Bernth - Elevation
Chronique CD album (46:19)

- Style
Shred qui ne s'la pète pas - Label(s)
Autoproduit - Date de sortie
30 mai 2021
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C’est l’été, bientôt les vacances, alors j’ai décidé de me faire un petit plaisir en chroniquant un album qui ne fait pas partie de la liste des albums que j'ai à chroniquer (dont la taille est plus impressionnante que celle de l’égo de Liam Gallagher) et dont le style n’est pas forcément ce qu’on a l’habitude de voir dans les colonnes numériques de COREandCO. Cela permettra aux rageux et à la police du bon goût de venir faire une dernière fois avant les vacances leur travail dans la section commentaire.
Je vais donc me pencher sur le premier album de Bernth, Elevation, sorti en mai de cette année. Bernth est un trentenaire autrichien qui s’est fait principalement connaître, en ligne, pour ses cours et master-classes de guitare. Il fait donc partie de cette catégorie qui a eu ses beaux jours dans les années 80 et est revenue sur le devant de la scène dans une version moins choucroute et spandex fluo ces dernières années: les guitar-hero. Il est encore un peu tôt pour ériger Bernth à ce sacro-saint statut mais comme la Clio, il a tout d’un grand.
Bien qu’étant moi-même un peu (piètre) guitariste à mes (nombreuses) heures perdues, je ne suis vraiment pas client des Steve Vaï, des Joe Satriani et autres Paul Gilbert. Il faut bien avouer que, s’ils sont indiscutablement des virtuoses, leurs morceaux m’ont souvent fait l’effet d’un chili con carne un jour de gastro. D’ailleurs, si les mecs s’époumonent en interview à nous dire que ce qui compte pour eux, c’est avant tout la mélodie, c’est bien que c’est louche et on a d’autant plus du mal à le croire à l’écoute de ces morceaux qui ressemblent assez vite à des démonstrations d’esbroufes technico-digitales piochées au hasard du grand manuel du guitariste qui en jette et qui connaît littéralement ses gammes sur le bout des doigts.
Je vois déjà les fans prêts à m’attaquer avec le traditionnel “Oui, tout çaaaa, mais non, c’est parce que t’es un gros jaloux de pas pouvoir jouer aussi bien qu’eux”. Hé bah...non, vraiment : non! Autant j’ai un profond respect et je peux être en pâmoison pour les guitaristes techniciens au service de la musique (et là, je citerai en vrac Matthieu Pascal de Gorod, Jason Richardson de...plein de groupes avec Jason Richardson, Dean Lamb d’Archspire, ou encore Chris Arp de Psyopus), autant j’en ai un peu moins pour les guitaristes musiciens au service de la technique (et là, je ne citerai personne...sauf John Petrucci parce que c’est si bon de troller gratos avant les vacances).
Mais alors pourquoi Bernth? Tout d’abord parce que c’est un genre d’anti-thèse de Yngwie Malmsteen, une version sympa, humble...et sans chemise à jabot. Là où ce dernier vous explique à quel point il est doué, Bernth vous explique pourquoi il ne l’était pas. Cela se ressent dans Elevations: les plans les plus techniques ne sont d’ailleurs pas nécessairement ceux les plus mis en avant. En effet, le mix sait mettre dans le fond un gros solo en double croche bien impressionnant au profit d’une partie de batterie bien groovy “in the pocket” et donc plus intéressante. Elevation est un album de guitare, oui, mais qui n’oublie pas que cet instrument prend toute sa dimension quand elle est secondée par une section basse/batterie efficace et ici, celle-ci n’est pas que “rythmique”, elle nourrit aussi les compositions harmoniquement.
Ensuite, Bernth a une fibre metal assez prononcée. Ce n’est pas du gros death-tech à la Jason Richardson ou Archspire, mais on retrouve du métal sa saturation, ses grooves, et sa complexité et évidemment sa puissance. Bernth sait taper dans l’expérimental ("Monolith"), dans le death mélodique ("Monolith" toujours), dans le rock grisant pour minet ("Monolith" encore), dans le death lourd ("Monolith" à nouveau). Voilà un autre aspect d’Elevation qui m’a plu: une myriade de styles au sein non seulement de l’album mais aussi des morceaux.
Il y a des plans absolument démentiels comme l’intro de "Hourglass" qui fleure tellement bon le Blotted Science. D’ailleurs, au niveau du travail sur les harmonies, on est pile dans la technique au service de la musique. On sent que Bernth maîtrise l’écriture modale, sait comment ajouter de la tension et à la manière d’un Ron Jarzombek nous fait voyager dans des galaxies mélodiques inconnues et des univers rythmiques vraiment intéressants. Il sait aussi se faire plus doux, comme "Dopamine" et ses arpèges en tapping dans l’esprit de l’excellent Shadows Between the Sky du guitariste sponsorisé par le Colonel Sanders, ou" Orbitoclast" qui ravira les fans de Polyphia.
Côté son, ça tabasse. Vraiment, c’est mixé au poil pour un album de ce genre. Les guitares sont majoritairement devant mais ne fatiguent pas (surtout pendant les déluges de notes), la basse est bien gonflée, la batterie bien claquante et il y a un superbe équilibre entre le tout.
Alors, évidemment, il y a l’éternel reprise d’un morceau classique à la sauce rock/metal. Ici, c’est "Caprice No. 24" de Paganini qui passe à la casserole. Cette interprétation qui ne manque pas de qualité d’exécution et de ré-écriture (notamment au niveau des rythmes) a tout de Paganini: la virtuosité impressionne autant qu’elle fatigue à la longue mais à l’occasion, écouter un tel morceau reste une expérience agréable. Il y a aussi l’éternelle sensation de “y en a un peu trop partout et tout le temps”, c’est moins grandiloquent, moins putassier et un peu plus rare que sur d’autres albums du même genre mais il y aurait pu y avoir ici ou là quelques écrémages salvateurs pour l'auditeur.
Enfin, ces deux derniers morceaux...Trop longs, qui tournent en rond et m'ont laissé un peu plus de marbre: "Yog-Sothoth", "When It Rains, It Pours" (malgré sa jolie introduction et son titre qui sentait la chanson de l’été signée par “Nous C’est Nous”). Certains autres qui auraient pu être un peu raccourcis d’autant que l’ensemble est dense (46 minutes).
Malgré ces écueils, qui peuvent faire partie du package dans ce style, Elevation est un album de guitare de très bonne qualité, avec une bonne fibre métal complétée de beaucoup de styles, de surprises. Très bien écrit, joliment travaillé, arrangé et mixé, il fera parfaitement l’affaire cet été pour contempler le paysage dans les bouchons sur l’A7.
On aime bien: une belle palette de styles, les influences, les grooves, les harmonies, le son, la guitare qui n'hésite pas à se mettre en retrait quand il le faut
On aime moins: long et dense, ne fait pas l’économie des défauts du style “shred”
2 COMMENTAIRES
cglaume le 05/07/2021 à 12:02:06
"comme la Clio, il a tout d’un grand"
... Vieux ! :D
8oris le 05/07/2021 à 15:06:16
Je plaide coupable! :D
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