Sierra - A Story of Anger
Chronique CD album (42:19)

- Style
ESBM/darksynth - Label(s)
Universal / Virgin - Date de sortie
15 septembre 2023
écouter "Never Right"
Un de mes plus grands regrets de l'édition 2023 du Roadburn est de n'avoir pas eu la force mentale et la patience pour parvenir jusqu'au concert de Sierra. D'autant qu'elle a aussi animé une soirée en plus. Mais les kilomètres (au moins) de queue qui me séparaient de la petite salle du Hall of Fame m'ont alors redirigés en de non pas plus vertes mais plus accessibles contrées, sur le moment. Mais tous les retours que j'ai pu avoir disaient que ça a été incroyable.
Un de mes plus grands regrets, disais-je, car à la découverte de ce nouvel album de la Parisienne, A Story of Anger, sorti en septembre, celui-ci est venu se glisser agilement parmi les disques qui faisaient le plus de rotations chez moi, avec ses ambiances propices à la perdition, à l'abandon et à l'errance extatiques de fond de cave à 4 heures du matin.
Et c'est un peu ça qu'on recherche dans la musique, non ? Peut-être pas tout le temps, et pas forcément cet endroit exact, mais parfois tout de même, en abandonnant notre cavité cérébrale à ces ondes qui nous traversent, emportant parfois le corps avec, dans ces espaces où demain n'existe pas, n'existe plus. D'autant plus dans « nos » univers musicaux, qui tendent souvent à aller chercher au-delà du simple 'divertissement' (parce que oui, on déconne sévère dans la vie).
Après une série d'EPs (Sierra, Gone, See Me Now) qui l'ont fait émerger, A Story of Anger est le premier long format de Sierra. Et de sa montagne nous parviennent des échos d'Electronic Body Music enrobés de sonorités synthwave dont la boussole indique nettement la direction la plus sombre, vers la nuit, vers ces paysages bien darkos donc, mais une direction qui est aussi enveloppante qu'un cocon dans lequel pouvoir se laisser aller à être, tout bêtement. Sans souci du qu'en dira t'on.
Une histoire de colère, annonce le titre de l'album. Dans une récente interview auprès de VerdamMnis, Sierra explique que cette colère, elle « essaye de l'associer à du positif maintenant. C'est une émotion hyper saine à la base, comme la tristesse, on en a souvent besoin pour passer à autre chose quand on a été blessé. Mais le problème, c'est que beaucoup de choses en découlent et on gère tous tellement mal notre colère qu'il peut y avoir des répercussions dramatiques. Je trouve que quand on arrive à contrôler sa colère avant qu'on en arrive à la violence, ça peut être salvateur et même inspirant. C'est une émotion très complexe ».
Cette approche transparaît à l'écoute de l'album. « Anger is a gift », scandaient Rage Against The Machine.
Ici, les machines de Sierra modulent les contours de la colère, entre plages plus directes et offensives (« Wait and See », « In My Veins », un « Your Shadow » plus boum boum...), d'autres plus introspectives et ambiant, allant parfois chercher du dark trip hop sur la collab avec Health sur « Holding on to nothing », sur « Stronger » ou « So Blind » avec ces vagues impressions à la Gggolddd, ou encore, pour évoquer un autre groupe 'à lettres' qui semble surgir ici et là, même LLNN sur ces nappes menaçantes qui surgissent parfois (« Power », qui se trouve par ailleurs être l'objet d'un feat. avec le gros nom du style Carpenter Brut, « Club 21 »), comme autant de sensations périphériques qui donnent un périmètre à cette ire et permettent de l'apprivoiser, en l'acceptant comme une image en négatif plutôt qu'en s'y plongeant. Il s'agit peut-être aussi de sa production la plus intime et personnelle donc, ou a minima la plus tournée vers l'extérieur, puisque ce disque comporte bien plus de chant, et donc de paroles, que sur ses opus antérieurs.
La colère... elle gronde, « quand plus rien ne la retient, quand je subis son influence...
La science de la furie, l'art de la guerre réveillent tous mes démons si je l'écoute, si je coopère.
Mais si je la contient, si je la domine, si j'en fais mon alliée, cachée sous ma poitrine
C'est fou la force qui se dégage de ses remous quand elle est légitime et que l'agneau défie le loup » chantait cette fois Marc Nammour de La Canaille.
Sur A Story of Anger, Sierra livre son interprétation très personnelle de son rapport à cette émotion qui nous traverse tous et toutes, avec un sens certain de l'empowerment à son écoute, pour un objet sensible, immersif, au-delà de son strict aspect musical, et donc à mon sens très réussi. Et qui lui amène une reconnaissance bien réelle, avec la présence de la musicienne dans de nombreux festivals pour le printemps/été (en plus d'être crédité dans la musique du jeu Vampire The Masquerade: Bloodhunt ou dans une pub d'un grand groupe de mode dont je tairais le nom.
Espérons simplement que ceux-ci ne la feront pas passer en milieu d'aprem.
Ça, ça mettrait en colère.
A écouter car la nuit est sombre mais pleine de lueurs.
PS : pas de lien d'écoute sur bandcamp, mais il existe une playlist youtube comportant tout l'album, et vous pouvez aussi la retrouver sur les principales plate-formes de streaming.
2 COMMENTAIRES
Dark Globe le 17/04/2024 à 11:18:23
Une belle prod, parfois de beaux moments mais des instrus un poil répétitives d'un morceau à l'autre à mon sens !
Mais beau travail quand même !
Pingouins le 17/04/2024 à 20:45:48
Y'a un petit syndrome de la composition à une seule tête en effet, mais je lui ai malgré tout trouvé une belle variété dans l'ensemble !
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