Truie - Interview du 26/07/2023

Truie (interview)
 

Avant tout, j’aurais voulu qu'on revienne un petit peu sur l'histoire et la genèse de Truie qui n’est pas un projet récent en fait…

 

Eric : En effet, Truie au départ, c’était moi tout seul, au milieu des années 2000. J'avais envie de faire un truc un peu agressif et brutal. A l'époque, je commençais à jouer dans un groupe de Black/Death Metal qui s'appelait Necrosis, et en même temps je découvrais les musiques extrêmes comme le Grindcore. C'était l'époque où je découvrais Gronibard par exemple, et j'avais envie de faire un truc bête, une sorte de défouloir. Parallèlement, je commençais la M.A.O et j'ai initié ce projet là sans trop de prétention. Le but, c'était de faire quelque chose d’un peu vulgaire et de musicalement agressif.
J’ai commencé à enregistrer des morceaux mais je suis un très mauvais chanteur. Pour écrire les instrus ça allait à peu près, mais j'avais besoin de gens pour grogner dessus. Kaan, je le connaissais parce que nos groupes respectifs répétaient à côté et on s'entendait bien.  Je l’ai invité sur un morceau, puis un deuxième. L’enregistrement était un peu particulier. Je vais raconter un peu ma life, mais ça aidera à comprendre. À l’époque, je travaillais à Paris et j'avais une semaine de repos tous les deux mois, où je revenais chez moi au Pays basque. Je me donnais donc une semaine pour faire un morceau complet : l’écrire, l'enregistrer, faire chanter les mecs, le mixer, tout ça avant de repartir. Je n'avais même pas de guitare avec moi à Paris pour bosser, tout mon matos était au Pays Basque. Du coup, chaque morceau était très spontané et finissait sur MySpace.

Mes morceaux préférés de cette époque, c’était les deux avec Kaan : « Salade d'Ovaires » et « Crachoir à Sperme ». Plus tard j’ai fini par amener mes grattes à Paris et aussi à faire plus de studio, à travailler avec des groupes. J'ai quelque peu lâché la gratte à ce moment-là. Disons que je me consacrais plus à la musique des autres qu'à la mienne. Avec Kaan, on est toujours restés amis et en contact. Dix ans plus tard, il a débarqué un jour en me disant « Putain, mais Truie, on m’en parle tout le temps ». Kaan fait beaucoup de festivals un peu partout en France et dans le monde d’ailleurs, et là, il avait croisé des gens qui lui avaient dit que Truie c'était génial.

 

Kaan: Quand on dit « des gens », j'ai dû en croiser dix en tout et pour tout… Mais c'est pas mal dix. (rires)

 

Eric: Kaan me bottait le cul pour qu'on relance le truc, et je me disais que ça serait cool de remonter ce projet parce qu’on se marrait bien.

 

Kaan: On tenait déjà un concept cool et qui nous plaisait toujours donc on s'est dit qu'on allait relancer Truie. Mais de façon plus sérieuse.

 

Eric: On avait pris de la bouteille chacun de notre côté, Kaan a joué dans plusieurs groupes, on avait dix ans de plus et on s'est dit qu’on allait le faire, mais que cette fois on allait s'appliquer, qu’on n’allait pas faire des morceaux en une semaine à l'arrache, qu’on allait pousser le concept, avec des textes en français, et qu’on allait faire ça rien que tous les deux.

 

 

Du coup, les morceaux qui sont sur Bukkake, c'est exactement les mêmes versions que celles enregistrées il y a dix ans ou vous les avez un peu reprises et améliorées ?

 

Eric: Non, on n’a rien rejoué, j’ai juste refait un mastering pour que le rendu soit plus homogène.

 

 

Ok. Et donc à l’issue de ces retrouvailles ?

 

Eric : On s’est demandés ce que ça donnerait de composer ensemble, dix ans après. Le résultat est sur l’EP Gokkun, qui représente le premier véritable EP de Truie sous cette nouvelle formule à deux. On avait sorti Bukkake en digital auparavant pour un peu tâter les choses et en parallèle on composait Gokkun. Sur l'édition physique de Gokkun, on a regroupé les deux EPs.

