Minos - s/t

Chronique Vinyle 12" (42:08)

chronique Minos - s/t

En 1954, Pierre Dux – Acteur, Metteur en scène et Sociétaire de la Comédie Française – déclarait, à propos de son élève bientôt illustre, « Avec la tête qu'il a, il ne pourra jamais prendre une femme dans ses bras, car cela ne serait pas crédible » où comment sur l'injonction d'un prof, se voir reléguer aux seconds rôles toute sa vie. Il n'en sera rien.

Parce que de rôles, il en reçut tant que sa personnalité restera figée dans la mémoire collective de tous les amateurs de cinéma (au sens large) et de mangas (pour les perspicaces). Faut-il y voir une analogie entre le professeur lui aussi fils, non reconnu, d'artistes de scène, de théâtre et son élève bien turbulent, chérissant autant un combat de boxe qu'une séance d'Art et Essais. Un sacrilège dans le cinéma français d'après-guerre.

 

Comme pour appuyer l'évidence, « Béton Armé » qui figure sur ce premier opus de l'auteur, est aussi le premier titre que l'on trouve sur sa démo-bandcamp de 2018. Une référence au physique solide de notre acteur, des années 70 au milieu des années 80. Et le titre bien bâti, si identifiable, impose derechef une personnalité, elle aussi hors cadres.

 

En 1975, Henri Verneuil met en scène Paris et ses toits dans l'histoire – qui deviendra un classique dans le cinéma américain – d'une traque après un tueur en série. Belmondo joue l'inspecteur Letellier, au plus fort de sa forme, réalisant la plupart des cascades, imposant sa gouaille dans chaque séquence et le rôle de Minos (d'après l'Enfer de Dante) revient à l'acteur italien Adalberto Maria Meri ( grand pote à Bud Spencer qui se prendra vraiment au sérieux dans les Cents jours à Palerme en 1983).

Peur sur la Ville est un succès à sa sortie, un plébiscite à sa re-sortie en 1982, et figure de monument culte dans la filmographie de Bébel. Le film aura coûté 12 millions de francs à l'époque, un budget colossal, et sera l'un des rares films français à générer plus d'1 millions de dollars en un mois d'exploitation aux Etats-Unis.

Action, sexe, religion, victimes expiatoires, femmes faciles, femmes molestées, femmes fortes en caractère et brillante d'indépendance, accompagnent un super flic obtus, un rien désabusé, et ses adjoints saisissant de dérision face à un faux méchant vraiment malade d'une société de trop (déjà). En 2020, barré par les codes d'une bienséance oppressante, le film ne verrait même pas le jour ou serait réduit en miettes à longueurs de posts sur les réseaux sociaux.

 

Minos raconte tout cela* dans ce premier album, sans un mot. Juste quelques motifs ou des emprunts véritables à la b.o concoctée par Ennio Morricone ; avec pour seule faute de goût de ne pas avoir repris – la scène du manège -. Sinon tout y est le souffle court d'Adalberto Meri dans « La Cavale », le métro dans « Tout ou rien », le bruit des souliers dans « Ruelle » qui ouvre l'album... on y sent l'odeur du cuir. Nul doute que « La loose II » l'invite à convoiter la Pamela Sweet du film... même si dans les tons utilisés, c'est sans doute Brigitte Lahaie ou Barbara Moose qui occupent son esprit.

 

« Jungle urbaine » en pure transe afrobeat laisse deviner que l'auteur en a encore sous les sillons pour explorer plus loin son art ; alors que « le truc » résume à lui seul l'entreprise étonnante de cet album à mêler images et sensations des années 70 et l'énergie naïve d'une new-wave synthétique des années 80.

 

On sort de cet album avec l'envie irrésistible de mettre nos pas dans les traces laisser par les souliers de la « Ruelle ».

 

*Au jeu des comparaisons presque raisons, Jean-François Balmer qui joue Dallas, son premier rôle, dans – Peur sur la Ville – est un acteur suisse, qui va s'installer en France. Notre Minos - Ivan – est un suisse installé à Bruxelles !

photo de Eric D-Toorop
le 20/06/2020

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