We Are Among Storms - The I In We
Chronique CD album (29:36)

- Style
Post-hardcore - Label(s)
Over The Under Records - Date de sortie
26 février 2021 - écouter via bandcamp
Après ma découverte de Eyes et de son hardcore nouvelle génération, je continue mon périple musical au pays de ces petites briques qui font le bonheur de la voute plantaire des parents du monde entier. Et dans les spécialités locales, je vais de bonnes découvertes en bonnes découvertes avec cette fois-ci We Are Among Storms.
Forme en 2018 par des membres de The Psyke Project et d’Eglise, ce trio de Copenhague sort son premier album The I In We après un premier EP éponyme en 2018.
Alors pour ceux qui ont eu ce petit EP, déjà très prometteur, entre les mains, le groupe a grandement évolué: son, style, approche dans la composition, voix; on est désormais dans du post-hardcore pur jus, parfois très aérien ("Bøgler", le titre d’ouverture), parfois qui taquine du tremolo et du blast-beat ("The Wind Beneath"), parfois plus orienté sludge bien gluant ("Cycles").
Moins raw, moins hardcore, moins évident et plus posé, The I In We est un album duquel se dégage une vibe expitatoire, une tristesse cathartique, un dégoût électrisé et chaque instrument sert ce propos.
La guitare qui jette des accords comme les derniers souffles d’une vie acide, des leads aigres-doux, des harmonies qui se désolent sans pleurer, des arpèges qui abandonnent l’espoir. Mais ça n’est pas de l’émo gratuit qui sent la crise d’adolescence et les problèmes pré-pubaires. C’est profond, plus psychologique que physiologique, il y a le dégoût dans ces riffs, le lâcher-prise de la noirceur, la faiblesse inhérente de l’être, la réalité inconfortable de l’intrinsèque "je", ce “je” qui se libère du “nous” tout en s’y exposant et qui se morcelle dans sa solitude (et tout cela est aussi joliment illustré dans la pochette).
Côté batterie, c’est plus mitigé. Sans faire de détails, disons que c’est très linéaire. Pour être plus tétrapilectomique: l’intro de "The Wind Beneath", par exemple, c’est la platitude ultime. Alors, ok, le riff de guitare est très appuyé sur la pulsation mais cette batterie "poum poum poum tchack poum poum poum tchack", j’ai eu l’impression d’entendre un élève en première année de batterie au spectacle de fin d’année de la MJC de Perpezac-Le-Blanc. Évidemment, tout n’est pas à jeter, et il y a de très bon moments ("Creation") et...j’y reviendrai plus tard...
La voix a quant à elle perdu en fibre hardcore ce qu’elle a remplacé en intonation encore plus plaintive, moins rauque mais qui ne manque pas de gnaque (oh que non). Elle a beaucoup de Dave Verellen de Botch ("The Wind Beneath"), surement du fait de son traitement très souvent “lo fi”, et cette sensation qu’elle donne d’avoir été captée à la première prise (à 3:46 sur "Cycle", on entend qu’elle flanche, qu’elle n’en peut plus, c’est superbe d’honnêteté et de dévouement). Aussi elle n’est jamais en avant, personne ne l’est vraiment d’ailleurs.
En effet, guitares et batterie sont noyées dans une reverb insidieuse, cachée, imperceptible dans l’ensemble mais détectable là où se cache le diable. En résulte un son faussement boueux, enrobé d’un tissage de linceuls fréquentiels qui lui coupe la respiration, l’éloigne, l’empêche de prendre sa place dans l’espace et...fichtre, que c’est fameux! Car ce qui aurait pu être un désavantage sur bien des albums convient à merveille ici et entérine dans le son le propos désabusé des morceaux.
Le son a un côté très saturé, on sent que tout est poussé à balle et qu’il y a un gros limiteur en fin de chaîne; il n’en faudrait pas plus. Mais là encore, c’est un pari réussi de Jacob Bredhal (mixage) et Brad Boatright (mastering), les deux magiciens du fader ont bien compris la teneur de cet album, donnant à l’auditeur l’envie de pouvoir en sortir sans jamais lui en offrir la possibilité, et entérinent dans le son le propos oppressant des morceaux.
C’est là que je me rends compte que finalement, cette batterie que je jugeais un peu plus haut très plate, trop métronomique, toute linéaire qu’elle soit, elle est ici idéale, elle est cette chape de plomb rythmique qui entérine le propos désinvolte des morceaux.
Au delà de morceaux intenses, bien écrits, bien interprétés et servis par des musiciens honnêtes et talentueux, The I In We a ceci de très particulier que ses défauts lui vont à merveille et le servent habilement, tout y est parfaitement raccord. Un album qui transporte l’auditeur dans les méandres désabusées d’un post-hardcore linéaire mais à dessein, un post-hardcore aussi profondément efficace qu’efficacement profond.
On aime bien: un album avec de grandes qualités (un album très humain)...
On aime moins: ...qui sont aussi ses grands défauts (un album très humain)...
6 COMMENTAIRES
cglaume le 29/03/2021 à 13:58:08
Je connaissais capilotracté, mais pas tétrapilectomique: savoureux!
pidji le 29/03/2021 à 14:27:20
Haha en effet 😆
Eric D-Toorop le 03/04/2021 à 13:09:42
J'en reviens pas qu'il existe un village nommé Perpezac-le-blanc ! J'ai cherché le jeu de mots, en vain...rhooo
8oris le 03/04/2021 à 16:04:44
Non pas de jeux de mots (quoique..."Perpezan le Black" est sympa), j'avais besoin d'un village perdu en France et je connaissais celui-là où j'ai fait un stage d'astronomie.
cglaume le 03/04/2021 à 17:12:25
Tu es allé scruter des lunes et chatouiller Uranus à Perpezan petit cannaillou? Il y en a qui savent choisir leur stage dis ! :P
cglaume le 03/04/2021 à 17:16:43
Par contre la question est facile: quelle est la Perpezan le plus lourd... Pas celle de Roubignolles ni celle de Le Blanc. C'est celle de Nib' ! (Aah les rivalités entre villages...)
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