussi très chère la paire de burnes de le faire vraiment.

el gep

el gep le 30/03/2019 à 16:27:44

Ça fait envie ce truc!

Freaks

Freaks le 31/03/2019 à 19:25:48

On sent bien l'influence que Coilguns à pu avoir sur son travail Aha
Il est passé à Caen en Février, j'y étais pas.. faut vraiment que je revois mes priorités...

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