Lysistrata - The thread

Chronique CD album (45:00)

chronique Lysistrata - The thread

C'est un peu le marronnier de la presse musicale : lorsque l'actu est faible, lorsque la matière promotionnelle des stars est un peu creuse, il est de bon ton de découvrir un jeune groupe sympa et d'en faire LA nouvelle révélation rock (+ choisir la nationalité).

Révélation qui connaîtra un funeste destin, puisqu'après une étourdissante hype (parfois injuste) de quelques semaines, le groupe retombera (dans 90% des cas) dans un glaçant et déprimant anonymat (parfois injuste).

 

Cette malédiction de "LA révélation de l'année 2017" est tombée à la rentrée : les victimes sont trois petits gars de Saintes, en Charente-Maritime, qui jouent dans un groupe nommé Lysistrata.

Il faut dire que cette infortune...ben...ils ne l'ont pas volée, et que, pour le coup, les médias ne se sont pas injustement emballés : "The thread" a tout pour être LE meilleur album rock de l'hexagone en 2017.
Un titre qui s'ajoute à celui de meilleure page FB de groupe français puisque dans sa bio nous retrouvons des goûts musicaux éclectiques (bien trop pour être honnêtes ?) et un irrespect total pour Phil Collins* qui nous rassure sur leur santé mentale.

Lysistrata a d'ailleurs la santé tout court : on ne sort pas une musique avec une telle énergie lorsqu'on est constipé (grosse pensée pour vous Benjamin Biolay et Vianney).
En plus, Lysistrata est un groupe parfaitement ancré dans son époque. Déjà par son patronyme : "Lysystrata" est une pièce d'Aristophane dans laquelle les femmes finissent par prendre le pouvoir. (pour résumer très grossièrement). Pas certain que ces trois hommes aient anticipé la nouvelle petite révolution féministe entamée ces derniers mois, mais cette pièce (et donc ce nom) résonne différemment depuis quelques temps.


Ensuite, et c'est là que ça devient intéressant pour les mélomanes qui lisent cet article : musicalement, c'est hyper intéressant et ça tire des influences si multiples qu'on ne les compte plus.

On peut citer en vrac quelques étiquettes d'albums qui doivent coller aux idoles du trio : du rock (évidemment), de l'indie ("Answer machine"**) du post-hardcore 90's (At the drive in, tout le temps), du punk, du math ("Sugar and anxiety"), du rock 2010's (à la Foals) du bidouillage foutraque ("Dawn") et le genre génial / parfait / stratosphérique de La Dispute (paroles / interprétation / émotion / guitare).

Lysistrata c'est tout ça, de manière peut-être parfois anarchique, décousue.


C'est vrai, ce n'est pas toujours super propre sur les bords : l'impression générale que laisse ce disque est qu'il part dans tous les sens. 
"La fougue de la jeunesse" diront certains...et ils n'auront pas tort : on sent "l'urgence" et le besoin d'évacuer un rock "brûlant", mais sous différentes formes.


Il y a celle qui se fait en 3 minutes, comme sur l'excellent "Asylum"...puis à d'autres reprises avec des morceaux d'au moins 8 minutes.
Sur trois morceaux se percutent toutes les influences du groupe pour un résultat complètement imprévisible...mais parfaitement bien écrit.
Certes, les mélodies n'y sont pas évidentes, elles ne jaillissent pas comme pour la pop, mais elles finissent toujours par apparaître ou se boucler tôt ou tard... parfois même sur les dernières notes.

 

Les mots ont également une grande importance chez Lysistrata*** mais leur interprétation également. C'est là qu'entre l'influence La Dispute (en plus de quelques passages à la guitare). Avec ses "spoken words" (ou tout simplement ses "récitations"), les mots ne sont plus de simples paroles mais se muent en poésie, conte, confidence, rêve (ou cauchemar), névrose. À cela s'ajoute "le jeu d'acteur" (on repense alors au patronyme théâtral) que l'on imagine facilement derrière le micro en accompagnement des paroles. 

Parce qu'en plus de l'interprétation, c'est une proximité et une sensation live qui transpirent sur ce disque. Un son presque naturel, sans ornement, sans effet de manche pour gonfler artificellement l'intensité des morceaux.
Chaque titre ressemble à l'acte d'une pièce (décidément...) composé de plusieurs scènes aux multiples rebondissements.

 

Encore une fois, le trio prouve qu'il est une formule idéale pour le rock. Certes, un violoncelle s'incruste afin d'accentuer le côté dramatique de "The boy who stood above the earth" (agrémenté d'un sample****), mais le groupe se suffit généralement à lui-même. 

Alors on se balade dans cet album au gré des errances musicales des musiciens, ballotés que nous sommes au gré d'essais qui peuvent sembler foutraques. On penserait, dans un premier temps, que certains titres sont un simple assemblage de plusieurs morceaux / de bonnes idées qu'ils ont tenté de recoller. C'est d'ailleurs peut-être le cas, mais le montage finit par ressembler à un "Picasso musical" : en apparence désordonné pour prendre un véritable sens et être finalement troublant. Rien n'y est évident ou prévisible, mais tout y semble cohérent. C'est sans doute pour cela que Lysistrata est LA révélation de l'année.

 

 

 


*Ne venez pas me faire chier avec sa carrière avec Genesis, son rebond en solo et ses millions d'albums : l'écoute d'un titre avec ce mec au chant me fait saigner de tous les orifices. 

**Avec des effets à la guitare qui me rappellent un excellent groupe dont on ne parle plus (et dont personne n'a jamais parlé et dont tout le monde s'est foutu) 

***Au point de nous faire parvenir les textes avec le dossier de presse : bien vu et merci !

**** sur un sujet passionnant : l'empathie 

photo de Tookie
le 22/11/2017

2 COMMENTAIRES

Freaks

Freaks le 23/11/2017 à 21:12:32

Ils sont insolents d'feeling... En live sa donne bien égalment ;)

pidji

pidji le 29/01/2018 à 11:47:33

Bon bah au départ je trouvais ça juste "cool", et maintenant je prends vraiment mon pied à écouter ce disque. Miam.

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