Bonnie Tyler - Secret Dreams And Forbidden Fire
Chronique CD album (56:24)
- Style
Soft Rock ultime - Label(s)
Columbia Records - Date de sortie
07 avril 1986
écouter "Holding Out for a Hero"
D’elle, on connaît surtout ses premiers succès quand elle officiait dans de la country rock ("It’s a heartache") ou par le truchement de son tube interplanétaire "Total Eclipse of the Heart". Pour autant, cette ballade ne compte pas parmi ses seules réussites dans cet exercice. Il existe un album qui rassemble des tubes à la pelle et partant, qui peut largement prétendre au statut de classique ultime dans sa discographie. Un classique difficile à trouver de nos jours, puisque dans les rayons des grandes enseignes on tombe essentiellement sur des best of insipides. J’ai moi-même un enregistrement sur K7 réalisé à partir d’un exemplaire glané en médiathèque, il y a un siècle de cela. Par un dimanche d’automne 2021, la divine providence mène mes pas dans un quartier résidentiel huppé dans les hauteurs de Belleville, près des Buttes Chaumont, à Paris, où se tient un vide-grenier convivial, chaque habitant ayant installé son stand devant sa maison ou son garage. Parmi ces stands, je m’arrête sans idée précise devant plusieurs cartons avec, écrit sur chacun, le genre des vinyles. Antilles, funk, jazz… Un badaud converse devant le carton estampillé Brésil, s’adonnant au name dropping éclairé avec le vendeur. Je profite de cette diversion pour fouiller parmi les œuvres classées au rayon pop rock. Et là, c’est l’épiphanie. Le Graal tant convoité, pour la modique somme de 3 euros. Ce fait d’arme de chineur amateur valait bien une chronique ultime.
Dans la foulée de Faster than the speed of night, Bonnie Tyler sort en 1986 Secret Dreams and Forbidden Fire qui réalise le tour de force d’enchaîner les titres mémorables sans que ceux-ci soient forcément taillés pour passer en radio, compte tenu de leur longueur. Jugez plutôt : 6 minutes pour le titre d’ouverture, "Vanishing". D’entrée de jeu, celle qu’on surnomme la Rod Stewart au féminin happe l’auditeur dans ses rets ensorceleurs avec une chanson dont la structure aligne les parties avec une fluidité déconcertante, servies par des mélodies séduisantes dès la première écoute. Si on se trouve bien face à une construction conventionnelle de couplet/refrain, ceux-ci se découpent en plusieurs sous-parties. Intro au piano, dont on retrouve la mélodie plus loin dans la chanson, progression transitoire avant le premier couplet, appuyé par une rythmique nerveuse riche en arrangements, pont divisé en plusieurs parties distinctes, avant un refrain hautement épique, lui-même composé de plusieurs parties. Sans étouffer l’auditeur avec autant d’abondance, le titre déploie sa sophistication avec une évidence qui confine au génie. Témoin son final, tout en solo de guitare discret et orgie de chœurs multiples.
1986. Pile poil le milieu d’une décennie qui jouit d’une liberté créatrice folle et complètement débridée. Pour le meilleur et le pire. Ici, c’est pour le meilleur. Si le son reste marqué, voire daté, il témoigne en revanche d’une recherche artistique à tous les étages. On s’autorise la surenchère, mais chez Bonnie Tyler, chaque élément rehausse le goût de l’ensemble. La guitare frétillante, presque funky, sur "If you were a woman and I was a man", dialogue à merveille avec les sursauts du saxo. Les connoisseurs y reconnaîtront la mélodie d’un autre tube sorti la même année, dans l’album Slippery when wet de Bon Jovi : "You give love a bad name". Comment se peut-ce ? Tout bonnement parce que derrière ces chefs d’œuvre se cache le même producteur : Desmond Child, qui recycle la même mélodie avec intelligence. En 2020, on la retrouvera dans un tube de Ava Max, "Kings and queens". Bonnie Tyler prête sa voix rauque’n’roll à sa version entraînante qui donne envie immanquablement de taper du pied et des mains.
Après 2 titres de cette trempe, l’auditeur est prêt pour déguster la première ballade de l’album qui sonne comme la fin de toute chose, à vous en foutre la chiale. Quasiment 8 minutes d’un duo déchirant entre la belle et Todd Rundgren, multi-instrumentiste et producteur connu pour avoir bossé sur des albums mythiques de groupes comme Meat Loaf, XTC, Bad Religion ou encore Patti Smith. L’alchimie entre les 2 interprètes fonctionne : on croit assister à leurs adieux qu’on voudrait voir s’éterniser pour préserver la magie de l’instant. Et c’est exactement ce qu’il se passe. Alors qu’on pense parvenir à la fin de la chanson, celle-ci se prolonge encore 2 longues minutes qu’on tente de retenir au creux de nos doigts comme du sable qui glisse inexorablement. La chiale, qu’on vous dit ! Pour la petite histoire, "Loving you’s a dirty job but somebody’s gotta do it" dont les paroles servent de titre à l'opus bénéficie d’un clip vidéo, dans une ambiance de comédie musicale et dans lequel l’acteur Hywel Bennett remplace Todd Rundgren, celui-ci étant en tournée au moment du tournage.
