Avatarium - The Fire I Long For

Chronique CD album (44:03)

chronique Avatarium - The Fire I Long For

C'est marrant parfois comment les découvertes peuvent être hasardeuses. Le cas d'Avatarium en fait pleinement partie. Pire même, ça part même carrément d'un qui-pro-quo/malentendu. Allez voir la miniature du clip de « Rubicon » sur Youtube, mettez vous à la place de quelqu'un qui n'a jamais entendu parler de ce groupe et n'allez pas me dire qu'à voir cette jolie nana blonde bien apprêtée exagérément mis en avant avec un tel fond bleu nuit chatoyant, le tout estampillé sous l'égide Nuclear Blast, ça ne vous donne pas l'impression d'avoir affaire à une sorte de pâle copie d'Amaranthe. Autant dire, on sourit, on clique gentiment par curiosité malsaine en s'attendant au pire. Et si la vidéo en elle-même n'ira pas marquer les esprits dans la douce histoire des clips metal, le son, en revanche, interpelle. C'est là qu'on se dit que les clichés et formatages visuels issus des grosses crèmeries ont la vie dure car au final, on se situe à mille lieux de cette première impression peu reluisante.

 

La seconde impression l'étant bien plus, on se décide à creuser un peu plus : Avatarium est en réalité un side-project de Leif Edling (Candlemass). Vu sous cet angle, c'est fou comment on prend le sujet vachement plus au sérieux. A tel point qu'on en vient à patienter la sortie de ce nouveau méfait, The Fire I Long For, histoire de voir définitivement ce que ça a dans le ventre. C'est qu'il faut bien commencer quelque part après tout. Même si au final, le fait de savoir que Leif Edling est instigateur du projet se révèle quelque peu anecdotique dans le cas de ce crû de fin 2019 : Candlemass ayant repris ses activités, c'est avec une certaine logique qu'il prenne du recul vis-à-vis de ce side-project et laisse donc le bébé majoritairement à ses acolytes Marcus Jidell (guitare / ex-Evergrey / ex-Soen) et Jennie-Ann Smith (chant). Edling signe simplement trois compositions sur cet album et n'a même pas pris part à l'enregistrement. Difficile d'affirmer cela lorsque l'on ne prend que maintenant le train en marche mais cette sorte de nouveau départ pour Avatarium où le maître Jedi lâche la bride afin que ses jeunes Padawans puissent déployer leurs ailes et prendre leur envol, rend ce The Fire I Long For particulièrement intéressant. D'autant plus qu'il place le groupe comme un acteur de la scène doom qui mérite d'être pleinement suivi.

 

Car si deux des trois compos signées Edling, « Porcelain Skull » et « Epitaph Of Heroes » mettent les pendules à l'heure tant elles sont évidentes en terme de signature, passé ces deux moments plus classiques et caractéristiques, on constate que le duo de compositeurs Jidell/Smith a de quoi raconter artistiquement parlant. The Fire I Long For, c'est un peu le délire d'aller par-delà du doom via divers éléments musicaux mais en restant fidèle à l'esprit du style. D'une certaine manière, même s'il est encore trop tôt pour le prononcer tant il est possible que le futur prenne une autre tournure qu'il n'y paraît aujourd'hui, cet album porte en lui cette symbolique de passation. Comme si Edling avait fait une ultime cadeau à ses compères et que ces derniers lui rendent avec bienveillance et respect en alimentant cet esprit doom que (l'ancien ?) maître à penser a énormément contribué à créer avec Candlemass. Et ce, bien que le duo – et couple dans la vie par ailleurs – dispose d'un bagage/panel d'influences plus vastes qu'il souhaite mettre à profit au sein d'Avatarium. Ce qui rend l'entité un peu contradictoire : ça va puiser bien au-delà du doom pour un résultat final indiscutablement doom. D'ailleurs, pour aller plus loin dans cette impression de symbole de passation, le troisième titre signé Edling s'avère on ne peut plus surprenant tant il sort de sa zone de confort, à tel point qu'on pourrait le croire signé par ses compères. « Stars They Move » qui clôture les hostilités s'avère en effet un titre dépouillé et intimiste en piano/voix théâtral et dramatique, où l'organe de Jennie-Ann Smith brille d'intensité en lui octroyant un caractère à mi-chemin entre le jazz et la soul. Un peu comme si Edling, conscient des envies artistiques de ses deux compères, donnait son aval à ce que ces derniers s'y laissent pleinement aller.

 

Et malgré le fait qu'au final, l'ambiance qui ressort de ce qui a été composé par le tandem est résolument doom, il faut admettre que leurs bagages d'influences rendent ce méfait d'Avatarium très intéressant, en plus de s'inscrire dans la classe et l'élégance. Jusqu'à finalement atteindre un très bel équilibre dans l'esprit doom qui a su se poser de différentes manières au travers de ses acteurs. Ce n'est pas la joie de vivre, la mélancolie est en effet omniprésente, mais sans jamais venir s'enfermer dans de longues phases languissantes. Au contraire, si Avatarium sait poser des ambiances qu'il peut étirer (« Great Beyond »), il sait également miser sur des passages s'inscrivant davantage dans l'accroche, consensuelle et directe (les mélodies vocales de « Voices », le refrain de « Rubicon » et surtout le très rock'n roll « Shake That Demon »). Dans le même esprit, si la théâtralité est de mise, on n'outre-passe jamais le côté « simplement » dramatique jusqu'à atteindre le tragique d'un My Dying Bride. De par les moments plus directs sus-nommés qui amènent plus de légèreté mais surtout par tout le travail de Jennie-Ann Smith. C'est que la madame a fait ses premières armes d'apprentissage du chant dans les milieux jazz et ça se ressent, donnant une tessiture d'ensemble toujours chaleureuse (« Stars They Move » bien entendu ou encore le titre éponyme où sa voix amène un côté délicieusement bluesy). D'ailleurs, au vu de ce qu'elle montre tout du long de l'album, il y a fort à parier qu'Avatarium peut se montrer fort impressionnant en live. Qu'importe qu'elle mise sur la grandiloquence théâtrale que les moments plus sensibles et intimistes (l'acoustique « Lay Me Down » aux consonances dark-folk évidentes), l'intensité est toujours de mise. Ajoutez à cela l'hypothèse qu'elle sache y mettre de la prestance sur scène, il y a fort à parier que les différentes compositions de ce The Fire I Long For passent un cap supplémentaire en live.

 

Merci donc à Nuclear Blast pour sa miniature Youtube pas très représentative du propos d'Avatarium, sans ça, je serais sans doute passé à côté de cette perle qui sait exploser les frontières en conservant scrupuleusement ses racines. Des racines qui ne se situent justement pas dans les excès du doom où ça chouine à tout va pendant vingt minutes en se posant comme un martyr. C'est qu'on peut se contenter simplement de donner dans la mélancolie dramatique – pas toujours si sombre qu'on pourrait le penser finalement – sans qu'on se sente obliger de se tailler les veines (d'ennui languissant ou de tristitude, c'est selon) au bout du compte. Avatarium le fait très bien ici, que ce soit via la modeste contribution d'Edling que par ses acolytes qui prouvent qu'ils sont fort capables de prendre les rênes du projet. Et surtout de le rendre beaucoup plus « exotique » mais toujours avec raffinement.

photo de Margoth
le 16/01/2020

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