Grief - Construire le vide

Chronique CD album (25:02)

chronique Grief - Construire le vide

Grief (pronocez “gri-yè-f”, comme ça vous ne confondrez pas avec leurs homonymes américains) est un quintette toulousain qui débarque (ou presque) avec son premier EP Construire Le Vide. "Ou presque" parce que le groupe avait déjà sorti une démo en 2016 (Syndromes) et pour ceux qui ont eu l’occasion de l’écouter, sachez qu'en terme de niveau, c'est comme si le groupe était passé de la classe de 5ème en première année d'un master.

Si ils proposaient il y a 6 ans un mathrock/screamo sympatoche mais un peu avachi, un peu convenu, un peu simplet, un peu reposé sur ses acquis (aussi appelé influences), il y avait déjà à l’époque la promesse très éventuelle d’une évolution vers quelque chose de plus mûri. Construire le vide est le résultat de cette promesse, qui a été tenue avec brio par les 5 compères.

 

Comment ça se prononce "blackened"? Est-ce "bla-queue-naide"? "Bla-qu’naide" ? "Bla-queue-nide"? "Bla-qu’nide" ? Je profite de cette chronique pour franciser cet anglicisme à la prononciation incertaine car Construire le vide propose un post-hardcore screamo (pas mal) et...blackenisé (un peu).

Ce mélange existe déjà et a été étrenné par bon nombre de formations. Mais chez Grief, le traitement de ce mesclun est fait avec un assaisonnement d’intelligence et de sensibilité particulièrement saisissant. Très intimiste, l’EP s’introduit par une piste instrumentale suffisamment développée pour se faire prologue d’une suite prometteuse mais suffisamment courte pour éviter l’ennui. S’en suivent 4 titres intenses, 4 peintures musicales mêlant noirceur et lumière. Le groupe s’amuse à diluer l’une dans l’autre et vice versa et est venu essuyer ses pinceaux sur nos tronches. Moins black et fielleux que Celeste, on y retrouve l'intensité et l'urgence au fil de chaque titre.

 

Les guitares tapent dans pléthore de registres, elles ont la simplicité efficace du hardcore, les ambiances suspendues du post-hardcore, le malaise dissonant du black, le tout agencé de façon exemplaire. "Embrasser les Obstacles" est très représentative de cette personnalité musicale ou encore "Absence de soi", à 1:34, ce petit riff de rien du tout, cette petite transition de 2 secondes, ce trait d'union qui fait toute la diff', ça c'est du song-writing!

Bien qu’un poil en retrait dans le mix, le duo basse/batterie fonctionne parfaitement et se fait le chef d’orchestre parfait pour conduire les grooves de ces variations d’ambiances. Il construit ses modulations de façon très dynamique et progressive et ça marche parfaitement. De façon plus concrète, ça respect le principe de "Bonham-Lombardo" : plus ça monte, plus ça tape fort et plus ça monte, plus ça tape à plein d’endroits".

Côté chant, le fossé avec la démo de 2016 est assez dingue. La base intéressante s’est distillée en une voix (presque) expérimentée et à l’assise joliment laryngée. On est dans le screamo 100% local, bio, sans ogm, élevé en pleine bière; le screamo qui t’entraîne dans une plainte qui réussi l’exploit de n’être jamais fatiguante, le screamo qui sait faire autre chose que du screamo histoire de varier les plaisirs comme les passages semi-grunt sur "La Colère est aveugle", aussi efficaces que surprenants.

Revenons sur ce morceau justement, qui clôture l’EP. Un brûlot superbement écrit avec des moments d’anthologie comme le chant à 2:00 avec ce petit fry en fond de gorge avant d’enchaîner sur quelque chose de plus grunty... Magique! Le morceau révèle une autre surprise vers 3:40 et une autre vraiment discrète et bien WTF au début du morceau mais je n’en dis pas plus: sérieux, allez écouter!

Ajoutons que les textes ne sont pas en reste, ils peuvent tous être salués pour une plume recherchée, en français, une prose qui dit sans dire, dénonce sans nommer, se fait prophète intelligent du “comprenne qui pourra”. Et quand le disque s’est terminé sur la litanie "Nous disparaissons après la tempête, Mais nous reviendrons pour vous tenir tête Nous disparaissons mais nous reviendrons.” dans une ambiance quasi messianique, ça m’a rappelé l’intensité d'un " Man the Ramparts" de Botch dans une fin d’album qui donne tout son sens à l’expression "prendre aux tripes".