Donc Gokkun, c'est l'EP de la reformation, il y a quatre titres en comptant une vraie intro. Puis l’année suivante, en 2020, nous avons sorti un single : "Tequila et filles de joie", le tube de l'été.

 

Kaan : Bon on l'a sorti en novembre… mais on l'a enregistré pendant l'été ! (rires)

 

 

Je ne sais pas si vous connaissez cette chaîne américaine sur YouTube qui s'appelle Kids Interview Band. Ce sont des enfants de sept, dix ans, qui posent des questions à des groupes plutôt rock/metal… bon, ils ne vont pas poser des questions à Mayhem ou Shinning mais plutôt Steel Panther, Slayer, Avatar. Du coup, je me demandais : si vous deviez expliquer le concept de Truie à un enfant qui a entre sept et dix ans, qu'est-ce que vous lui diriez ?

 

Eric: (rires) Je laisse Kaan répondre…

 

Kaan : Je lui dirais “Tu as déjà vu une bite ? Tu as déjà vu une chatte ? Bah c'est ça !" (rires)

 

Eric : Tu ne peux pas dire ça à un enfant ! Sérieusement... je lui dirais « Tu vois cette bouteille de lait ? »

 

Kaan: … non, bah, on dirait simplement que c'est un groupe de musique qui tape un peu fort et qui parle de choses pour adultes.

 

 

Ça passe et c’est pas faux.

 

Kaan : Les parents disent toujours : « c'est pour les adultes ». Je pense que je botterai en touche et que j’irai dans cette direction.

 

 

Je voulais revenir sur deux aspects de l’album : les conditions d'écriture, parce que vous n’habitez pas dans le même coin… 

 

Eric : Tout à fait.

 

 

… et sur les petites anecdotes. Je suis persuadé que l’album en est rempli, aussi bien sur les conditions de composition, que sur les arrangements ou les choix artistiques.

 

Kaan: Je ne sais même pas s'il y a vraiment eu des grosses anecdotes.

 

Eric : Mais si !!

 

Kaan : Ah ouais ?

 

Eric : Déjà, les conditions : Kaan vit à Barcelone et moi au Pays Basque donc on est obligé de faire des sessions, comme on a fait cette semaine. On se bloque un créneau d'au moins 4 jours et on se retrouve chez moi. Et chez moi, c'est assez petit. Du coup il y a  une certaine proximité… (rires). On ne dort pas ensemble mais presque. En tout cas, on vit tous les deux presque comme un couple, pendant quelques jours, et on écrit des morceaux.

 

Kaan : On parle aussi énormément à distance. On s'envoie beaucoup de sons, de vidéos drôles…etc. Si on tombe sur une vidéo de cul un peu rigolote et si le son n’est pas trop dégueu, on se l’envoie en se disant qu’il y a un potentiel pour chopper un sample et développer une histoire. On se crée une grosse base de données avec ces idées.

 

Eric : Oui, on a beaucoup de matière...

 

Kaan : Une fois qu'on se retrouve, on réfléchit à quelles idées sont les meilleures, quelles vidéos nous font le plus rire. Eric nous sort des riffs du tiroir ou en compose sur le moment. À partir de là, on commence à construire une ébauche de morceau.

 

 

C’est un fonctionnement un peu hybride en fait. Vous vous envoyez des petites idées quand vous êtes à distance, mais tout ce qui est écriture, enregistrement, vous le faites ensemble...

 

Eric : Oui, on fait tout ensemble. Ce qui est cool, c'est qu'on a rapidement une idée de concept. Par exemple, le morceau sur les bébés, « Comment on fait (vraiment) les bébés ? », c'est un thème qu'on avait déjà en tête au départ en structurant le morceau, en le composant. Tout est parti du sample de cette nana-là qui explique comment on fait les bébés…

 

Kaan:  Oui on voulait par exemple un son de boîte à musique pour amener ce côté enfantin, un peu astral, qui illustrerait la naissance.

 

Eric : On construit les morceaux comme ça, en ayant un concept, une histoire en tête dès le départ. Et mine de rien, c'est peut-être plus facile de structurer un morceau de cette façon. Dans un groupe plus « classique », les mecs vont parfois dérouler des riffs sans avoir forcément quelque chose à raconter derrière. Pour nous, c'est presque facile de trouver une connerie, un sujet à aborder et ça devient notre guide. On va adapter et composer la musique en conséquence.

