Rainbow - Rising

Chronique Vinyle 12" (33:35)

chronique Rainbow - Rising

Pour ma cinquantième chronique pour CoreAndCo, j'avais envie de marquer le coup. Par pudeur et respect, je tairais l'album que notre très estimé rédac' chef m'a suggéré. Après réflexion, mon choix s'est porté sur un album sorti il y a tout juste quarante ans. Un disque mythique, quasi intouchable malgré le temps, qui a bercé ma jeunesse et qui me file encore le frisson : Rising de Rainbow. Le défi est de taille, comment être à la hauteur d'un tel monument alors que tout à déjà été dit à son sujet ? Comment rendre l'importance de ces quelques dizaines de minutes de musique aussi mythiques ? C'est un peu comme devoir écrire l'oraison funèbre de Terry Pratchett, le sujet ne peut qu'éclipser de son ombre le rédacteur qui cherche à lui rendre hommage. C'est donc modestement que j'aborde l'écriture de ces lignes.

 

Tout d'abord, un peu d'histoire (on ne se refait pas). Au début des années 1970, Deep Purple publie une série d'albums référentiels dans le domaine du hard rock, mais aussi du rock en général. Si vous n'avez jamais entendu « Child In Time » (In Rock) ou « Smoke On The Water » (Machine Head), c'est que vous arrivez tout droit du XVIIIème siècle. Jetez-y une oreille et secouez en rythme votre perruque poudrée d'avant en arrière. Le succès du groupe ne le protège pas du drame : au printemps 1975, Ritchie Blackmore, l'homme en noir, le pourvoyeur de riffs plombés, quitte le navire. Depuis quelques mois, il s'était acoquiné avec les musiciens du groupe Elf pour enregistrer un premier album, Ritchie Blackmore's Rainbow. A l’exception du chanteur Ronnie James Dio, les musiciens ont quitté le groupe à la sortie du dit opus. Les deux musiciens ne tardent pas à recruter Jimmy Bain (ex Harlot) à la basse, Tony Carey (ex Blessings) aux claviers et Cozy Powell, un batteur expérimenté (il a joué au festival de l’île de Wight, ainsi que pour Jeff Beck). Tout ce beau monde s'enferme aux Musicland Studios à Munich, comme pour Ritchie Blackmore's Rainbow, sous la houlette de Martin Birch, producteur attitré de Deep Purple. Le groupe y reste moins d'un mois, fait appel à l'Orchestre Philharmonique de Munich, et grave sur cire six titres pour l'éternité.

 

Le premier contact avec l’œuvre se fait via sa pochette. A disque mythique, artwork mythique, et Rising ne déroge pas à la règle. Peinture signée Ken Kelly (à qui l'on doit Destroyer de Kiss, sorti plus tôt en 1976), elle marque les esprits. Cette main titanesque émergeant des profondeurs océaniques et qui agrippe l'arc-en-ciel mascotte du groupe, semble prête à surgir du carton de la jaquette du vinyle et attraper l'auditeur à la gorge. L'illustration évoque la Dame du Lac s'emparant d'Excalibur après la mort du roi Arthur. Rainbow, en parlant d'arc-en-ciel, en utilisera un lumineux, colossal, sur la tournée qui suivra, consommant tellement de jus qu'il perturbait le fonctionnement des ampli.

 

Une longue intro de synthé aux sons spatiaux, puis la guitare balance un riff simple mais galopant, vite rejointe par la basse et surtout la frappe lourde de Powell. Et enfin arrive la voix puissante, aiguë, si particulière de Dio. Tous les ingrédients qui composent Rising sont posés, efficacement, en deux minutes. La production n'a pas pris une ride et sonne à peine datée, la balance entre les instruments est idéale. L’enchaînement des titres est également bien équilibré, avec en ouverture, Face A, deux morceaux heavy, up et mid tempo, suivis de deux titres plus légers, et en face B deux longues pièces épiques.

