Carey - Fervet Opus

Chronique CD album (29:11)

chronique Carey - Fervet Opus

A moins que vous ne nous lisiez depuis les terres outre-atlantiques de la province de Québec (auquel cas on vous salue), vous n'avez probablement jamais entendu parler de la Carey Canadian Mines Limited, compagnie minière établie pour exploiter cinq gisements d'amiante chrysotile à partir de 1955, et jusqu'en 1986, dans la région de East Broughton, un bled d'a peine plus de mille habitants en ces années là, qui se trouve à proximité d'un des rares gisements de cette amiante, avec des exploitations dès la fin du XIXè siècle.

Vous savez, l'amiante, ce 'matériau-miracle' à l'époque, dont la demande était très forte car abondemment utilisé dans toutes sortes de construction, mais dont on sait bien que les fibres et la poussière sont une des pires dégueulasseries cancérigènes, qui ont envoyé pas mal de travailleurs et de travailleuses, et leurs familles, non seulement au carton, mais aussi au sapin.

 

En 1949, avant donc cette 'nouvelle' entité minière (qui n'est qu'une excroissance de compagnies déjà existantes), 85% de la production mondiale d'amiante vient du Canada.

Le 14 février 1949, plus de 5.000 travailleurs des mines d'amiante quittent le travail et se mettent en grève, revendiquant une hausse salariale à un dollar de l'heure, neuf jours de congés payés, des mesures sanitaires vis-à-vis de l'exposition aux poussières d'amiante dont on sait déjà qu'elles sont vectrices de maladies – l'historique local fournissant toutes les preuves nécessaire, une représentation syndicale pour la gestion des mines.

Le conflit social, qui dure plus de cinq mois, sera l'un des plus violents qu'ait jamais connu le Québec. Les voies ferrées seront dynamitées pour empêcher les jaunes de reprendre le travail. Suite à la répression, l'archevêque déclarera, et on appréciera le contraste avec notre époque : « La classe ouvrière est victime d’une conspiration visant à les écraser, et quand il y a une conspiration pour écraser la classe ouvrière, c’est le devoir de l’Église d’intervenir. Nous valorisons les gens plus que le capital. » Quelques revendications seront malgré tout obtenues après des mois de lutte acharnée.

Puis une nouvelle grève en 1975, en particulier liée aux conditions sanitaires et aux mesures de protection insuffisantes pour les travailleurs, qui avaient été complètement ignorées au terme du conflit de 1949.

 

Bref. Je ne vais pas refaire toute l'histoire. Ici, vous trouverez du matériel (en pdf) sur cette grève de 1975.

Pourquoi ce laïus minier ? Parce que c'est l'histoire que Carey (le groupe, et vous voyez donc d'où vient le nom, ainsi que la pochette et son 'tampon') racontent dans ce Fervet Opus. Le premier morceau, « Bitter Tales », parle entre autres de l'héritage de '49. Le second, « The Strike of '75 ». La suite est à l'avenant.

Et le dernier ? « Hymn of the Workers ». J'imagine qu'il n'est pas nécessaire de faire un dessin.

 

Ici, Carey délivrent un hommage à cette classe ouvrière minière de leur région. Sur ses luttes, ses souffrances, l'emprise au quotidien de cette amiante dont la poussière vient s'amonceler sur les proches de chaque mineur, sur les porches de chaque maison, en tant que « veterans of the Amiante punk and hardcore scene », comme ils le disent eux-mêmes.

Leur vecteur pour le faire, c'est un hardcore mélodique brûlant de sincérité dans une veine (d'amiante évidemment) qui parlera aux amateurs et amatrices de Defeater, Verse ou encore Crafter (et tiens, c'est l'occase de recaler le récent Love Letter également), avec quelques samples qui viennent ici et là agrémenter le récit qui nous est fait.

 

Contant une histoire collective et intime à la fois, prenant et émouvant, c'est une vraie bonne surprise que ce Fervet Opus, et d'autant plus quand un message tel que celui-ci est érigé en tant que concept central de l'album. Solidarité, lutte des classes, luttes sociales, joies et peines partagées. Autant de choses dont on a autant besoin aujourd'hui qu'on en avait hier. Et si vous êtes du côté du Capital, vous savez quoi ? Passez votre chemin et allez plutôt écouter « A bientôt j'espère » du côté de chez Potence.

 

A savoir qu'un EP est sorti plus récemment cette année (King Beaver Phase One), mais j'ai été bien plus marqué par cet opus de la fin 2023, qui vient sans nul doute rejoindre mon #TopTropTard.

 

A écouter pour se souvenir que la solidarité est essentielle face aux patrons et au Capital et espérer les voir un jour au lampadaire.

 

 

amiante

 

photo de Pingouins
le 14/10/2024

10 COMMENTAIRES

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 14/10/2024 à 19:06:36

Ce qui est génial quand on te lit c'est que ça nous fait un cours d'histoire gratuit en plus de l'avis musical 👌

Moland

Moland le 14/10/2024 à 19:18:19

Clairement  
On dirait du Ken Loach

Pingouins

Pingouins le 14/10/2024 à 20:17:22

Oba merci mais c'est un poil exagéré 😅

Moland

Moland le 14/10/2024 à 20:37:54

Je parlais de l'histoire que tu nous narres là. Toi, tu es incomparable !

Oliver

Oliver le 15/10/2024 à 11:00:31

Enfin, une belle pochette... car quoi qu'on en dise l'artwork fait partie du tout...

Oliver

Oliver le 15/10/2024 à 11:02:37

... je postulerai bien au poste de chroniqueur... mais le temps ? l'envie durable ? mes goûts qui cadre avec le zine ?

Moland

Moland le 15/10/2024 à 11:07:32

Le groupe de Jim

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 15/10/2024 à 20:34:20

Pour Noël, on aura plus Maria que Carey à mon avis...

@Oliver : à part Carlos et la musique de Starsky et Hutch, on fait un peu de tout ici.

Moland

Moland le 15/10/2024 à 22:27:58

J'ai même réussi à chroniquer du Bonnie Tyler hahaha

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 16/10/2024 à 15:55:27

@Olivier : Sois confiant ; les collègues se farcissent bien mes chroniques de noisecore, niveau ouverture d'esprit on est large ici-bas !

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