Ensuite, en terme d'anecdotes sur l’album, oui il y a quand même des trucs cool !

 

 

Comme l’histoire du riff à partir du code-barres ?

 

Eric : Voilà, c'est ce que j'allais te dire. Kaan n'aime pas que je parle de ça mais moi, je trouve ça trop cool !

 

Kaan : Non, c’est pas que je n’aime pas, c'est que c'est pas une anecdote de ouf.

 

Eric : Mais si ! En fait, quand Kaan est là on picole quand même pas mal, pas forcément avant de jouer mais plutôt le soir... on décompresse, on se met des petites cuites. Bon, des fois, avant de jouer aussi… (rires) Bref, on boit plus que d’habitude. Donc, on est enfermé ici, on fait de la musique forcément dans un contexte cuite-alcool, et on a pris cette habitude de faire ce qu'on appelle des morceaux « code-barres ». Un morceau « code-barres », c'est un morceau comme « Cassage de cul (en Do Mineur) » sur l’album.

 

Kaan :  Ou « Indigestion Turgescente » sur Gokkun.

 

Eric: Voilà, celui qui démarre par des bruits de gorge. Ce sont des morceaux assez simples et directs, qui finissent TOUJOURS avec de la HM2 à fond... les morceaux les plus Grind dans l'inspiration de départ. On appelle ça des morceaux « code-barres » tout simplement parce qu’on commence par lire le code- barres d'une bouteille qu'on vient de terminer, et on en tire un riff de départ.

Je trouve ça difficile de composer des riffs simples, j’ai tendance à vouloir trop compliquer les choses. J'ai du mal à faire du Grind, tu sais un truc à quatre accords basiques. Ma béquille pour écrire ces morceaux, c’est ça. On se dit « allez, on se bourre la gueule », on lit le code-barres de la bouteille et je le joue en mode tablature.

 

Kaan : Ce qui est rigolo, c'est qu'on est actuellement en train de se siffler une bière ! On va garder une des bouteilles et on va en faire un morceau ! Il te sera dédié, Boris.

 

Eric :  Le problème, c'est qu'il n'y a pas de code-barres…

 

Kaan : Mais si, là, regarde, y'a des chiffres, « 0 800… » bah c'est le numéro de téléphone en fait (rires)

 

Eric : Ah ouais ! Ok, c’est bon. On te prépare ça.

 

 

Super ! Merci !

 

Eric: Bref, tu as pigé l'idée. On lit ces premiers chiffres et j’en fais des riffs. Je ne vais pas jouer forcément pareil, mais ça m'aide à trouver un riff un peu bête. Souvent c'est pas mal et ça nous fait un point de départ. Ce qui est marrant, c'est qu'il y a des alcools qui marchent mieux que d'autres. Genre les bières c'est pas mal, le rhum, c'est pas mal. Il y a des alcools qui commencent par des neuf, des douze, des trucs bizarres. Les chiffres sur les bières, le rhum, c'est beaucoup de zéros donc c'est bien pour nous.

 

Kaan : Côté anecdote, il faut aussi savoir qu’on mate des dizaines et des dizaines de films de cul, en quantité industrielle et à un niveau professionnel. Je m’explique : on s'envoie des grosses sessions de films porno, et en fait on est tellement pro, qu'on extrait uniquement l'audio pour vérifier si ça marche à l’oreille.

Donc faut nous imaginer, tous les deux, bière à la main, en train d’écouter des sons tirés de films de boules pendant deux heures, sans avoir une seule image, et de couper tout ce qui pourrait marcher en audio.

 

Eric : Je préfère fonctionner comme ça. Heureusement, parce que si on devait travailler avec les vidéos, à un moment, tu dégueules quoi... et quand Kaan commence à me chatouiller la cuisse là, ça me fait vraiment peur ! Donc je préfère enlever la vidéo pour qu’on se concentre exclusivement sur le son. On veut trouver le truc qui marche juste avec l'audio, parce que dans le morceau il n’y aura pas la vidéo, pas d’images.

