Midnight Oil - Resist

Chronique CD album (60:04)

chronique Midnight Oil - Resist

Si on devait résumer Resist en une chanson, il conviendrait de s’attarder sur les presque 7 minutes de "The Barka-Darling River", soit 2 titres en 1. Sans afficher l’outrecuidance de réinventer les lois du wock’n’woll, le morceau commence sur les chapeaux de roues, avec un rythme entraînant, et un refrain entêtant dispensé par le géant Peter Garrett n’ayant rien perdu de sa verve, qu’on imagine aisément se dandiner avec sa pantomime dégingandée qui participe de son charisme naturel et légendaire. Quand tout à coup, sans crier gare, tout bascule, emporté par un piano majestueux, puis des chœurs lumineux et solennels, il se met à respirer en prenant son temps. Son final sonne comme un adieu sans espoir mais sans douleur, gorgé de la résignation des sages, ceux qui partent réellement sans animosité.

 

 Who left the bag of idiots open ? (qui a laissé le sac des idiots ouvert ?)
Who drank the bottle of bad ideas ? (qui a vidé la bouteille des mauvaises idées ?)
Who drew the last drop from the bottom ? (qui a tiré la dernière goutte du fond ?)
Good people, good people are forgotten (les bonnes personnes sombrent dans l’oubli)
Let's shake some truth out of the jar (faisons jaillir la vérité du bocal)
Let's kick the crooks out of the kitchen (chassons les escrocs de la cuisine)
We'll tell some stories at the bar (nous raconterons des histoires au bar)
Good people, good people are forgotten (les bonnes personnes sont oubliées)”,

nous répète-t-il. On a là les différents visages de ce nouvel album de Midnight Oil : à la fois humble, presque naïf, tonique et sensible, mais surtout, d’une sincérité qui confine à la leçon. La véritable leçon de vie, celle qui fait autorité, que l’on écoute et qu’on a envie de suivre et d’appliquer, car en face, ce ne sont ni des fantoches, ni des hypocrites, ni des tourne-casaque qui nous l’administrent, mais d'authentiques engagés. Jamais aveuglés par une sourde colère ni un ressentiment larvé mais animés par une certaine idée de la constance et de la cohérence. Rappelons que, non content de chanter les méfaits de l’Homme sur sa planète et partant, sur son prochain, le chanteur des Oils a poussé l’engagement jusqu’à occuper la fonction de ministre de l’environnement. Le tube interplanétaire qui a propulsé les Australiens au rang de groupe incontournable de l’histoire du rock mondial nous demandait déjà, en 1987, comment nous pouvions dormir sur nos 2 oreilles quand nos lits partaient en fumée. Question qu’on peut, 35 plus tard, se poser encore, mais surtout, accepter de ne pas y trouver de réponse. Car le monde reste régi par les éternels cycles d’absurdités qui le mèneront à sa perte, nonobstant les armées de colibris qui dans le fond, ne sont que les caniches et les cons d’un autre. L’autre, cet enfer...

 

Adonc, Midnight Oil revient en 2022, 20 ans après son dernier album Capricornia, si l’on exclut le mini LP 7 titres The Makarrata Project sorti en 2020 et réunissant des artistes aborigènes, pour ce qui sonne comme un baroud d’honneur, le groupe affirmant qu’il s’agit là de son ultime offrande accompagnée de sa tournée idoine. Si on tient compte de ces données, on ne peut que constater que ce retour en forme d’adieu ne peut que foutre la chiale (d’ailleurs, c’est dans les titres We resist et We are not afraid, les 2 plus calmes, que culminent les émotions de l’opus), sans se montrer pour autant pleurnichard. Mais digne. Et c’est là que réside sa force, sa qualité intrinsèque. Car sous ses abords somme toute simples, Resist n’en demeure pas moins un album quasi parfait dans son homogénéité, sa cohérence, sa classieuse sobriété qui s’autorise moult subtilités. Avec une générosité salutaire. Pas moins de 12 titres pour une heure de voyage qui invite à dresser un état du monde, désabusé mais non exempt d’une dimension solaire.

 

Si, derrière l’aménité de ses mélodies et l’apparente évidence de ses structures, l’album s’autorise, dans sa dominante rock, des arrangements délicats à grands renforts de saxo, de claviers discrets mais qui savent se montrer essentiels, de guitare acoustique et de violons déchirants, il garde dans son ensemble une indéniable humilité qui le rend touchant. Car Midnight Oil n’accuse pas, ne condamne pas, comment le pourrait-il, puisque nous sommes soit tous coupables, soit non responsables face à nos travers. Si la lutte, in fine, semble vaine, il convient de continuer à vivre, et en substance, le message que le groupe parvient à délivrer par le truchement de cet album, tient en une maxime simple : vivre, c’est résister. 

photo de Moland Fengkov
le 19/03/2022

7 COMMENTAIRES

el gep

el gep le 19/03/2022 à 09:36:36

Belle chronique à l'image de ce groupe pour lequel j'ai toujours eu une (très) grande tendresse, depuis l'enfance!
Je me l'écouterai, merci Moland.

Freaks

Freaks le 19/03/2022 à 10:23:59

Une sortie qui fait grave plaisir, et qui réactive d'agréable souvenirs ;) 

Xuaterc

Xuaterc le 19/03/2022 à 10:49:07

Récemment, Peter Garrett a réalisé un beau duo avec Aldebert
https://www.youtube.com/watch?v=EFnUOFGunZ8

Moland

Moland le 19/03/2022 à 15:07:12

El Gep, merci d'avoir lu. J'espère que tu prendras plaisir à l'écoute. 

Eric D-Toorop

Eric D-Toorop le 19/03/2022 à 17:05:48

Une bien chouette chronique pour un excellent groupe.

cglaume

cglaume le 19/03/2022 à 17:32:24

Pour l’occasion j’ai joué l’album sur la sono familiale ce matin… Bon feeling, plein de soupirs nostalgiques

Moland

Moland le 20/03/2022 à 10:17:36

Merci Éric. Garantie sans plagiat :) Merci d'avoir lu. Bonne écoute de l'album. 

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