Dawn Of A Dark Age - Le Forche Caudine 321 a.C. - 2021 d.C.

Chronique CD album (44:37)

chronique Dawn Of A Dark Age - Le Forche Caudine 321 a.C. - 2021 d.C.

321 av. J.-C.

Les Fourches Caudines.

Épisode fameux, défaite honnie par les Romains.

 

Alors en pleine guerre d’hégémonie et de conquêtes contre les Samnites, peuple italique de race sabine et de langue osque établi en Italie centrale entre la Campanie, le Latium et l’Adriatique, l’armée romaine (deux légions fortes de 40 000 hommes tout de même) prise au piège dans un défilé situé non loin de Capoue, se retrouve encerclée et obligée de se rendre sans combattre au chef samnite Caius Pontius. C’est un désastre militaire, autant qu’une humiliation morale. Imaginez un peu : à lire Tite-Live, chaque légionnaire, après avoir jeté ses armes, est sommé de baisser la tête devant les Samnites, les mains liées dans le dos, et de passer, au milieu des insultes, des quolibets et des lapidations, sous un joug formé de lances plantées en terre.

 

Quatorze siècles avant les Allemands, les Romains tenaient donc déjà leur Canossa, qui rentrera bien plus tard dans le langage courant comme la preuve d’une humiliation cuisante. Une humiliation que les Romains vont d’ailleurs faire payer au prix fort aux Samnites trente ans après les Fourches Caudines, au point même de vouloir les effacer de la mémoire collective de la péninsule…

 

À lire le titre, à voir l’artwork de Le Forche Caudine 321 a.C. – 2021 d.C. de Dawn of A Dark Age, il est tout sauf inutile d’avoir tout ce contexte historique à l’esprit. D’autant que ce 7e album du clarinettiste italien Vittorio Sabelli est en fait la deuxième pièce d’une trilogie entamée l’année dernière et consacrée aux Samnites. Avec La Tavola Osca, qui prend corps autour d’un titre unique de 40 minutes (inégal malheureusement), V. Sabelli présentait l’identité cultu(r)elle des Samnites, que l’on ne saurait réduire à ces simples montagnards belliqueux, dont l’arriération tribale - image tenace - les confinerait injustement à la barbarie, en comparaison des Romains, peuple des plaines policé !

 

Avec Le Forche Caudine 321 a.C. – 2021 d.C., il est temps de rendre hommage à l’âpreté et l’efficacité du peuple samnite sur le champ de bataille. Est célébrée en deux actes de presque 22 et 17 minutes leur tradition guerrière, qui ne manquera pas d'ailleurs de marquer fortement l’art militaire romain ! Vous apprécierez sans doute les prolégomènes guerriers de l’Acte I, ainsi que la conclusion martiale de l’Acte II poutrée par la cornemuse. Appuyé depuis 2020 au chant et derrière les fûts par son comparse Emanuele Prandoni (Grind Zero, Anamnesi, Simulcaro), V. Sabelli bonifie sa culture musicale classique et jazz dans une musique figurative et interprétative qui trouve une imbrication homogène dans un Black Metal progressif, folk et atmosphérique. Tout en s’appuyant en studio sur une cohorte de musiciens (trombone, cor, mandoloncelle, violon, contrebasse, …), il se targue d’avoir donné « pour la première fois à la clarinette un rôle central dans le Black Metal ». Le face-à-face entre la gratte et la clarinette à la toute fin du premier titre, l’une tentant de toiser l’autre, tel le Samnite tentant de dominer le Romain, montre que cette association fonctionne bien !

 

Cette démarche historicisée rigoureuse, s’appuyant au fil de l’album sur quelques plages explicatives où le récit et le verbe peuvent par instant prendre le pas sur la musique, se double donc d’une soif expérimentale qui va loin, très loin même jusqu’à se permettre de laisser la saturation pointer le bout de son nez qu’après sept minutes. Le second acte arpente les mêmes chemins faisant de la variation de rythmes, d’instrumentation, d’ambiance une maxime suprême.

 

Cependant, afin de glorifier la force militaire samnite, il aurait été peut-être de bon aloi de rendre cette offrande plus agressive encore (elle l’est déjà) que la précédente qui mettait en avant l’identité spirituelle de ce peuple insoumis, le tout en conservant la diversité instrumentale de l’ensemble. C’est ainsi que l’emballement très plaisant, audible au cours des 15e et 16e minutes du premier morceau et à la 5e minute puis à la 14e du second, aurait vraiment mérité d’être placé plus systématiquement. Un peu frustrant.

 

Avec son Folk Black Metal atmosphérique, progressif et avant-gardiste (pour quelques-uns, ça fera peut-être beaucoup…), Dawn of A Dark Age offre à nouveau à nos esgourdes une musique riche, finement orchestrée, mais qui sera délicate à déchiffrer, au point que Le Force Caudine risque et risquera fort probablement de forger des avis tranchés que j’ai essayé de concilier dans ma note finale. Quel sera le vôtre ?

photo de Seisachtheion
le 27/01/2022

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