La suite de l’album calme un peu le jeu, avec des titres moins ambitieux, moins longs, mais tout aussi solides. Avant d’arriver à une reprise savamment revisitée d’une chanson de Freda Payne, chanteuse de RnB des 70’s : "Band of Gold". Et surtout, ce monument de soft rock : "Rebel without a clue". La guitare se montre plus virile, pour entamer un duo de bon aloi avec le piano, surtout sur l’instant solo où les 2 instruments exécutent une danse endiablée. Tout au long des 8 minutes du titre qui sonnent comme une fin de concert qui tutoie l’infini, on retrouve la richesse des nombreuses parties qui le composent. Témoin ce refrain en 2 temps, solennel, digne, épique en diable. On voudrait se démultiplier pour battre la mesure en famille.
Selon les supports, K7, CD, vinyle, la tracklist diffère à partir de là. Le 33T ne comporte que 8 titres, tandis que le CD en propose 2 supplémentaires. Mais toutes les versions s’achèvent avec un autre tube intersidéral de Miss Tyler. Qui lui aussi, sonne comme une apothéose. "Holding out for a hero" figure dans la BO de Footloose, film de Herbert Ross sorti en 1984, avec en tête d’affiche Kevin Bacon, célébrant les vertus de la danse dans une ville qui la désigne comme source de dépravation. La chanson, utilisée dans une scène de combat de tracteurs, donne envie d’enfiler un legging mauve et un serre-tête éponge après avoir avalé 10 œufs crus mixés et avant d’escalader un escalier en sautant les marches par séries de 4. Dans les années 80, Hollywood glorifie le dépassement de soi, dans des films mythiques tels que la saga des Rocky, Top Gun, Karate Kid, ou encore Dirty Dancing et autres Flashdance. La chanson de clôture de l’album de Bonnie Tyler constitue un pur produit de cette époque. Une chanson qui parle d’héroïsme, d’excellence, de prestige par le courage et le travail. Un hymne qui peut aisément nous accompagner dans toute entreprise nécessitant de good vibes. Un bijou universel, voire intemporel, qui pousse à relancer l’album pour élargir le sourire qu’il dessine sur notre visage.
22 COMMENTAIRES
cglaume le 10/09/2023 à 10:52:01
Parce que Core, certes.
Mais « … and co » aussi.
Voilà pourquoi 🙂
Xuaterc le 10/09/2023 à 13:21:25
Et pourquoi pas?
Comme le disait Duke Ellington« il n’y a que deux genres de musique : la bonne musique et la mauvaise musique »,
Dams le 10/09/2023 à 13:21:37
Ah ouais... fallait oser j'avoue.
Moland le 10/09/2023 à 22:32:20
@xuaterc et on a affaire à de l'excellente musique, là. C'est comme les gens qui se foutent de ma gueule de Conan le barbare de John Milius sans savoir qu'il s'agit d'un chef d'œuvre du 7e art, avec au scénario Oliver Stone, s'il vous plaît.
@dams j'ose, assume et revendique, keskya ?! :)
@cglaume : j'aime le co de CoreAndCo. Sans lui, j'écrirais 2 fois moins de chroniques
Crom-Cruach le 11/09/2023 à 08:11:01
Autant CONAN est LE chef d'oeuvre ultime.
Autant Bonnie Tyler quelques soient les qualités de cet album me pose question ici.
Ou alors nous devenons un webzine généraliste et allons chroniquer du JF Smet car "and co".
Crom-Cruach le 11/09/2023 à 08:17:06
Je précise que la chro est de haute qualité pour atténuer les accusations d'intolérance/fermeture d'esprit (et tout le blabla habituel) qui débarquent quand on exprime un doute voire un désaccord de nos jours, sur le web ou dans la vraie vie. Bon, en fait en réalité : balek des procès.
Moland le 11/09/2023 à 09:03:20
@crom
Il me semble que j'avais proposé cette chronique dans le fil de mails envoyés par CGlaume. Spa comme si on vous prenait par surprise, si ?
Quant au généralisme, faut-il s'interroger également sur mes chroniques de Talk Talk et de Midnight Oil ?
Quant au style en question, j'ai chroniqué du Lankum : de la folk irlandaise. Dont 1 quotidien généraliste comme The Guardian n'arrête pas de parler.
J'ai chroniqué du SPK : musique expérimentale sans guitare. Pas très core, si ? Pas très and co non plus, d'ailleurs. Et pourtant...
C'est dommage car j'allais proposé The Levellers...
En vrai, je comprends les réserves de certains, tout comme je comprends ceux qui pensent que Conan est 1 nanar mignon...