 

Seul maître à bord, contrairement à Deep Purple où les compromis étaient perpétuels, Blackmore donne toute la mesure de son talent. Épaulé fidèlement par un Dio encore peu connu (bien avant ça), Rising est marqué par une symbiose presque parfaite entre les deux hommes, qui signent la composition de tous les titres. Les structures sont faciles à suivre avec l'enchaînement classique couplet / refrain, mais chaque morceau possède également sa propre identité. Contrairement à Ritchie Blackmore's Rainbow, qui paraît plutôt être une collection de chansons, ce deuxième opus a clairement été pensé pour en faire un tout cohérent. Les riffs sont efficaces, tour à tour heavy ou R'n'R, les leads enflammés et les solos époustouflants de vitesse et de dextérité. On a affaire à un maître dans ces domaines, qui a influencé des générations d'apprentis gratouilleurs (Yngwie Malmsteen en tête) et dont le jeu reste à ce jour inégalé.

 

La voix de Dio prend toute sa mesure ici, avec son timbre à la fois puissant et épique, et surtout cette impression de facilité lorsqu'il atteint des notes hautes, ce qui renforce le côté emphatique des compo. A cela s'ajoute sa capacité à écrire des paroles imagées, à propos d'arc-en-ciel, de magiciens, tout en restant purement dans l'esprit « metal ». Il vit littéralement ses paroles et nous embarque avec lui : on a par exemple presque la sensation de courir aux côtés d'un loup, les pieds dans la neige, le vent dans les cheveux sur « Run With The Wolf ».

 

Les autres musiciens ne déméritent pas. La basse est discrète mais bien présente, en soutien parfait à la virtuosité du maestro. Tony Carey délivre un boulot exemplaire, tant sur les mélodies, que sur la recherche de son. Ses solos sont également à couper le souffle ; écoutez celui de « Light In The Black », morceau pendant lequel il titille également Blackmore le temps d'un duo mémorable , et on en reparle. L'expérience de Cozy Powell est palpable, son jeu extrêmement varié et technique. Sur ce même titre, il utilise, peut être pour la première fois dans le metal (les exégètes me corrigeront), la double pédale.

 

Il serait criminel de finir sans dire quelques mots sur le point culminant de l'album, « Stargazer » et ses 8'26. Il commence par une intro de batterie montrant tout le talent de Powell, suivi DU riff, comme le guitariste sait si bien en composer, avec quelques accords, mais épique, soutenu par les cordes de l'orchestre de Munich. Les paroles de Dio mettent en scène le récit d'esclaves se tuant à la tâche dans le but de construire une tour pour un sorcier. Blackmore balance l'un de ses meilleurs solos de sa carrière en milieu de titre et le final laisse libre court à l'orchestre et aux envolées lyriques du chanteur. Sur la réédition de 2011, l'intro de claviers coupée à l'époque, sera restaurée. Rarement jouée en concert, le morceau marque le climax du Live in Köln enregistré en 1976, et se voit allongé à 17 minutes, avec un solo dantesque.

 

Et ça, c'est juste parce que j'ai envie.

photo de Xuaterc
le 31/01/2016

5 COMMENTAIRES

Xuaterc

Xuaterc le 31/01/2016 à 12:06:24

Ce texte a été rédigé avant l'annonce de la mort du regretté Jimmy Bain. RIP.

cglaume

cglaume le 31/01/2016 à 18:23:17

Une de mes honteuses impasses...

Xuaterc

Xuaterc le 31/01/2016 à 19:37:56

http://recettessimples.fr/images/Lapin_Garenne_morceaux_t.800.jpg

Eric D-Toorop

Eric D-Toorop le 01/02/2016 à 19:00:00

Rainbow pour moi c'est - Long Live Rock'n'roll - avec "LA Connection" et "Rainbow Eyes" ... merci pour le coup d'oeil dans le rétro

Xuaterc

Xuaterc le 01/02/2016 à 20:13:35

De rien. LLRnR, un grand album, avec de grands titres, dont Gates of Babylon, mais un poil en dessous de Rising

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