Bong-Ra - Black Noise
Chronique CD album (38:20)

- Style
Blackened breakcore industriel - Label(s)
Debemur Morti Productions - Date de sortie
21 février 2025 - écouter via bandcamp
Il est de ces zikos dont peu importe le degré d’implication que tu daignes lui accorder tu ne peux que réaliser que, au gré du parcours de sa discographie, jamais tu n’auras fait le tour de l’étendue de son talent. Mon maître étalon en la matière restera définitivement John Zorn (même en listant Cobra, Moonchild, Masada et Naked City je serai loin d’en avoir fait qu’un quart de tour), et même si je ne saurais que vous inviter à jeter une nouvelle oreille à toute l’étendue de ce que le gonze a pu réaliser, en définitive c’est même pas le sujet. Car à côté de ça, l’actualité musicale de ce début 2025 me laisse l’occasion de vous glisser quelques mots sur mon number two du paradigme, en la personne de Jason Köhnen.
Quelle que soit la niche underground dont vous puissiez vous revendiquer, impossible que vous n’ayez eu affaire au gnard en question. T’aimes pas le breakcore, dont il a rien de moins que fait partie des pionniers avec Bong-Ra ? Pas de problème ; rabats-toi sur le grind de ses origines (BLUUURGH… [si si j’te jure, c’est un vrai nom de groupe]). Ah le grind c’est pas assez violent ? Tékaté, va plutôt voir sa noise (Deathstorm). Non plus, c’est trop inécoutable ? Laisse béton et checke ses incursions dans le doom (Celestial Season). Quoi quoi quoi c’est trop mou du bulbe, tu préfères du plus agressif ? Allons donc, va plutôt voir son black (Servants Of The Apocalyptic Goat Rave). Pas plus, t’aimes pas le metal ? Bon là tu commences à m’emmerder mais j’en ai encore ; va voir son jazz noir (The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble et The Mount Fuji Doomjazz Corporation). Rohlala c’est trop mou, tu veux du plus explosif ? Bah même son doom il lui colle parfois des sonos deathisées de derrière les fagots (The Answer Lies In The Black Void). Toujours pas, tu veux du plus accessible ? Bah si avec son ambient downtempo (The Giants Of Húsavík, Mansur…) t’as toujours pas trouvé ton compte bah va te faire mettre parce que là j’sais vraiment pas ce qu’il te faut*.
En sachant que Köhnen a décidé de placer la cuvée 2025 de Bong-Ra sous le signe du retour à ses sources structurelles (si t’as pas zappé le paragraphe d’avant, ton mindfuck devrait déjà confiner à la projection astrale), Black Noise promet d’ores et déjà de sublimer le plus petit aspect de sa formule dans ses grandes largeurs. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’entre le glitching névrotique de Monolith, le tempo doomesquement jazzé de Meditations et les mélopées rageusement ambient d’Antediluvian, il ne nous a pas menti, le con. Une belle surprise lorsque, comme moi, ces deux derniers vous en ont touché une sans plus faire bouger l'autre que Vomir pendant ses concerts.
De sa première à sa dernière seconde, Black Noise épanouit un monstre de singularité sonore, honorant toutes les promesses que son titre pouvait engager. Lente et méthodique, la musique de Bong-Ra s’y montre aussi glauque que nébuleuse, dans la moindre de ses anfractuosités. Le soin particulier apporté aux intros de chacun de ses neuf morceaux, allant de l’ambient indus (« Death#2 ») aux samples noisy breakcorisés (« Ruins »), glisse systématiquement vers le riffing extrême au plus fort de la glauquitude qu’appelle le style, entre black caverneux et doom death ultra saturé.
Certes, Black Noise invoque plus volontiers l’instrumentalisation la plus basique du metal dans ses compos – le line-up de Bong-Ra s’est même enrichi de ce qu’il faut de zikos pour partir en tournée, c’est dire –, Jason Köhnen ne s'en est pas privé de ses racines résolument breakcore pour autant pour imprimer la rythmique de ses tracks. « Dystopic » alignera notamment une batterie de glitches dont les lignes lancinantes se confondront avec la cadence surnaturelle imprimée par la richesse des nappages électroniques de la track. Tandis que « Blissful Ignorance » brillera par la richesse mélodique des textures bruitistes le parcourant.
Black Noise fait bien plus qu’étaler toute l’étendue de la maîtrise musicale dont justifie Jason Köhnen à tous les niveaux ; il en transcende la moindre de ses aspérités. Là où « Useless Eaters » sature ses rythmiques de ses beats les plus résolument électro, « Bloodclot » aligne sa longue courbe ambient sur ses sonorités doomjazz les plus euphoriques. Tout en mouchetant « Parasites » de sonorités liquides évoquant la gerbe matinale de Rick Sanchez, dans la parfaite continuité de ses variations harmoniques virulentes.
La richesse des sonorités et des genres employée par Bong-Ra se savoure d’autant mieux au plus fort d’un mastering aux petits oignons, érigeant une tracklist d’une densité fuligineuse. Entre le breakcore outrageusement industriel de « Nothing Virus » et le black ambient ombragé de « Black Rainbow », il n’y a finalement qu’un pas à la mesure des climats accordant leurs velléités envenimées. Entre le growl rocailleux et le slam atrabilaire que déploie Jason, l’atmosphère de Black Noise prend tout son sens au fil d’une ruisseau sec et rocailleux, dont aucun morceau ne dure plus de cinq minutes.
Bien moins bruitiste – quoique… – que black, le nouvel album de Bong-Ra demeure une démonstration de nausée sonore à son plus haut degré de pesanteur. Sombre et étouffante, Jason Köhnen y offre la plus belle comme la plus suffocante excursion sensorielle que pouvait nous offrir le cru 2025. Et même, ce que laisserait à peine deviner son titre, l'un des skeuds les plus accessibles de sa discographie, en plus d'un des plus complets et aboutis.
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*Sachant qu’en plus j’ai même pas namedroppé l’intégralité de ce dans quoi le gusse a trempé, alors un peu de bonne volonté à la fin, quoi, merde…
4 COMMENTAIRES
Crom-Cruach le 20/02/2025 à 16:09:01
Jamais eu à faire au gnard en question : impossible n'est pas Cromy.
Aldorus Berthier le 20/02/2025 à 16:59:59
@Cromy Même si je te partage ce lien ? https://www.grimmgent.com/support-metaal-a-retrospective-docu-about-the-dutch-death-metal-scene/
Crom-Cruach le 20/02/2025 à 19:04:08
Ah bah non, à moins que le gars a joué dans Asphyx, Pestilence ou Gorefest. Ce qui ne semble pas être le cas. Celestial Season, c'est très chiant, désolé. Mais la pochette est une tuerie totale et c'est déjà pas mal.
Crom-Cruach le 20/02/2025 à 19:09:53
Le deuxième morceau en écoute est sympa par contre. J'ai peur que la rythmique neurasthénique ne domine, cependant. Mais je comprends mieux ta réf à Ministry (période Filth Pig). Alors que PSALM 69 et RIO GRANDE BLOOD me parlent plus.
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