Pingouins le 11/09/2023 à 09:33:44
J'ai vu des crusties se déchirer à hurler "Total Eclipse of the Heart" en karaoké, alors ça me choque pas plus que ça de voir ce disque chroniqué ici.
pidji le 11/09/2023 à 13:02:30
Ah, le samedi a toujours servi à mettre en ligne des chroniques d'albums "autres", comme du hip-hop, de la pop, jazz, electro, etc. !
Et parfois c'est les 2 en même temps si c'est un dimanche : "autre" et "oldie" !
Ce qui doit représenter max 1% des chroniques en ligne, donc je pense qu'on est large pour être mainstream :D
Crom-Cruach le 11/09/2023 à 15:54:23
Ah mais c'est juste que j'avais pas gueuler jusque là sur plein d'autres trucs et c'est tombé comme ça, là (à cause de la coupe de cheveux, je pense, principalement).
Voilà, c'est fait. Vous pouvez reprendre vos activités après avoir fredonner ce petit air :
"Oh, it's a heartache
Nothing but a heartache
Love him 'til your arms break
Then he lets you down"
Moland le 11/09/2023 à 16:00:57
@crom
En tout cas, merci d'avoir lu, vieux ronchon !
Prochaine chronique ultime : un album de Sardou. Bah quoi, y a bien des t-shirts Sardoom OKAYE
Crom-Cruach le 11/09/2023 à 16:26:30
Il est blacklisté Sardou chez nous.
C'est mort (enfin pas encore pour de vrai mais ça ne devrait pas trop tarder).
Au même titre que Graveland ou M8l8ch !
Et hop tous en cœur :
"Oh, it's a heartache
Nothing but a heartache
Love him 'til your arms break
Then he lets you down"
Moland le 11/09/2023 à 16:56:05
Je précise : je blaguais hein
Moland le 11/09/2023 à 17:18:09
Commentaire d'un lecteur sur Facebook :
"Aaaaah !! Enfin un média qui mélange TOUT type de musique, la représente dans sa richesse et sa diversité 🙂 C'que ça fait du bien de savoir que ça existe ! Déjà, avec Talk talk, je pressentais quelque chose d'extrêmement attirant mais là, même si je ne me sens pas spécialement friand des oeuvres de Bonnie Tyler - plus par ignorance qu'autre chose -, je dois avouer que cette ouverture et cette approche globale la rend d'autant plus appréciable qu'elle me semble, pour le moment, unique en son genre.
j'avais bien tenté d'élaborer quelque chose de similaire il y a quelques années par le biais d'un blog, en vain. Les lecteurs ne s'intéressaient qu'au metal ou, dans une moindre mesure, au hardcore. Tous les articles traitant de hip hop, reggae, ragga, dancehall ou funk n'intéressaient pas grand monde. J'ai abandonné tout ceci, non sans regrets.
Vraiment très heureux de vous lire 🙂"
el gep le 11/09/2023 à 19:36:44
''Guts Of Darkness" sont bien ouverts aussi, niveau chroniques.
Sinon, suis plutôt raccord avec le Duke sur ce coup-là.
Allez, un p'tit karakoé-choeur pour faire plaisir à Cromy:
''Total Eclipse Of The Heaaaaaart''
Moland le 12/09/2023 à 05:41:42
@elgep ils chroniquent du Nurse With Wound, l'un des 5 meilleurs groupes de toute l'histoire de la musique expérimentale, ils ont tout compris.
Crom-Cruach le 12/09/2023 à 07:07:10
Oui alors on est unique, tout ça, voilà.
Bon..
Moland le 12/09/2023 à 08:26:10
Bah oui, on est unique. On dispose d'une chronique ultime d'un chef d'œuvre de Bonnie Tyler ! :)
Crom-Cruach le 12/09/2023 à 09:14:55
ça se tient, ça se tient...
M'en vais rattraper tout ça avec une chronique bien grassouillette de Swedeath pas du tout ouvert d'esprit.
Xuaterc le 12/09/2023 à 09:24:46
Voilà un morceau d'un courriel de lecteur reçu il y a un peu plus d'un an suite à ma chronique de Malicorne. Comme quoi, tous les styles, sauf le NSBM, ont leur place ici
" un petit mot à toute l'équipe pour dire que j'apprécie beaucoup votre blog
Vous m'avez permis de découvrir des pépites (Pryapisme, entre autres). Et c'est génial.
...........................
Un petit coup de cœur spécial, pour la chronique de Malicorne, qui a mon avis à tout à fait sa place sur votre blog. "
Moland le 12/09/2023 à 09:30:50
@Crom venge-toi bien. Rétablis l'équilibre de l'univers.
@xuaterc ça fait toujours plez, les retours de lecteurs.
Moland le 12/09/2023 à 09:32:11
@crom
"Je les noierai dans des lacs de sang impur. À présent ils sauront pourquoi ils ont peur du noir".
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