Lysistrata - Veil

Chronique CD album (34:52)

chronique Lysistrata - Veil

Que le temps passe vite !

 

Les premières lignes consacrées à Lysistrata sur COREandCO ont déjà 7 ans et entre temps bien des choses ont changé...
À l'époque, je m'inquiétais de voir le jeune groupe n'être qu'une de ces comètes à laquelle on promettait une avenir radieux mais dont on oublierait le nom une fois l'été passé.
Heureusement, Lysistrata, fort d'un immense talent, au prix d'interminables tournées, capable de s'entourer des bonnes personnes (et un tout petit peu de chance aussi parce qu'il en faut toujours) a su garder son panache des débuts sans se renier.

 

Sauf que quand une réputation est faite, il faut la tenir sans la ternir. Or, depuis le COVID, le groupe s'était fait relativement discret : il y a d'abord eu le (très sympathique) side-project Park, une pause des concerts de près de 30 mois...et un retour progressif.

Lysistrata "repoppe" finalement le 1er mars 2024 dans nos tristes vies avec Veil écrit en deux temps : durant le confinement et entre 2022 / 2023.
Un changement de rythme qui s'accompagne d'un changement de producteur (Ben Greenberg sur lequel on reviendra ensuite) mais pas de studio avec une optique, une philosophie : évoluer sans tout révolutionner.

 

Il y aura bien un connard sans inspiration ou deux qui parlera de Veil comme "l'album de la maturité".
Mais cet album est -me semble t-il- surtout celui d'un autre rapport au temps.

 

Le temps d'écrire autrement : sur plusieurs années, en se laissant le temps.
Le temps "d'aller voir ailleurs" (avec Park), de travailler autrement, jouer, écouter d'autres personnes (et notamment Greenberg avec son groupe bruitiste Uniform).

Un rapport au temps qui ne bouleverse pas la durée -relativement courte- de ce nouvel album : 35 petites minutes qui ne défilent pas de la même manière que sur The thread ou Breathe in/out. Ça, on le comprend dès "Tangled in the leaves", contrepied parfait des premières pistes super excitées aux gros riffs sur les albums précédents.
Un titre plus lent, mais aussi bien plus produit, avec des fantômes sonores que Greenwood (de Radiohead) aurait pu créer.

Évoluer sans tout révolutionner.

 

Greenberg n'est pas que musicien : il a aussi bossé avec Algiers et surtout Metz.
Le rock bruyant, hurlant, secoué...mais propre.
La spontanéité si "rafraichissante" - comme on dit dans le milieu journalistique quand on ne trouve plus son dico des synonymes pour dire que "ça fait zizir"-, des débuts n'est pas morte, ni contenue : elle est mieux organisée, autrement mise en valeur et donne du relief à cet album.

L'auditeur devait auparavant sprinter pour suivre le groupe, il lui faut maintenant l'accompagner dans des montagnes russes.
"Tangled in the leaves", "Okay", "Feel the shine" calment le jeu, délivrent une ambiance proche de la pop-rock-électro-expérimentale des 90's (tout comme l'intro de "Rise up" ou celle, dans une moindre mesure de "Trouble don't last").

 

Un autre rapport au temps.
Celui de savoir le prendre, celui aussi d'agresser ("Rise up") mais aussi celui de le faire disparaître.
Le groupe se perd moins dans des titres fleuves : seul "Artifice" dure plus de 5 minutes...(sans atteindre les 6) !

La spontanéité a cette qualité de délivrer quelque chose de brute, sincère, honnête, direct. Mais cette spontanéité mérite parfois d'être retaillée pour mieux la délester de quelques impuretés : c'est sans doute là que le temps et Greenberg ont fait naître au groupe un nouveau visage...sans effacer l'ancien.
Car Lysistrata demeure toujours aussi percutant, il garde cette énergie du trio avec ses riffs descendants du post-hardcore US des 90's et cette basse vibrante, grésillante dans les moments les plus vénères (et il y en a, beaucoup, et ils ne l'ont jamais été aussi puissamment). 
Évoluer, sans se révolutionner.

 


En 1929, Frida Kahlo peignit un tableau intitulé : "Le temps passe vite".

 


Frida, dans cet autoportrait primitif a le regard dur, froid, sûr. Elle ne sourit pas, regarde droit devant, déterminée. Derrière elle un réveil, dont on devine le tic tac, rapide, incessant. Au fond, un avion s'envole. Sans doute une allégorie du temps qui s'envole.
Je ne sais pas si c'est le joint que j'ai fumé en 2001 qui me fait enfin de l'effet ou le panaché grenadine bu il y a quelques heures ou encore si c'est parce que ma femme a collé la tronche mono-sourcillée de l'artiste dans toutes les pièces de la maison : mais j'y ai vu le groupe et son rapport au temps. Le réveil dont les aiguilles bougent inlassablement, cet avion, également symbolique de nouveaux horizons et dans ce regard, la détermination à aller de l'avant.
7 années c'est à la fois rien et beaucoup dans la vie d'un groupe. C'est aussi l'occasion de mesurer tout le chemin parcouru en attendant d'entamer celui devant. (#LaurentGounellesortdececorps). Quand on voit celui derrière Lysistrata, la perspective de celui à venir est plutôt "bandante". (Ça c'est plus du Siffredi que du Gounelle).

 

(Note personnelle : Il faut vraiment qu'on rediscute de la déco à la maison).
Mais merde, que le temps passe vite...

photo de Tookie
le 05/03/2024

5 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 05/03/2024 à 10:06:37

L'interview dans New Noise m'avait fait un peu peur ("album plus pop", etc.), mais finalement, c'est une réussite, et le le préfère à son prédécesseur.
En effet, il y a plus de pop dans ce disque, mais il n'en reste pas moins très bon !

cglaume

cglaume le 05/03/2024 à 21:03:06

Il serait temps d'accrocher à tes murs des chatons sur fond de skyline newyorkaise, et des posters de Manowar aussi. Sinon tu vas craquer, c'est sûr, Tookie

el gep

el gep le 06/03/2024 à 08:24:04

Han, encore un homme un vrai qui se fait écraser par les choix déco de sa femme !
Oui, des posters Manowar, et vite !
J'ai toujours pas envie d'écouter sinon, mais j'aimerais bien savoir qui a fait le casque débile de la pochette.

Tookie

Tookie le 06/03/2024 à 09:40:15

Il s'agit de l'artiste-plasticien Lucas Leclerq !
Quant aux choix déco, j'ai obtenu un mur des toilettes. (Avec du caractère, tout devient possible).

el gep

el gep le 06/03/2024 à 09:48:46

Merci pour l'info.
Et bien joué pour le mur des chiottes, t'es sur la bonne voie, mais si tu deviens un vrai incel, tu seras plus fort, rejoins-nous dans notre combat.

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