Elephant Tree + Lowrider - The Long Forever
Chronique CD album (44:12)
- Style
Stoner cosmique - Label(s)
Blues funeral - Date de sortie
25 octobre 2024 - écouter via bandcamp
Je dois avouer avoir toujours éprouvé certaines réserves et interrogations au sujet des split albums, ces projets réunissant 2 groupes qui se partagent l'espace, deviennent colocs en plaçant chacun une part peu ou prou égale de titres sur ledit espace, et qui laissent l'impression de coupler 2 EP's, à défaut de pouvoir sortir individuellement un nouveau LP. Une certaine façon de fournir de la came malgré tout à un public en manque, celui-ci se retournant les ongles et se mordant les paupières dans l'attente d'un nouvel opus. Afin de ne pas rester dans une certaine forme de mauvaise foi, force est d'admettre que bien souvent, les 2 groupes en question partagent des affinités, le même univers, et a fortiori, le même auditoire, ce qui, en général, ravit ce dernier de pouvoir jouir de nouvelles créations de 2 de ses artistes préférés, comme d'une sorte de promotion exceptionnelle exposée en rayons chez l'épicier du coin. Alors, quand un monstre sacré du stoner comme Lowrider, qui avait déjà effectué un retour sur scène tonitruant avec un bijou (Refractions) 20 ans après son mythique Ode to Io s'associe à Elephant Tree, groupe qui n'avait rien sorti depuis son chef d'oeuvre Habits, mêlant stoner contemplatif, americana mélancolique, doom psychédélique et sludge éthéré, on ne peut que se griffer jusqu'au sang la peau des aisselles en faisant des bulles avec sa bave qui mousse entre les gencives. Ou, si on s'avère moins addict, se contenter de danser nu, le corps enduit de beurre de cacahuète. Ceci dit, l'un n'empêche pas l'autre. Mais on s'égare...
Sur le papier, tous les astres s'alignent pour espérer un résultat qui peut marquer les mémoires. Les astres, à l'instar de celui de l'artwork, noir, fendu, blessé. Les 2 dernières bombes de chacun des groupes datent de la même année, les étoiles semblent donc propulser les 2 formations dans la même direction, et ici, vers un point de convergence qu'on constate à l'écoute de l'album. Spoiler alert : l'entreprise se solde par une réussite probante. Si le titre de l'album se réfère davantage à l'histoire d'Elephant Tree (le "long pour toujours" parle du coma dans lequel a été plongé son chanteur suite à un accident de vélo), son contenu parvient à présenter une cohérence d'ensemble tout en exploitant la personnalité de chaque protagoniste dans un exercice d'équilibriste parfaitement maîtrisé. En clair, Lowrider se montre plus complexe, moins direct, plus progressif qu'à l'accoutumée, tandis qu'Elephant Tree garde son sens du détour tout en gagnant en lourdeur.
Les connoisseurs trouvent leurs repères d'entrée de jeu avec un titre d'ouverture court, bondissant sur ses riffs entraînants et ses lignes vocales entêtantes servies par une basse présente comme jamais. Avant que Lowrider ne dévoile son nouveau visage, tout en psychédélisme progressif, massif et pachydermique dans sa démarche, mais sidéral dans ses vocalises, sur les 2 titres suivants. Les soli se déploient sur les rotondités de l'assise rythmique pour mieux propulser l'ensemble dans les étoiles. Elephant Tree sert le même nombre de chansons, tous naviguant dans les vapeurs cotonneuses de sombres nuages et traînant dans la lourdeur de leurs riffs. On retrouve la marque de fabrique des Anglais sur le tout dernier morceau, qui donne son nom à l'album : groove nonchalant, ligne vocale sereine, nervosité des arrangements en embuscade. Au centre, le point de rencontre s'effectue avec un 7e titre créditant les 2 groupes. In fine, on sent la courbe des émotions évoluer naturellement au fil d'un album bien pensé et exécuté qui s'écoute comme le fruit du travail d'un seul et même collectif et non comme l'assemblage de 2 univers. Ce sont là 2 comètes qui se télescopent pour engendrer une planète déjà riche de toute une vie qui palpite à l'unisson des vibrations du cosmos.
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