 

Côté son, c’est bonnard. On devine des guitaristes friands du beau grain de l’analo jaillissant à plein décibel d'un pédalier fourmillant d’effets choisis et utilisés avec un soin méticuleux. Les guitares sont saturées mais avec une brillance exemplaire qui participe à la…hum hum...blackenisation…des riffs. La voix est bien traitée, très devant comme souvent dans ce style, un micro-poil trop peut-être mais le mix respire bien et est plein de brillance, c'est vraiment agréable. Saluons donc le travail de ceux qu'on ne nomme jamais et qui, ici, se prénomment Étienne Soulier et Robin Fleutiaux.

 

“Construire le vide” est un premier EP vraiment exemplaire et l’évolution de Grief est à saluer. Intime, travaillé aussi bien dans le son que dans la composition jusque dans le track-listing intelligent, il mélange avec finesse post-hardcore, screamo dans un maesltrom d’ambiances toutes superbes et puissantes. Un EP, court donc, mais qui est malgré tout suffisant, complet: il se déroule facilement et on ne reste pas sur sa faim au bout de ses 25 minutes. Au contraire, on se le remet direct et on espère qu'après avoir disparu après la tempête, ils reviendront nous tenir tête.

 

 

On aime: un style mené avec intelligence, la noirceur pleine d’espoir, le son des guitares, la voix, la dynamique basse/batterie, le passage dans la cour des grands

On aime moins: une batterie un poil trop en retrait

 

photo de 8oris
le 25/07/2022

11 COMMENTAIRES

Pingouins

Pingouins le 25/07/2022 à 09:36:49

J'avais bien aimé en écoutant mais je faisais autre chose en même temps, il faut que je m'y remette, sur le papier c'est totalement ma came !

8oris

8oris le 25/07/2022 à 12:01:15

Ca me fait trop plaisir d'avoir TON retour. En fait, dans la chronique, j'ai failli te faire une spéciale dédicace en écrivant que j'aurais beaucoup mais alors vraiment beaucoup aimé lire ta chronique de cet album. 

Xuaterc

Xuaterc le 25/07/2022 à 13:35:31

Intéressant, voir très intéressant, même si un peu trop screamo à mon goût

Freaks

Freaks le 25/07/2022 à 14:04:42

Très chouette! même si encore pas mal dans le sillage de ce que faisait Sed Non Satiata. Mais après tout c'est normal, ils ont fait beaucoup d'émule sur Toulouse ;)

8oris

8oris le 25/07/2022 à 16:09:34

Merci pour vos retours et compléments! ;)
Je ne connais pas du tout "Sed Non Satiata", un album à conseiller?

Pingouins

Pingouins le 25/07/2022 à 17:28:04

Boris, je dirais "Le Ciel de Notre Enfance", tandis que Freaks peut être dira Mappo.
Sinon Grief, et ben après deux écoutes, je suis assez convaincu, vraiment un chouette EP. Je ne pense pas que je serai allé jusqu'à 9 ou à invoquer "Man the Ramparts" mais je vois bien ce que tu veux dire :D 
Plein de chouettes et subtils moments et assez de détail pour que les morceaux se bonifient avec les écoutes, je pense. Perso j'ai pensé à Rosa (que j'ai chroniqué y'a pas si longtemps) mixé à d'autres groupes screamo / hardcore à la française, y'a vraiment une touche particulière.
Et super chronique en tout cas :)

Pingouins

Pingouins le 25/07/2022 à 17:29:26

Et merci pour la petite pensée dédicace, je suis honoré :)

Freaks

Freaks le 25/07/2022 à 17:53:35

Oh oui volontiers! :) Ca va être rapide y'en à qu'un Aha! Ils ont surtout été prolifique niveau Split et Ep.
"Mappo" pour l'album
Le split très chouette avec Daïtro
Et "le Ciel de notre enfance" du coté des Eps. 

Voilou! Tu me diras si tu t'y retrouves ;) Perso j'y vois une vraie filiation notamment dans la manière d'écrire, aussi au niveau des saillies Screamo et des ambiances Post-hardcore.. Bon avec une production moins net que Grief mais avec 15 années de plus au compteur :p

Freaks

Freaks le 25/07/2022 à 17:58:47

Bien vu Pingouins! mais au risque de te surprendre ma préférence va pour "Le ciel de notre enfance" que j'ai découvert avant Mappo c'est surement la dessus que ce joue ma préférence ;)

Freaks

Freaks le 25/07/2022 à 18:14:17

5 Pistes pour "le Ciel de notre enfance" Pinguouins ça fait un peu juste pour un album non? après les plages sont longues donc ça peut passer dans la catégorie LP ;)

Pingouins

Pingouins le 15/10/2022 à 18:14:30

Plus je l'écoute, plus je le trouve bon, cet EP. C'est un gros gros coup pour une première production !
Venez à Marseille les gars !

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