Sordide - Les idées blanches

Les Idées blanches de Sordide ne sauraient être plus salutaires lorsque les chaînes d’information en direct et les réseaux sociaux relaient avec complaisance et gourmandise les immondices que déversent et dégueulent les nostalgiques d’un pays à l’histoire et aux ancêtres “blancs comme neige” ou les thuriféraires du bruit des bottes et de l’autoritarisme rance. L’existence d’un groupe comme Sordide fait d’autant plus de bien que le black metal est aussi régulièrement pourri par un certain nombre de malfaisants qui affichent plus ou moins franchement leur sympathie pour l’extrême-droite et / ou le néo-nazisme ou abritent leur folklore nauséabond derrière un apolitisme hypocrite. A une époque sérieusement portée sur la connerie comme à leurs propres démons intimes, les Rouennais de Sordide opposent leur black metal vindicatif aux racines punk et revendiquent un ultime sursaut face à la médiocrité ambiante. 

Sordide, vous l’aurez compris, n’est pas vraiment destiné aux adhérents de la chorale des nostalgiques du 3ème Reich, mais revendique et assume à travers son black metal acide son rejet du nationalisme, de la petite fierté patriotarde et de la tentation de la consanguinité. Triste et désabusé, Sordide s’inspire du Darkthrone de la moitié des années 90 et joue un black metal urgent, rugueux, aux riffs comme rouillés par la distorsion. Il se fait carrément punk lorsque les refrains de « Je n’ai nul pays », « Ruines futures » ou « L’atrabilaire » vous donnent envie de brailler à l’unisson à pleins poumons. Les idées blanches reflète la noirceur de l’époque comme celle des déprimes les plus intimes lorsque la mélodie lancinante soutient avec tristesse les paroles désabusées de "Ne savoir que rester". Sans artifice, Sordide a le spleen sinistre et la colère froide sur le titre éponyme les idées blanches lorsque la guitare égrène un arpège glaçant que la basse traînante souligne discrètement ou lorsque "Vers jamais" semble vouloir résister à l’abattement avant de s’éteindre progressivement. Entre la résignation et l’envie de résister et d’en découdre coûte que coûte, Les idées blanches est le récit d’un combat presque perdu d’avance.

Les idées noires est un véritable album de black metal, froid et colérique - un terme que je préfèrerai ici à haineux - qui paradoxalement donne l’envie de se ressaisir et de ne pas se laisser engloutir et envahir par le marasme environnant, une belle manière d’envoyer se faire voir les imbéciles heureux qui sont nés quelque part.

Marc

le 12/11/2021