Joël batS - FAIR FIGHT

J’ai toujours cru qu’entre Paris et la Bretagne persistait une rivalité que ne saurait éteindre que l’éradication pure et simple du beurre doux de la surface de la France, de la terre et même de l’univers. En considération de quoi, découvrir une bande de loustics de Saint-Nazaire affublés du nom d’un ancien gardien de but du PSG tient du casse-tête. La référence relève-t-elle de la dérision ou d’une certaine forme de respect ? Si leur étiquette keupon orienterait plutôt la logique du côté de la première option, difficile de ne pas se laisser envahir par une certaine expectative.  

Il faut dire que, n’y connaissant pas grand-chose de plus en football que ce que les « merdias » veulent bien m’en montrer, l’esthétique hooliganesque dont se pare l’artwork de Fair Fight, entre pancartes de grévistes, casseurs enfoulardés et guillotine à faire pâlir la descendance de Louis XVI, aurait de quoi tromper au premier regard. Et que je ne suis pas non plus aidé par la vulgarité de Joël batS, autant dans l’emballage de son skeud (« We are the bloody fucking Joël batS », nous est-il subtilement rappelé sur la pochette) que dans ses paroles (« Whatever the flag, it’s gonna end up stucked in my ass » nous est-il craché à la gueule dès le premier morceau, et je vous épargne toutes les occurrences de « fuck » ou « fucking » qui parcourent la suite).

Est-ce un reproche ? Bah non, même pas ; après tout, une bonne dose de brutalisme ne vaut-elle pas toutes les circonvolutions lexicales pour délivrer un message, tout particulièrement quand il se veut anti-système ? Dans le punk, c’est même presque une nécessité pour faire passer sa provocation inhérente avec d’autant plus de mordant. Et chez Joël batS, ça se remarque volontiers au gré d’accords et de structures qui s’enchaînent à un rythme fou comme avec une absence de subtilité qui ferait passer South Park pour un spin-off de Pepa Pig. La violence se niche ainsi dans chaque petit recoin du skeud, du rythme des tracks à la puissance de leurs compos, même sur leur longueur (qu’il s’agisse d’une petite minute martelée à vitesse grand V pour Vendetta sur « Raise your head » ou de quatre minutes écartelées plus brutalement que François Ravaillac sur les deux derniers morceaux).  

Joël batS construit ses tracks avec une rage folle pleine de panache, appuyée par un chant d’une puissance phénoménale et à l’hybridité confondante. Les chœurs émaillant « Conspiracy » prennent limite des accents crossover thrash, et confinent presque au growl sur « Dark Age », tandis que Julien R. laisse entendre toute l’intensité de sa haine sur ses lignes de chant, en particulier sur ses parties les plus rapidement débitées (l’ouverture de « Hang him up »), qui s’accordent avec une surprenante harmonie avec la fureur des arrangements instrumentaux de l’album. On parle bien plus d’une « Harmony Corruption » à la Napalm Death que d’une « Perfect Harmony » style Within Temptation, mais quand on chronique du keupon chercher la petite bête ne suffit pas, encore faut-il la trouver.

C’est peut-être là le signe d’un certain raffinement qui va me convaincre de rétropédaler concernant la comparaison avec le football évoquée en début de chronique. Quitte à tout péter, c’est tout de même mieux de le faire avec classe, vous ne trouvez pas ?

Aldorus Berthier

le 05/04/2024