Abriction - Banshee
Chronique CD album (01:20:52)

- Style
Post-black expérimental - Label(s)
Repose Records - Date de sortie
09 February 2024 - écouter via bandcamp
Comme l’écrivait Paolo Coelho, un homme dont le sens de l’à-propos est aussi légendaire que la mauvaise foi de Donald Trump, « en se préparant à rien, on est prêt à tout ». C’est dans cet état d’esprit qu’il faut aborder Banshee, le quinzième album depuis 2019 du one-woman-band de Meredith Salvatori, Abriction. Un état d’esprit assez similaire à celui nécessaire pour apprécier pleinement le World Metal. Kosmopolis Sud de Solefald. S’il n’avait pas été publié par Repose Records, il est fort peu probable que j’aie eu l’occasion d’y jeter une oreille. Malgré son origine géographique, New York aux États-Unis, rien à voir ici, fort heureusement, avec le Black à casquettes de groupes comme Deafheaven, Liturgy, ou Wolves In The Throne Room.
Pour autant, son écoute risque de donner des boutons aux gardiens du temple : ceux « qui croient détenir la vérité ! Genre, moi j'détiens la vérité ! Mais tu détiens rien du tout ! » avec leur rimmel et leurs colliers à clous de chien. Pour être tout à fait honnête, la première écoute de Banshee a été assez perturbante pour moi, certainement influencée par ce que j’avais lu dans la description du label : « the complete MySpace-era alternative music scene condensed and refined into one album » (« la scène musicale alternative complète de l’ère MySpace condensée et raffinée en un seul album »). Mais les écoutes suivantes se sont révélées moins déroutantes. Le projet reste toutefois foncièrement iconoclaste, au moins pour cet opus, n’ayant pu jeter qu’une oreille distante sur le reste de sa discographie.
Comme c’est souvent le cas avec les projets menés par un seul musicien, la batterie est ici programmée. Cela ne pose aucun problème sur les passages les plus électro, qui évoquent tout autant le Trip-hop (« Streetlights »), le Post-punk (« Redshift ») ou la Synthwave (« Souls »). En revanche, cela devient plus gênant dans les sections les plus Metal (« Pale Morning Horizon »).
Les vocaux, qui alternent sans cesse entre clairs et saturés, parfois au sein d’un même titre, sont sans conteste l’un des points forts principaux de cet album. Cette maîtrise vocale, portée par une intensité émotionnelle palpable, rappelle l’énergie brute et théâtrale d’Agnete Kjølsrud (Djerv), capable de passer d’un cri viscéral à une mélodie cristalline en un instant. Ce contraste saisissant évoque les moments où elle rivalise avec Lars et Cornelius de Solefald, ces instants de confrontation vocale où la complexité et la richesse des textures se déploient pleinement.
Mais l’influence ne s’arrête pas là. Dans les passages les plus éthérés, où la voix semble flotter dans un espace hors du temps, une parenté troublante avec Julee Cruise se fait sentir. Comme cette dernière hantait les rues sombres et mélancoliques de Twin Peaks ou le mythique Roadhouse, Meredith Salvatori insuffle à sa performance un sentiment de mystère presque spectral. La douceur vaporeuse de ces moments contraste magnifiquement avec les éclats de rage et de puissance, créant une dynamique vocale qui maintient l’auditeur en haleine tout au long de l’album.
Cette dualité dans les vocaux n’est pas qu’une démonstration technique : elle incarne à elle seule l’esprit de Banshee. Entre rage cathartique et délicatesse poignante, chaque ligne chantée devient une pierre angulaire de l’univers sonore qu’Abriction bâtit
Petit à petit, étape par étape, éléments après éléments, Meredith Salvatori construit son Post-black hautement expérimental, complet reflet de son époque, cette analyse de la précarité de la jeunesse américaine dans une musique intensément convaincante, à la densité émotionnelle impressionnante, malgré la durée parfois rébarbative de l’ensemble.
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