Machukha - Mochari
Chronique CD album (38:19)

- Style
Post-black / Dark / Post-hardcore - Label(s)
Consouling Records - Date de sortie
7 juin 2024 - Lieu d'enregistrement Hidden planet studio (Berlin)
- écouter via bandcamp
C'est l'histoire d'un groupe dont j'avais mis de côté le mail promo lorsque nous l'avons reçu dans les bureaux de la rédac', et qui a fini par être submergé dans mon casier par tous ceux qui sont arrivés après lui, sans que j'ai eu le temps de l'écouter..... jusqu'à ce que je tombe sur une chronique de ce même disque/groupe par un confrère, en l'occurrence celle de beunz de chez Eklektik d'en face ; qui, si lui n'est pas dithyrambique à son propos, m'a rappelé à l'ordre et m'a permis de faire rentrer ce Mochari, premier album de Machukha, dans la catégorie « forte probabilité de présence dans le top de l'année dès la première écoute » en ce qui me concerne. Et à mon tour d'être submergé.
Le fameux promo avait attiré ma curiosité par sa mention de métissage entre post-black, dark hardcore et punk, et l'avait maintenue avec cette pochette qui m'évoquait à la volée une ambiance tiraillée entre celles que je m'imagine (d'un simple point de vue graphique) de Oathbreaker, Vægtløs, Lingua Ignota et l'illustration de Sult de Kollapse. Des choses qui – je ne vous le cache pas – ne me laissent pas indifférent et qui, mine de rien, ne collent au final pas si mal avec ce que l'on retrouvera ici (bon, Kollapse n'a pas grand chose à voir, je dois bien avouer, si ce n'est l'aspect tirons-nous-la-peau de la pochette).
Et à l'écoute, ce qui m'a marqué immédiatement, bordel, c'est la sincérité renversante, déchirante, écorchée (en lien donc avec l'illustration) du chant de Natalya, dans son ukrainien natal ('Machukha' signifiant 'belle-mère' dans cet idiome) et à propos de violences et de souffrances subies, dont je ne ferai aucun dessin tant son expression sur ces sept morceaux suffit à comprendre que si cet album a été une (très) bonne surprise d'un point de vue musical, ce n'est absolument pas le cas des tranches de vie qui y sont évoquées.
Appuyée par une formation solide, les directions stylistiques ne mentaient pas : ancrés dans un post-black assumé, et qui se révèlera d'emblée avec le frontal morceau d'entrée « Trymatys' » et se distillera un peu partout, largement entremêlé à des touches post-hardcore et post-metal, mais aussi des moments d'offensive qui ont pu ici et là m'évoquer Iskra (« Kvit »), et quelques inclinaisons screamo. Sans oublier ces éructations sur « Inodi padaye snih tak lahidno krizʹ sosnovu khvoyu » qui me renvoient directement à Lingua Ignota (mais out le côté liturgique), mêlée à des sonorités de cette ère géographique large, de vagues airs latents des moments d'ambiance de Batushka, ou en tout cas d'influences dérivant d'un folklore pas si éloigné.
Au bout du compte, les différentes écoutes de cet album m'ont à chaque fois fait ressurgir différents aspects de son contenu : plus blackened screamo et fulgurances à la Infant Island, Old Souls, Zmar... telle fois, poussées post-black (mais strictement rien de lumineux ici) qui m'ont remis Die Sünde ou Vægtløs en tête telle autre, ambiances post/dark-hardcore qui m'ont plaqué les ralentissements FallofEfrafasques / Morrowiens en pleine face (« Tsyu tayemnytsyu duzhe vazhko berehty ») ensuite...
En bref, le potentiel réécoute est vraiment conséquent, en tout cas de mon côté, car Mochari vient piocher dans de nombreuses sous-chapelles qui sont très régulièrement au menu de mon quotidien plus ou moins tourmenté.
Mais à chaque fois, c'est cet aspect à fleur de peau, sans faux-semblants et sans en faire trop, qui me happe. Peu importe le style, du hip-hop au flamenco, de la cumbia au death metal, c'est dans la sincérité que réside l'essence de ce qui me plait dans la musique, et aussi la direction que je prends dans mes chroniques, toujours évidemment profondément subjectives. Et de sincérité, Machukha, c'est peu de le dire, n'en manquent pas.
Alors si ce genre de méandre est aussi celui qui vous anime dans vos pérégrinations musicales, donnez une chance au combo ukraino-berlinois, et n'hésitez pas à pousser l'écoute au-delà du premier morceau. Mochari est un album varié, riche, et qui sait devenir immersif, pour peu qu'on lui accorde une écoute un peu attentive. Profondément personnel, tel qu'on le ressent dès la première écoute, c'est une vraie réussite dans ce style hybride, qui va chercher le meilleur de tous ces mondes, pour poser son cœur sur la table, entouré de toutes les lames qui ont fait des cicatrices sur la peau. Oh, et si je rajoute qu'il n'y a pas de voix claires ?
A écouter en se perdant quelque part. En forêt, dans la vie ou dans la tête.
4 COMMENTAIRES
Vincent Bouvier le 29/07/2024 à 13:51:34
Excellent! Très bonne découverte. J'aime beaucoup ce type de voix... Elle me fait penser à celle de Dymna Lotva... (https://www.youtube.com/watch?v=hhWOFOhFXeo)
Chab le 09/08/2024 à 16:37:18
Décidément, je suis un très mauvais élève : tu m'as parlé de cette sortie depuis quelques semaines déjà sur le discord du HF et je n'ai toujours pas passé le cap (mais j'avais bien noté sur ma "note" des trucs à écouter le nom du bousin). Ta chronique en remet évidemment une couche donc promis, j'écoute ça d'ici dimanche ! Merci pour la belle chronique !
Pingouins le 09/08/2024 à 17:17:28
En même temps il y a tellement de trucs à écouter que c'est déjà difficile de savoir où donner de la tête, alors quant à parvenir à l'exhaustivité, c'est peine perdue !
Merci en tout cas à vous deux :)
Chab le 11/08/2024 à 15:46:59
Chose promise, chose due : j'ai écouté l'album qui est, effectivement, une énorme claque aux influences diverses mais où l'émotion est au coeur du propos. Je ne sais pas s'il sera dans mon top annuel (trop peu de recul sur mes écoutes pour le dire) mais c'est une excellente découverte ! Merci beaucoup 😉
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