...? - ...!

Non, ...? n’est pas le premier groupe  purement onomatopesque croisé dans la Metalosphère. Rapellez-vous de ???? – aka Four Question Marks. Hum, tiens d’ailleurs, maintenant qu'on en parle: je me demande bien lequel des deux vient en premier au sein d’une rangée d’albums triés par ordre alphabétique? Qu’est-ce qu’il en dit Norbert, le chargé du rangement des bacs à CDs du Leclerc de Pétounette les Chartreuses? Comment? Mais si voyons, on peut tout à fait se permettre de pareilles digressions au sein de la chronique de ...!, parce que c’est quand même un peu le fonds de commerce du « groupe ». D'ailleurs pour tout vous dire, j’avais rarement entendu un album aussi intégralement nawak, et pourtant j’en brasse des hectolitres dans le genre… C’est qu’on tient là une pure déclaration d’amour à Mr Bungle, avec une tendresse toute particulière portée à sa facette la plus cartoonesquement délirante.

Non parce que des groupes très fortement inspirés par le grand Manitou Pattonnien – qui entremêlent de pleins 35 tonnes de styles musicaux différents, et qui se la jouent tantôt clean, tantôt imperceptiblement psychotiques, tantôt complètement décapsulés de la boîte crânienne – on en a plein la hotte. Ainsi les Vladimir Bozar, Darth Vegas, Polkadot Cadaver, Umläut (...et con d’Pagny...) suivent les traces du Pr Bungle avec une grâce et un équilibre proprement félins – du genre Chat du Chesire, le matou. Mais ...?, lui (oui, lui, parce qu’il s’agit en fait là d’un one-man-band tout ce qu’il y a de plus DIY), s'il garde bien de son modèle la multi-schizophrénie stylistique et l’hyperactivité tourbillonnante, met tout particulièrement l’accent sur la folie bondissante de personnages de cartoon plutôt que sur l’omnipotence artistique et la finesse d’un univers plein d’habiles clins d’œil. Bref, il fait plus dans le Jerry Lewis que dans le Benoit Poelvoorde.

N’empêche, pour créer un projet qui tienne la route dans le monde merveilleux de Bungleland, il en faut de la folie et du talent – d’autant plus quand on est seul à bord. Et Luke Kelly, le barjot ceinture noire 4^e dan en nawakerie à l’origine de tout cela, n’en manque pas! Et il les met à profit pour dompter une basse hyper dodue (que même que des fois – tiens, sur « Damn Gypsies » – on  pense à une version particulièrement délirante de One Step Beyond), une BAR raisonnablement organique (pas trop de poc-poc à l’horizon) et une guitare manipulée avec un savoir-faire manifeste (cf. la superbe échappée country-circus-blues rock clôturant le feu d’artifice de « Fireworks Away »). Tout cela est abondamment arrosé d’une (au moins) voix couvrant le spectre complet des personnages popularisés par Tex Avery et Hanna-Barbera – à laquelle s’ajoute encore celle d’un punk SDF manifestement complètement cuité. Ah, et j’oubliais le dernier ingrédient récurrent: une ambiance foraine où se croisent femmes à barbe-à-papa, clowns grotesquement agités et trains-fantômes. Pouêt !

De cette incessante course en Grand 8, on a un peu du mal à extraire des tubes – petit plus qui, pourtant, fidélise l’oreille et donne un goût de reviens-y à la galette qui en a fait le plein. Quoiqu’un morceau au moins me fasse mentir: l’excellent « Damn Gypsies », dont le Badaboum nawak ska/punk speedé est assez irrésistible. Parce que sinon, c’est un peu le joyeux bordel ici, et les courts interludes blaguesques disséminés ci et là (le très Patrick Sebastien « Moe and Mumbles », l’épisode crooner gomina « Hello, Oh, Sweetheart », le face-à-face Elvis Presley / Merzbow « The Charmer – The Torture » ou le Fuck-You-Fuck-You de « The Siblings ») ne nous aident pas tellement à nous y retrouver. N’empêche, on se promène sur ...! comme à la Foire du Trône, et ce n’est pas parce que les couleurs sont parfois criardes, que plein de mômes nous courent dans les pattes et que ça sent fort les sucreries écœurantes qu’on ne se prend pas pour autant plein de paillettes dans les yeux, et qu’on n’en ressort pas certes fatigué, mais heureux de l’aventure. Tiens, d’autant que – à l’instar de Pryapisme, Mekong Delta, Marduk et les autres – le groupe se fend d’un petit détour par la Nuit Sur Le Mont Chauve sur « The Band Of Bald Moutain ». Alors quoi, on n’est pas bien là, à nawak-punker sur « Mitch, The Bastard Id »? Et le final – trop court – de « Peeping Toms Make Good Spies », c’est pas la classe peut-être? D’autant que ...? n’hésite pas à balancer bien fort la purée quand il le faut (Tiens, sur « Tear Out My Eyes »).

Bon alors d’accord, d’accord : ...! part dans tous les sens, et pas seulement comparé à un album classique, mais y compris par rapport à un « album de nawak metal standard » (développez le concept sur une feuille double. Vous avez une heure). Mais bordel c’est sympathique tout plein, et puis ce n’est qu’un 1^er album de one-man band après tout. Et « Damn Gypsies » est quand même tout particulièrement juteux. On espère donc que cet album appellera une suite – même si notre soif de nawakerie bruyante pourra entre temps s’étancher via la découverte de l’autre projet de Luke: Zelophilia.

PS: sur la version Bandcamp de l'album, tous les interludes dispensables ont été retirés, pour un effet badaboumisant maximisé!

La chronique, version courte: ...?  propose une musique pour fan de Mr Bungle appréciant tout particulièrement la face « circus cartoon » de son idole. Sur ...!, attendez-vous donc à du badaboum nawak metal forain qui part dans tous les sens – c'est vrai –, mais dont le manque de focalisation est compensé par une folie et une énergie proprement Tex Averyesques.

Cglaume

le 19/11/2013