Cantique Lépreux - Le bannissement

Le début de cet été 2024 a été traversé, pour les fans de Beul Meuh, par une alléchante tournée européenne, d’ailleurs plutôt en vue et qui a mis à l’honneur le Métal noir québécois avec Délètère et Ossuaire. Le premier venait défendre sa dernière offrande, Songes d’une nuit souillée, sortie fin 2023 chez Sepulchral Productions. Pour une fois, grâce au soutien du label Les Acteurs de L’Ombre qui a puisé dans son roster très quali (Aorlhac, Houle, Aoratos) pour les accompagner sur plusieurs dates, la France n’a pas été négligée. Pour ma part, c’est en Suisse que j’ai eu la chance de voir ces Canadiens au Forest Fest Open Air qui marquait alors l’ultime étape de leur périple. J’avais un regret toutefois, celui que ces deux groupes ne soient pas accompagnés d’une 3^e entité que j’apprécie particulièrement et qui participe grandement  à la bonne santé actuelle du Métal noir québécois. En l’occurrence un quartet dont le nom risque de vous … étonner : Cantique Lépreux.

Ce dernier était malgré tout présent ce jour-là, au Forest, en la personne de son batteur, Cadavre, qui assure également les concerts d’Ossuaire. En fait, les musiciens de Cantique Lépreux – le gratteux/bassiste Matrak en tête – font partie d’un tout, cohérent et solidaire, tant les connections sont puissantes au sein du Black Metal canadien, puisqu’ils sont plus ou moins associés à une myriade d’autres formations : Forteresse, Acédia, Mêlée des Aurores, Chasse-Galerie, Manière Noire, Chaos Catharsis, Au-delà des ruines entre autres. Ah ce naming sexy... tout un programme !

Paysages polaires (2018)

Ayant manqué à plusieurs reprises l’occasion de chroniquer Cantique Lépreux, je ne vais pas me louper ce coup-ci !

Sectes (2021)

Sorti chez Eisenwald il y a quelques mois maintenant et déployant sur 7 titres pour près de trois quarts d’heure un Black Metal atmosphérique de grande facture, Le Bannissement a quelque peu tardé, puisque la dernière offrande Paysages polaires datait de 2018. Mais Cendres, un court format de 4 titres, a permis de gérer l’attente !

Les conduits sont d’emblée saisis, dès "Le ravissement", par des riffs clairs, éthérés et profonds, amenés jusqu’à nous tout en gradation. L’écriture de Blanc Feu est belle et incisive. Les compositions sont solides et immersives. Ce riffing bégaie avantageusement à plusieurs reprises. Ainsi sur "Fuir" (merveilleuse 3^e minute), "Archétypes" (2^e et 6^e mn) et "Le rêve primordial" (2^e, 4^e, …) et ce jusqu’à l’ultime et excellente proposition (quels premiers instants !). "Le ravissement" pour commencer, "Consécration" pour terminer : intelligent d’avoir ainsi borné Le Bannissement par deux titres probants, deux moments forts, les plus forts en fait, à mes oreilles tout du moins. Les 90 dernières secondes de cette plaque– ben oui c’est précis et alors ?!? – sont tout bonnement fabuleuses !

Cantique Lépreux nous enfermait dans des limbes glacials avec Paysages polaires, avant de proposer un condensé de violence et de fiel avec l’EP de 2021. Cette rage viscérale n’a certes pas disparu (fans d’Aorlhac, d’Ascète ou encore de Véhémence, vous apprécierez "Par la gueule des fantômes"), mais là ce Black Metal semble avoir trouvé un certain équilibre, une belle complexité. En atteste "Rivières rompues", une grosse pièce qui, dépassant allègrement les 9 minutes, se trouve bonifiée par un solo bien troussé à la 5^e minute, ainsi qu’un passage simple et épuré à la guitare à la 7^e minute.

Avec Le bannissement, Cantique Lépreux peut se targuer après une décennie d’existence d’être devenu une des valeurs sûres – et pourtant trop méconnues – du Métal noir québécois qui, de son côté, se départit ces dernières années par sa réelle robustesse. Et ce n’est pas la sortie du nouveau Spectral Wound ou le retour annoncé sur scène de Forteresse l’année prochaine, après un sommeil de plus de 5 ans, à l’occasion du mythique … Fortress, qui vont altérer une telle vitalité !

Seisachtheion

le 10/09/2024