J.c. Satàn - Centaur Desire

Chronique CD album (40:11)

chronique J.c. Satàn - Centaur Desire

Notre petit Xuartec nous vient de Bordeaux. Et à ce niveau-là, je l'envie un peu je l'avoue. Car plus j'observe ce qui s'y passe niveau musical, tout particulièrement niveau rock, je me dis avec une certaine pointe au cœur que la vignasse titille la fibre artistique fort agréablement. Bien plus que notre calva local. Parce qu'il y a beau avoir du vin blanc dans l'embuscade, ce n'est pas avec ce cinquième de villageoise dégueu qu'on pourra bomber du torse fièrement. En revanche, quand J.C. Satàn revient avec une nouvelle galette et son cubi de table signé Saint-Emilion, tu te dis que les Bordelais, eux, peuvent se le permettre.

 

Pourtant, un mauvais vin, quel que soit sa région d'origine reste un mauvais vin. Ca râpe le palais, laisse un goût rance en bouche. Mais voilà, de la même manière que Lenôtre te ferait un buffet du pauvre à base de pain rassis et d'ouverture de boîte Hénaff, dès lors que tu as un joli nom de prestige, la pilule passe tout de suite vachement mieux. Tu arrives même à te convaincre que c'est merveilleux et raffiné. Pour le cas présent de J.C. Satàn, c'est un peu ça l'idée : si avant ils accompagnaient leurs gerbes sonores d'un tonnelet en plastoc rempli de tanin acerbe de fin de fût de chêne de Château Pétrus au top de sa verdure, ils nous reviennent aujourd'hui avec Centaur Desire et cette même piquette habituelle qu'ils auraient cette fois embouteillé avec une jolie étiquette blindée à ras-la-gueule de récompenses diverses décernées par des bobos alcooliques passant leur temps à rincer la grosse patate rouge qui leur fait office de nez.

 

Belle illusion que nous sert J.C. Satàn pour le coup. Parce que les premières écoutes de cette dernière progéniture surprend énormément par rapport à ses grands frères : moins corrosif, plus accessible, plus poppy. Exit la rage primitive et occulte d'un garage rock bien brut de décoffrage d'antan, Centaur Desire nous la noie sous une tonne d'effets psychés, adoucissant considérablement le propos. Mir Laine Machine n'aurait pas fait mieux. En cela, à de nombreux moments, on pensera qu'on se retrouve face à un The Doors qui se serait pris un bon rail de dreampop dans le pif (« Libera » et son final rappelant pas mal Melody's Echo Chamber par exemple). Et si on ne s'arrête qu'à cette simple façade, on aura tôt fait de prendre sa meilleure mine boudeuse, et de ressortir des Hell Death Samba (2011) ou des Faraway Land (2012) du fin fond des étagères. Histoire de se rappeler avec la larme à l'œil ce que ça pouvait bien être avant qu'Arthur, son principal géniteur, ne se décide de vendre son intégrité au diable.

 

Ou sinon, tu t'assois gentiment, tu réfléchis deux secondes tout en continuant de jauger la bestiole. Déjà, quand tu vois le précédent qui prenait un virage davantage ancré dans l'accessibilité, l'évolution semble plutôt logique. Même si on ne s'attendait pas forcément qu'ils y aillent aussi franco dans la démarche. Alors, certes, le conservateur posera le « pourquoi ? » qui tue. A ce qu'on pourrait répondre qu'après tout, « pourquoi pas ? ». Parce que creuser un peu davantage l'ossature fait que tu y retrouves pas mal ce qui pouvait être apprécié chez J.C. Satàn. Et peut-être même aller jusqu'à dire « en version améliorée ». Parce qu'au final, cette étrange sensation d'avoir affaire à une entité musicale vivante est toujours là, jouée par des pantins habités. Avec une bonne dose de malaise et d'oppression – et à ce niveau, l'enchevêtrement et alchimie vocal d'Arthur et de Paula font une fois encore merveille. Juste que le petit malin nous la joue plus fine, il se planque sous une multitude de couches consensuelles et exhibitions de kaléidoscopes. Donnant par ailleurs une plus grande densité, variée, étonnamment harmonieuse, qui chatouille fort agréablement le tympan gauche. Alors que le tympan droit s'émoustillera de la brutalité plutôt crue qui se dégage de Centaur Desire, qu'il faut appréhender davantage sous sa forme symbolique plutôt qu'en réel rendu sonore (bien que le fait d'avoir enfin une vraie batterie rend les choses plus percutantes). Comprenez que la violence vient plus du fait d'user de despotisme aussi fourbe que rude pour rallier l'auditeur à sa cause. Lui murmurer des mots doux et pénétrants, puis le surprendre en allant clairement là où on ne l'attend pas du tout. Sans bornes et sans limites, sans aucun sens moral, puisque ça va même jusqu'à piquer et se réapproprier avec brio du riff Zeppelinien (« Lies »).

 

Et une fois encore, l'air de rien, J.C. Satàn réussit son objectif, quand bien même il joue les désintéressés innocents en levant les yeux au ciel comme pour nous montrer son auréole. Mais les bougres auront beau nous jouer la tactique de la bouche en cœur, on ne s'y trompe pas : on s'est encore une fois laissé berner et fait prendre au piège diaboliquement par un Centaur Desire monumental. Et qui ne fait qu'appuyer que J.C. Satàn, c'est quand un putain de groupe à part dans le genre au sein de notre hexagone.

photo de Margoth
le 10/05/2018

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