Deemtee - Strange Aeons & Deliriums

Si le référentiel Metal Archives indique « A joué dans un paquet de groupes non listés », vous êtes sans aucun doute un musicien très occupé. C’est par exemple le cas d’Óscar Martín, aussi connu sous le pseudonyme NHT. On peut tout de même citer Alien Syndrome 777, Asciimov ou As Light Dies, dont j’ai eu l’occasion de vous parler ici. Aujourd’hui, c’est de Deemtee qu'il s’agit. Son projet de Black Metal d’avant-garde nous présente ici son deuxième album depuis 2015. Alors que j’avais déjà prévu de vous parler de Strange Aeons & Deliriums, son auteur m’a envoyé un courriel, en français, de remerciements des plus sympathiques. Cette démarche, aussi inattendue que plaisante, a renforcé ma bienveillance vis-à-vis du musicien.

Aléas des demandes et de l’inspiration, Strange Aeons & Deliriums arrive dans mon flux de travail juste après le phénoménal Jadjow de Void, globalement dans le même style. J’ai craint que le premier ne souffre de la comparaison directe, inévitable et involontaire avec le second. Quel que soit le genre abordé, tout du moins ceux que j’ai pu découvrir grâce à sa prolixité, Black Sympho, Darksynth ou Black intersidéral, il nous offre des albums de plus délectables. Ici, il officie en solo, et même si je n’y entrave pas grand-chose, sa prestation derrière les fûts me semble honnête (n’hésitez pas à confirmer ou infirmer en commentaire), le jeu d’un batteur de formation aurait, je pense, pu projeter la musique de Deemtee à un niveau supérieur. Au regard du style pratiqué ici, le jeu d’un acrobate des baguettes serait un atout indéniable.

NHT parvient aisément à différencier ses nombreux projets, chacun possédant sa propre personnalité. Une grande partie des riffs de Strange Aeons & Deliriums aurait pu sortir de la guitare de Vicotnik quand celui-ci jouait dans Ved Buens Ende (je l’écrivais il y a quelques temps « au final il n’en restera qu’un seul et ça sera Written In Waters »... c’est toujours d’actualité). La musique et les ambiances se mettent au service d’une exploration de l’insondable abysse qui sert de ferment à l’oeuvre de Lovecraft. Pour cela, le chant alterne entre déclamations décalées de maître Loyal aviné, voix gutturales de figurant de film de Romero, cris de bêtes qui hantent les forêts scandinaves, toujours avec application et justesse. Il n’hésite pas à convoquer les éléments du Folk hispanique, notamment à travers l’utilisation du timple des Canaries (une sorte de charango), sur « Last Day » par exemple.

Au final, Strange Aeons & Deliriums est un album complet et complexe, sans cesse changeant, dont chaque écoute est une expérience différente, très bien mis en son, et qui bénéficie de toute l’expérience du musicien espagnol.

Xuaterc

le 16/04/2024