D’ailleurs, autre anecdote : le morceau Bite en Cage s’appelait SM à la base, c’était son titre de travail. L'idée c'était d’avoir cette ambiance un peu BDSM, coups de fouets, douleur, et on cherchait des samples un peu nouveaux. Résultat, on s'est maté des heures et des heures de vidéos amateur SM dégueulasses. Alors, il faut savoir que les vidéos SM sont très mal enregistrées. Soit les gens sont dans des caves avec leur téléphone, soit avec un vieux caméscope placé très loin, bref le son est dégueulasse.

 

Kaan : Ils ne font pas d'effort, c'est incroyable. (rires)

 

Eric : Oui, et ils ne sont pas très originaux. Souvent, c'est juste "Oh oui, maître, vas-y ! » suivi de trucs dégueulasses et très banals. On s'est maté des heures et des heures de vidéo, et on a perdu beaucoup de notre innocence dans cette phase de recherche. Le pire c’est qu’on a rien trouvé ! Du coup on est revenus à nos samples fétiches tirés de Maîtresses Très Particulières, avec… comment il s'appelle déjà ? Didier ? Tu sais, les samples qu'on a mis sur le break où ça dit « Tu vas souffrir avant de me… »

 

Kaan  : Bernard ?

 

Eric : Mais non, Bernard c'est celui qui veut faire l'amour ! Bref, tout ça pour dire qu'on passe beaucoup, beaucoup de temps à chercher des samples, à chercher LA connerie, le petit truc qui peut être drôle. On passe plus de temps sur ça que sur les riffs. On y passe du temps aussi, évidemment, mais limite moins ! C'est presque facile pour nous d'avoir des riffs, des structures. Le plus dur, c'est de trouver la bonne punch line, l'arrangement ou l'idée d'arrangement, le petit truc qui va coller au thème et que les gens vont comprendre. Par exemple le morceau « Voie Lacteuse » sur l'album, celui avec les voix de robot, on y a passé énormément de temps.

 

 

Les samples de celui-là sont justement assez dingues. Ils viennent d’où ?

 

Eric : Les voix robotiques ? C'est de la synthèse vocale. J'avais vraiment en tête de recréer la voix de GLaDOS des jeux Portal. Cette voix de robot très droite mais avec des petits décrochages par moment, des petites inflexions, des petites intonations qui amènent un certain cynisme. Au départ le concept de ce morceau venait de Kaan, qui s'est pointé un jour en me disant "Mec, on va faire un morceau avec un robot sexuel dans l'espace… on va faire du cyber grindcore !". J’ai dit « OK, on va essayer... » et là, va trouver des samples ! Impossible de trouver des robots qui disent des saloperies. Il fallait donc qu'on créé tout nous-même, et on a pensé à la synthèse vocale. J'ai testé plein d'outils et finalement ce sont ceux de Google que j'ai utilisés. C'était les plus basiques et surtout les plus drôles parce tout le monde connaît un peu ces voix.

D’ailleurs, il n'y a pas que la voix, on a crée aussi beaucoup d'ambiance, de paysages sonores, de textures et bruitages. Tiens, une autre anecdote là-dessus. La NASA avait publié le bruit d'un trou noir et j'ai utilisé ce son-là. C'est un bruit qu'ils ont énormément pitché pour qu'il soit audible, au départ il est vraiment dans les infra-infra basses. Je l'ai utilisé sur l'intro, on l'entend en fond... il faut vraiment tendre l'oreille pour entendre une sorte de grondement. Il n’y a que nous qui le savons et tout le monde s'en branle mais j'avais envie de placer ce vrai son de l'espace.

C'est un morceau qui a demandé énormément de temps, pas tellement pour la structure qu’on a trouvée assez vite après une cuite, mais plutôt au niveau du sound-design et des arrangements, parce qu’on voulait vraiment retranscrire cette idée d'espace. Je pense qu'on comprend au final en écoutant le morceau, que ça se passe dans l'espace.
Aussi pour la fin, quand ça finit en explosion, on voulait vraiment le son de ce robot sexuel, de cette machine qui déborde et qui explose avec du foutre qui retombe partout. On a essayé plein de trucs, on a passé presque une après-midi à travailler sur cet effet d'explosion aux retombées gluantes, on a énormément bataillé. Finalement, c’est un mélange de bruits de pâtes, de gouttes et plein d’autres bruits pour faire ce « ploutch » à la fin.

