Givre - Le Cloître

Chronique CD album (41:31)

chronique Givre - Le Cloître

Hildegarde de Bingen (1098-1179), vous connaissez ?

 

Issue d’une famille de la haute noblesse allemande, autrice de célèbres livres de vision, conseillère des grands personnages de son temps, cette religieuse du XIIe siècle fut également musicienne ayant composé plus de 70 chants religieux, encore interprétés aujourd’hui par les Bénédictines, mais aussi femme de science étudiant les systèmes nerveux et sanguin de l’être humain et expérimentant la guérison par les plantes.  Cette éminente figure féminine (féministe ?) du Moyen Âge encouragea même les moniales à pratiquer l’écriture, la gravure, le chant, domaines alors réservés aux hommes ! Une vie féconde, mais une vie d’épreuves et de douleurs, tant sa santé fut fragile et les obstacles nombreux.

 

Quelle surprise cela a été lorsque j’ai découvert que son nom figurait, en compagnie de cinq autres saintes ou vénérables de l’histoire de l’Église catholique, au sein de la tracklist de la nouvelle offrande de Givre ! Pour le concept de son 4e album (sorti chez Eisenwald), le trio canadien – qui s’était détourné un temps de ce groupe en faveur d’un autre projet, Entheos – reprend son chemin de croix et souhaite explorer « la fécondité de la souffrance et des humiliations », les « blessures béantes et souillées » et le sentiment de déréliction qui l’accompagne, comme autant de portes d’entrée vers le divin. En expérimentant le « côté expiatoire de la douleur » à travers ces six récits hagiographiques, le plus récent concernant Marthe Robin (1902-1981), les Québécois nous mortifient durant plus de 40 minutes avec un Black Metal empruntant bien des chemins musicaux, de la lourdeur poisseuse et lancinante du Doom, prévalant dès le premier morceau, à la force émotionnelle du Black atmo ("Louise du Néant (1639-1694)" qui rappelle fortement The Great Old Ones ou "Marie des Vallées (1590-1656)").

 

Pour ma part, abstraction ou non faite de tout ce substrat religieux qui marque l’intention profonde du groupe (les samples, les chœurs, les synthés nous le rappellent constamment…), j’ai été frappé par la beauté élégiaque se dégageant de ces six morceaux. Mais attention : Le Cloître n’est définitivement pas un album qu’on parcourt à bride abattue… Bien au contraire. Chaque écoute permet patiemment de débusquer un recoin inquiétant, une anfractuosité tourmentée, une fraction suffocante, une respiration bienvenue, telle celle de "Sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179)", un titre de haute volée, portée par un chant lugubre et pesant. Il faut donc un peu de temps pour approcher ces compositions austères d’un premier abord, à l’image d’une pochette qui nous met d’emblée dans l’ambiance, en nous promettant une existence peu amène, une vie sans espérance.

 

Peu importe si vous êtes (in)sensibles au concept religieux déployé, vous serez sans doute marqués par l’inspiration, la minutie et la force du Black & White Metal proposé par Givre dans Le Cloître. Et peut-être l’avez-vous déjà été à l’occasion de la tournée européenne effectuée en Europe en compagnie de leurs coreligionnaires canadiens de Miserere Luminis

 

photo de Seisachtheion
le 14/11/2024

8 COMMENTAIRES

Thedukilla

Thedukilla le 14/11/2024 à 13:28:22

Un album qui m’a fait tout le printemps, et qui se révèle encore un peu plus à chaque écoute.
L’approche hagiographique lui donne un aspect centré sur l’humain, ce qui permet d’éviter l’indigestion de religiosité.
Rien que pour « Louise du Néant », ça vaut le coup de ranger son anticléricalisme forcené dans sa poche.

el gep

el gep le 14/11/2024 à 14:23:12

Oh un groupe de Metal Chrétien, chouette alors !

Vincent Bouvier

Vincent Bouvier le 15/11/2024 à 19:59:36

Petite préférence pour Sainte Marguerite de Cortone.

Par contre, je suis un peu circonspect sur leur relation  à la religion. Ce ne sont pas des chrétiens dévoués, sans être des anti-cléricalistes non plus... 

el gep

el gep le 15/11/2024 à 22:42:24

Hum moui mais ils basent pas mal de choses là-dessus, c'est pour ça que je prendrais tout ça avec de GRANDES pincettes.
Le prosélytisme dans la musique, au secours.

el gep

el gep le 15/11/2024 à 22:43:03

Semble-t-il, ai pas pris le temps de creuser plus que ça, mais rien que la photo de groupe et le concept de l'album, houm-houm.

Seisachtheion

Seisachtheion le 16/11/2024 à 08:19:06

Ils nous ont remercié sur Insta pour cette chronique, en précisant bien qu'ils sont ''loin'' du Metal chrétien...
... Donc il faut le noter. 
Mais je laisse la kro inchangée.

On voit bien qu'un texte a du mal à sonder les intentions profondes des groupes en la matière ^^

Xuaterc

Xuaterc le 16/11/2024 à 11:47:14

"Le prosélytisme dans la musique, au secours." C'est pour cela que j'ai laissé tomber Wytch Hazel, malgré le talent du groupe. Son prosélytisme est insupportable

Givre

Givre le 11/12/2024 à 19:10:16

Bonjour à tous! Merci de l'attention que vous portez à notre musique, ça fait plaisir de vous lire!

Il me fait toujours plaisir de parler de notre relation à nos thèmes et à la religion en général, donc n'hésitez pas à nous écrire si ça vous intéresse!

En gros, nous ne sommes pas religieux, nous ne sommes pas pratiquants. Le sujet est lié à notre héritage culturel et nous passionne à un niveau existentiel. Est-ce possible de parler librement de religion sans dire qu'on cherche à convertir qui que ce soit? Nous croyons que oui. Ensuite, libre à vous de tirer vos propres conclusions!

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