Krallice - Crystalline Exhaustion

Chronique CD album (50:05)

chronique Krallice - Crystalline Exhaustion

Sachez, vous qui entrez ici, que cette chronique est rédigée par quelqu'un qui évolue généralement plutôt du côté du hardcore, trucs chaotiques et dérivés que des groupes évoluant dans le domaine du metal stricto sensu, quand bien même les passerelles sont fort nombreuses, à la fois dans les styles et dans mes goûts. Mais cela fait bien longtemps qu'on me parlait de Krallice comme d'un groupe de black qui pourrait me plaire. J'étais d'ailleurs ressorti il y a quelques années d'un concert de hardcore avec leur nom, que l'on m'avait écrit sur un bout de papier déchiré de l'étiquette d'une bouteille de bière. Bout de papier qui avait fini par se perdre, et moi par oublier.

C'est donc avec cette sortie récente que j'ai l'occasion de me pencher sur le travail des New-Yorkais, à la discographie étonnamment étoffée (près d'une sortie par an !), chose dont j'ai pris connaissance après avoir écouté plusieurs fois Crystalline Exhaustion et qui aurait pu donner l'impression de sorties peut-être un peu vite fait à première vue.

 

Mais il n'en est rien, parce que ce nouvel album de Krallice est, selon la perspective que je vous ai exposée ci-dessus, très bon, tout au long de ses six morceaux (pour un peu plus de 50 minutes tout de même).

 

Dans l'ambiance déjà, et ce dès la pochette qui se révèle extrêmement adaptée pour une description imagée du contenu. Toute en angles saillants mais aussi en rondeurs, aux couleurs froides et bleutées, à mi-chemin entre un aspect glacial et peut-être un peu sci-fi, entre une sensation de vide et de cavité (et donc de vide enfermé par de la matière). Le nom du premier titre, « Frost », s'inscrit d'ailleurs bien dans cette logique (les titres des autres étant un peu sybillins, excepté peut-être « Telos », qui veut dire « la fin » en grec).

 

Mais ce sont surtout les claviers de Colin Marston qui viennent installer ces univers tout au long de l'album, souvent en début et en fin de morceau, quelques notes et nappes de synthé au son improbable, en décalage total avec le torrent de black metal qui se déchaîne en-dessous, comme autant de gouttes d'eau apportant un délicieux contraste entre un côté mystérieux, précieux et cristallin et la rugosité du propos métallique. Le gimmick est assez récurrent sur Crystalline Exhaustion mais fonctionne vraiment à merveille, pour un rendu vraiment particulier, qui peut rappeler en partie des choses à la Blut Aus Nord (et oui, j'ai quand même deux ou trois réfs), couplé à des zones plus ambient assez variées, qui m'ont par exemple fait penser à Tribes of Neurot sur la fin de « Frost ».

 

Dans le travail rythmique ensuite, qui est tout simplement époustouflant, très technique, avec derrière les fûts un Lev Weinstein qui ne se donne aucun répit et qui, selon mes maigres connaissances en la matière, est vraiment atypique dans le black metal. Sur tous les morceaux, notamment à partir du second, ce sont des changements de plans toutes les quelques mesures, sans stagnation, chose que je suis plus habitué à entendre chez des groupes de hardcore chaotique ou de metal plus technique, et qui du coup sont extrêmement appréciables à mes oreilles, pour une sorte de 'chaotic black metal'.

La tension de fond ne retombe jamais, les directions rythmiques sont vrombissantes et bouillonnantes, avec des sauts stylistiques qui n'ont pas été sans me rappeler le très bon album d'Epiphanic Truth l'année dernière, avec un travail d'orchestration de diverses influences qui à mon sens en font un disque vraiment original (« Archlights »). Une ambiance vraiment très particulière donc, dans ce contraste entre les notes lentes et étranges des claviers et la rythmique effrenée derrière.

 

Le dernier long morceau (éponyme) est un peu à part, puisqu'il s'écarte des cinq autres de par sa longueur et son changement de cap, pour un départ ambient et plus contemplatif avec des arrangements que l'on aurait pu retrouver chez des groupes de black atmo de type Wolves in the Throne Room sans aucun problème. Cette affiliation beaucoup plus ancrée dans le black atmosphérique crée un contraste surprenant avec le reste du disque, tout comme les vocaux moins présents, mais reste fort bon, avec une très belle montée. Même si cette rupture d'homogénéité d'ensemble peut être un poil étrange, en y revenant, on redécouvre d'autres zones semblables ici et là dans d'autres morceaux.

 

Dans la démarche également, parce que Crystalline Exhaustion est le fruit d'une autoproduction, le tout ayant été enregistré, mixé et masterisé par le susnommé claviériste Colin Marston (qui a par ailleurs un autre groupe expérimental claviers/batterie dans la besace, Kheth Astron, qui ont sorti un album en fin d'année dernière), le tout avec un résultat excellent où tous les instruments se démarquent bien les uns des autres et où les petits détails ressortent. Les vocaux (parfois backés par plusieurs musiciens) sont souvent un peu noyés dans le son, intégrés à l'ambiance générale, que l'on sent être plus importante que la voix isolée en tant que telle. De plus, le bassiste Nick McMaster et le guitariste Mick Barr ont échangé leurs instruments sur cet album, ce qui est assez surprenant pour être signalé.

 

Bref, s'il m'arrive régulièrement d'écouter des groupes affiliés au black metal, il est loin de s'agir de mon domaine de prédilection ou de connaissance. D'autres ici tels Seisachteion ou Xuaterc, entre autres, en auraient probablement une vision bien plus poussée et aboutie que ne l'est la mienne. Mais Krallice posent ici un album aux ambiances et aux rythmiques très élaborées et réussies, aux facettes parfois avant-gardistes et expérimentales (et ce dès l'intro du premier morceau dirais-je), et qui trouve pleine grâce à mes oreilles plus souvent assaillies par les voluptés du crust ou du hardcore chaotique que par celles du black. Ignorant leurs précédents efforts, je ne saurais en faire une comparaison pour dire en quoi ils auraient évolué sur tel ou tel point, mais je pense que Crystalline Exhaustion pourra mettre d'accord celles et ceux qui apprécient ces croisements stylistiques, et probablement moins les adeptes d'un black metal plus raw et typique.

 

A écouter lorsque l'on aime aller chiller dans une caverne glacée avec un masque à oxygène.

photo de Pingouins
le 15/04/2022

1 COMMENTAIRE

Xuaterc

Xuaterc le 15/04/2022 à 11:59:29

Je vois avec plaisir que je peux confier les albums de BM à de très bonnes plumes

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