Unexpect - We, Invaders

Chronique Maxi-cd / EP (26:22)

chronique Unexpect - We, Invaders

Quand un album vous a submergé les terminaisons nerveuses de picotis coquins et stimulants, en général, la réaction classique c’est « ‘di Diou, vivement qu’on remette ça! »… Et justement, avec In a Flesh Aquarium, les québécois d’Unexpect nous avaient laissés caleçon par-dessus tête, un sourire béatement repu sur le visage. Qui plus est, à l’heure de remettre le couvert, le groupe nous avait sorti la grosse artillerie avec un Fables of the Sleepless Empire dont on aurait pu penser qu’il était trop gros pour que ça rentre… Alors qu’en fait, les doigts dans le nez (entre autre) qu’il est passé le chameau, mettant au passage nos gonades auditives en ébullition, et nous laissant sur une sérieuse envie de reviens-y. Sauf que la 3e séance longue durée de massage des tympans n’étant pas pour demain, on s’est vite retrouvés à reluquer l’axe du temps à rebrousse-poil, avec en ligne de mire l’EP We, Invaders, sorti en 2003.

 

Ouais m’enfin on sait ce que c’est les premiers pas discographiques d’un groupe: plein de bonnes intentions balbutiantes, de génie mal dégrossi et d'une qualité sonore niveau talkie-walkie. Bref, l’âge de la pipe taillée plutôt que celui de la prod' polie…

 

Oui mais en fait, là, non.

Sur ces presque-débuts d’Unexpect, le mot d’ordre est déjà démesure, folie tourbillonnante et profusion merveilleuse. Mais pas le genre vortex acnéique et brouillon englué dans le manque de moyens et la poussé de sève adolescente, qui se prend les pieds dans le tapis et renverse la soupière sur une pleine tablée d’invités. Non, les envahisseurs québécois nous la jouent magistral, haut de forme et queue de pie impecables, et l’on retrouve déjà ici ce fameux mélange de violons virevoltants, de poussées de bile black, de chœurs et de chant féminin, de claviers, d’ambiances théâtrales, de drapés de velours ambiant et de dentelles baroques, tout cela s'entrechoquant dans un tourbillon aussi millimétré techniquement que sévère psychiatriquement.

 

We, Invaders, ce sont donc 4 titres à la densité exténuante et à la construction captivante, s’étendant sur de 5 à plus de 8 minutes. En guise d'entrée, « Novae » offre un démarrage d’opus classique (… pour le groupe – ce qui au final ne veut absolument rien dire, on est d’accord) avec un rodéo sur montagnes russes en compagnie de cette multitude instrumentale (ils sont Légion…) dont on a toujours autant de mal à faire le tour intellectuellement. S'ensuit « Rooted Shadows » qui prend une tournure un poil plus « mécanique » (épais, les guillemets, autour du terme) – du moins au début – mais continue dans le symphonico-déviant, tout en nous offrant une courte incursion dans un tripot situé quelque-part entre Balkans et Moyen-Orient. Allez: tel le critique de chez Michelin faisant la fine-bouche devant un craquant truffé au foie gras un peu trop moelleux, osons affirmer que ce morceau – formidable dans l’absolu – est construit de manière un peu plus « fragmentaire » que ses voisins, et est donc par moment un peu moins percutant. Fin de la bouche-en-cul-de-poule-rie. Sur « In Velvet Coffins We Slept », le groupe pousse les manettes dans le rouge, aussi bien en terme de furie black metal que côté emphase orchestrale, tant et si bien qu’on en a l’échine secouée de frissons qui rappellent ceux qu’on avait ressentis en découvrant les plus grands moments des partitions d’Hollenthon. Puis, pirouette finale, Unexpect finit sur un exploit, celui de nous faire vibrer profondément sur un instrumental uniquement interprété au piano, « Chromatic Chimera », morceau que l’on retrouvera enluminé de multiples couches instrumentales et vocales en ouverture In a Flesh Aquarium. Et là, c’est insensé: avec ses 2 seules mains pour guides, ExoD parvient à retranscrire le tourbillon, la folie, la merveilleuse et quasi-perpétuelle course en avant que deviendra ce morceau sur l'opus suivant, offrant au passage aux auditeurs des éléments de compréhension sur ce mystère que reste la composition de morceaux aussi flamboyants.

Et on finit ce compte pétillant sur quelques interférences électroniques, et le délicat chant du cygne d’une boîte à musique en fin de course…

 

Si d’indécrottables incroyants avaient besoin d’une preuve supplémentaire qu’Unexpect puise son inspiration auprès de muses invisibles aux yeux du commun des artistes, We, Invaders leur apportera des arguments de poids et leur rappelera qu’en plus, cela ne date pas d'hier. Mazette, mais c’est qu’il va falloir essayer de dégotter le fondateur Utopia maintenant!

 

 

PS: The End Records a pressé une réédition de In a Flesh Aquarium agrémentée de cet EP et d'un morceau inédit, « Puppet’s Strange Vision », instrumental électronifiant qui, bien qu’éloigné sur la forme du reste des morceaux, réussit à garder cette patte Unexpect inimitable.

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: un EP qu’aucune tâche d’immaturité ne vient maculer, la folie symphonico-théâtralico-extrême des québécois hors norme d’Unexpect étant ici toute aussi flamboyante que sur les 2 albums longue durée qui suivront. A ne négliger sous aucun prétexte…

photo de Cglaume
le 29/01/2012

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