Darkness - Blood on Canvas
Chronique CD album (43:16)

- Style
Thrash - Label(s)
Massacre Records - Date de sortie
26 avril 2024 - Lieu d'enregistrement Rambado Recording Studios
écouter "A Couple Of Kills"
« Quoi ? Encore un vieux groupe culte connu de tout le monde excepté moi ? »
Eh oui. Le pire c'est que ça m’arrive tout le temps. L’avantage – car la chope est à moitié pleine aujourd’hui – c’est que cela donne à votre interlocuteur l’impression fugace d’être un ado enthousiaste découvrant une scène Metal recelant encore plein de mystères. Ce qui ne pourrait être plus éloigné de la vérité vraie, saleté de tempes grisonnantes…
Avec Darkness, on se trouve être pile poil dans le schéma typique de vétérans multimédaillés qui persistent et signent, ces lascars n’étant autre 1) qu’un groupe de Thrash allemand 2) qui sort son 6e album 3) pour fêter 40 ans de bons et loyaux sévices.
Vous aussi, vous vous étiez laissé berner par ce blaze insipide, ce logo kitsch, et cet artwork bon marché, qui vous avaient laissé croire – parce que vous êtes pleins d’a priori déplorables – qu’il s’agissait en fait de jeunes garnements prometteurs qui, du fin fond de leur Colombie ou Chili natal, riffaient comme si leur vie en dépendait ?
Eh bien pas du tout.
... Quoique ces anciens soient encore relativement fringants, mine de rien.
Cette impression est certes due pour partie à leur son de guitare, merveilleusement épais et granuleux, qui impressionne quel que soit le tempo, un peu comme un tank dont le canon et les chenilles imposent le respect, aussi bien sur le champ de bataille que sur un parking de supermarché. Mais là ne réside pas l’unique atout de Darkness. Car si la formation œuvre dans un Thrash tout ce qu’il y a de plus tradi’, en affichant un savoir-faire clairement germain, entre un Tankard sobre et un Sodom riffant à la vitesse du brutal ‘coptère de combat, elle s’exécute – malgré son âge canonique – avec vigueur, conviction et une niaque certaine. Tiens, balancez « A Couple of Kills » sur le gramophone du salon, et jaugez de la dentition et des jarrets de ce bel étalon. Il ne donne pas franchement l’impression d’avoir besoin d’un déambulateur ou d’une prothèse de la hanche, pas vrai ? Et nos Sombres émissaires d’accoucher ainsi de quatre premiers titres qui nous donneraient envie de dégainer un bon 8/10… Si seulement la suite restait du même niveau !
Mais c’est malheureusement à ce moment précis que le bât commence à blesser, et le niveau de pertinence à fluctuer.
Pas méchamment. Mais suffisamment pour qu’on finisse par attribuer aux zigotos ce genre de note habituellement décernée au groupe de chauffe, sympa mais poussif, chargé de préparer la venue de la vraie première partie ouvrant pour – disons – Destruction. Et là où le Gloups atteint les profondeurs les plus glauques de la gloupsitude, c’est en plein milieu de tracklist. Sur « This and My Heart Beside » tout d’abord, cette mollassonnerie s’avérant aussi excitante qu’un sandwich au radis et au navet tiède (ça se réveille vers 1:20, mais sans jamais rien proposer de fifou). Ainsi que sur « Truth Is a Whore », au riffing mou et paresseux, et à l’imagination proche de celle d’un scénariste de la saison 28 d’Amour, Gloire et Beauté. La barre se redresse sur les trois derniers titres, notamment sur un « Roots of Resistance » sans prétention exagérée mais néanmoins terriblement efficace… Sauf que le long morceau-titre qui clôt l’aventure consacre la majorité de ses six minutes à l’expression d’une mélancolie traînante…
Je suppose que la chose ne s’est pas imposée de manière flagrante à votre appréciation, vu la teneur du paragraphe précédent… Pourtant j’aime vraiment ce Blood on Canvas qui fleure bon la motivation fébrile et la foi inébranlable dans ce bon vieux Thrash des familles. Car crénom : que ces guitares poncent les enceintes avec une délicieuse abrasivité ! Autre friandise, peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire des frissons partout-partout : Oliver Weinberg prend parfois des accents proches de Martin Walkyier, à l’époque où ce dernier frontmanait encore Skyclad. Il faut cependant reconnaître que ce n’est pas ce genre de peinture sanglante qui risque d’offrir une jeunesse éternelle aux Dorian Gray de la scène. Cependant, si en dehors des mets les plus fins, vous aimez aussi vous repaître de Thrash solide et roboratif, vous ne ferez pas fausse route avec ce gros plat de riffs vigoureux !
La chronique, version courte : avec Blood On Canvas, c’est un gros gâteau décoré de pas moins de 40 bougies que les Allemands de Darkness posent sur la table des festivités. Et il s'agit clairement d'un bel anniversaire, où ça cavale et ça riffe comme si l’on célébrait une vigoureuse vingtaine, avec guitares abrasives à foison, envie d’en découdre palpable, et foi dans la grande religion du Thrash teuton. Il ne s’agit certes pas du genre d’album qu’on sert dans les grands restaus étoilés, mais néanmoins de quoi se taper un bon gueuleton roboratif et convivial entre amis patchés.
4 COMMENTAIRES
Thedukilla le 31/03/2025 à 08:17:26
Ça c’est du patch à foutre sur une veste en jean usée pour dire au monde « j’ai les cheveux sales, pas de sous-vêtements, je préfère la deuxième division et je vous emmerde ».
Ça vaut mieux que 100?s objectifs de développement personnel des bouquins de la FNAC.
cglaume le 31/03/2025 à 08:44:33
😁
Aldorus Berthier le 31/03/2025 à 15:19:12
"un Tankard sobre"...
Tu devais toi-même être bien torché au moment d'écrire cette chronique pour imaginer un scénar' aussi absurde.
cglaume le 31/03/2025 à 15:58:58
Haha. Non mais parfois on sent la gouaille et le riffing de Tankard, mais sans la couperose :D
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