Reigan-do - 2END757

Chronique mp3 (40:46)

chronique Reigan-do - 2END757

Le Livre des Cinq Anneaux ne vous dit sûrement pas grand chose. Et pourtant. Encore enseigné dans certaines écoles japonaises d'art martial, c'est un ouvrage fondamental de philosophie, d'ésotérisme et de stratégie martiale. Il fût rédigé par le samouraï Musachi Myamoto lors de son ermitage de 1645 dans la grotte de Reigan-do. On y apprend entre autre l'art du sabre, du double sabre même (n'en convienne à la tradition), l'art du vide, la maitrise du temps et sa synchronisation, sa rythmique martiale et stratégique, l'appréhension de l'inexistant; bref le parfait attirail pour jouer à la barbichette avec la mort.

Et c'est justement de cela dont on va parler ici même. Du mur auquel chaque vivant doit faire face. Ce sera ici de manière crue, contemplative, instinctive et acceptée.

Parce que Reigan-do, c'est aussi un trio de post-metal français, coupé de tout lien avec la civilisation de communication de type GAFAM. Des jusqu'au-boutistes du DIY, et c'est tant mieux!. Alors ne cherchez pas leurs derniers posts ou prochain live sur le net. Avec toute la franchise, l'honnêteté et la prestance d'un samouraï, ils vous renvoient à vos propres faiblesses. Ils peuvent franchement se le permettre, aux vues de la qualité de leur premier album. Sorti en ce mois d'Octobre 2019, 2END757 risque de résonner dans les enceintes encore un petit moment et a priori, ça se compte en année.

Analyse.

 

La première écoute se conclue par un sentiment de propreté dans ce sens où rien ni personne ne dénote. Tout est calé au papier millimétré, que ce soit dans le travail de composition ou le mixage. Ces 40 minutes et 46 secondes passent très, voire trop vite. Pas une once d'ennui ne s'est faite sentir; au contraire, on nous pose avec justesse de nombreux extraits cinématographiques ou samples rendant l'ensemble plus que percutant. A ce niveau là, ça demande une deuxième écoute.

Et le jugement est sans appel. Ça percute le coeur avec autant d'efficacité. La puissance d'un coup de poing avec la précision d'une flèche acérée. Que cela soit 'TRAPPED' ou 'YEARNING', on se retrouve écorché par ce chant sincère, tabassé par cette rythmique, trépané aux étoiles par ces parties atmosphériques. Sans exceptions. La machine est lancée sans que l'on puisse l'arrêter et 'THE BEAST WAS YOUR LEADER' ne déroge pas à la règle. La bile au ventre en plus. La vision du monde n'y est pas ici forcément très guillerette. Ce qui explique peut-être ce titre de 'SEPPUKU', l'autre terme désignant le pratique du Hara-Kiri, en guise de quasi-conclusion. On notera une certaine forme de mélancolie et de douceur, très discrètement exprimée au milieu des crachins saturés des guitares. On a beau faire du bourrin, la réussite se cachera toujours dans la subtilité. Et cet album en est bourré.

L'excellent 'GUILTY' propose une approche plus crusty, entre punk et post-HxC. Armé pour une partie un peu plus nerveuse, guinchant des épaules en espérant un pied/bouche direct façon pogo, on se voit subitement lâché dans le stratosphérique tel un énorme shoot te propulsant dans les bras d'Aether. Aux frontières du psychanalytique, on mange et rumine notre culpabilité, a priori essentielle et incommensurable, nous dirigeant vers notre triste fin. Tout ça pour mieux te claquer le bec avec ce gros retour screamo en pleine face. Bordel, mais on en redemande.

Heureusement, SIGHT arrive très vite derrière pour un renvoi dans les cordes express.

La présence de pistes seulement instrumentales, comme 'THE ONE' est agréable et colle avec la volonté des auteurs de faire de cet album une critique du monde humain. Contemplation. Réflexion. Expression.

Et ça finit en apothéose avec 'ANASAZI-END', du nom du peuple amérindien aujourd'hui disparu. A l'écart du reste de l'album, cette dernière piste, alternant judicieusement arpèges et élans plus mouvementés, sonne comme une conclusion tragique. On finit sur les trois dernières minutes absolument sonné, coupable, détruit, apathique. Complètement épuisé de ce condensé émotionnel exprimé dans cette dernière demi-heure.

 

On a donc ici un premier album qui tient la route, extrêmement bien ficelé et s'écoutant d'une traite. Travaillé, approfondi et mature, 2END757 nous emmène loin en cherchant à dépasser les frontières, mentales et culturelles. Quitte à ce que ça nous tape un peu la gueule, mais c'est ce qu'on demande, non?

photo de Vincent Bouvier
le 04/11/2019

4 COMMENTAIRES

Xuaterc

Xuaterc le 04/11/2019 à 19:19:09

Je viens justement de commencer en tant que joueur une campagne du jeu de rôles La Légende Des Cinq Anneaux.

Vincent Bouvier

Vincent Bouvier le 05/11/2019 à 08:46:21

Perso, j'ai commencé à lire le traité. J'ai trouvé une traduction pdf sur le net. C'est franchement intéressant quoi qu'un peu déroutant dans le style.

Freaks

Freaks le 05/11/2019 à 10:59:24

Grosse ambiance pour un coup d'essai, c'est tristoune comme j'aime bien. Par contre déso mais je plaide non coupable ;)

Wolverine

Wolverine le 06/11/2019 à 15:20:17

Un mur emotionnel qu'il convient de se manger en pleine face pour en gouter la saveur.

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