 

 

On se rend compte que les samples, c'est vraiment un instrument à part entière chez vous, traité avec le même souci que n’importe quel autre…

 

Eric: Oui, c'est obligatoire pour nous, c'est comme du chant.

 

 

C’est vrai que quand on écoute l'album, on se dit « voilà, il y a des samples, c'est rigolo, super », mais si on fait vraiment l'effort de bien écouter, on se rend compte que justement, il y a plein de petits détails microscopiques. Perso, je le réécoute régulièrement et je redécouvre encore des détails.

 

Eric: Ah !! C'est bon ça !

 

 

Carrément ! D'ailleurs, il suffit parfois juste que tu changes de système d'écoute et il y a des choses qui apparaissent. Du coup, ça lui donne une belle durée de vie.

 

Eric: C'est trop cool que tu dises ça ! Quand j'étais plus jeune, j’étais par les albums sur lesquels tu peux toujours découvrir un petit truc à la ré-écoute. J’aime beaucoup faire ça avec Truie. Kaan me dit souvent « mais ça, faut le mettre plus fort ! » et je lui réponds que non justement, c'est un détail en arrière-plan, c'est une petite nuance. C’est pas le truc fait pour être devant, pour driver le morceau, mais il est là derrière... il amène une variation, un petit quelque chose que tu n’entends pas forcément mais que tu ressens.

 

 

Vous n’avez pas de batteur, comment ça se fait que vous n'en ayez pas trouvé un pour l'occasion ?

 

Eric: Déjà, au Pays basque, le nombre de musiciens est relativement limité et les bons sont déjà pris dans plusieurs groupes. Là, dernièrement, on s’est dit qu’on allait essayer de recruter des musiciens live parce l'idée de faire de la scène nous titille.

 

 

Justement, je voulais en parler…

 

Kaan : Bah en fait, ça n’intéresse personne ! On n'a pas vraiment reçu de propositions. Bon, on n'a pas non plus communiqué comme des oufs sur le recrutement des musiciens. Les quelques perches qu’on a tendues à des potes batteurs qui pourraient avoir le niveau et qui sont dans le coin n’ont rien donné. À nos âges, entre 35 et 40 ans, si tu joues déjà dans un ou deux groupes, te lancer dans un autre comme le nôtre où en plus le niveau à la batterie est assez élevé, ça représente une charge de travail trop conséquente.

 

Eric : Oui et comme je te disais au début, à la base Truie, c'était moi tout seul dans ma piaule et je programmais la batterie. On est restés attachés à cette façon de faire, de composer à deux. Après, c'est sûr, c'est toujours cool d'avoir des zicos en plus, ça ramène des idées. Si on trouve des mecs, c'est vrai que ce ne sera pas uniquement des zicos de session parce que même si je fais de mon mieux pour programmer des batteries crédibles, un batteur amènera forcément des choses en plus, ça serait vachement cool. Dans beaucoup de groupes, il y a souvent un ou deux mecs qui composent et les autres acceptent et jouent à 90% ce que les autres ont composé et ça leur va très bien. On aimerait un fonctionnement comme ça pour Truie, ça serait cool. Ça ne veut pas dire que si on trouve un batteur, faudra qu'on le tienne en laisse et qu'il ferme sa gueule, mais on reste vraiment attachés à notre méthode de composition actuelle.

 

 

Vous avez publié sur Facebook une annonce dans laquelle vous recrutiez au moins pour la scène. Je me demandais où ça en était et s'il y avait éventuellement déjà des dates prévues.

 

Eric : On a justement reçu aujourd’hui un mail d'un guitariste qui nous a envoyé sa candidature, c'est le premier.

 

Kaan : On a eu quelques touches avec des musiciens que l’on connaît déjà et qui pourraient être intéressés. Ils sont très bons mais pas mal occupés. C’est un peu compliqué à organiser… je me demande aussi s'il ne nous faudrait pas un second album pour commencer à vraiment attirer du monde.

 

Eric : On verra bien mais en tout cas pour le moment, ça n'avance pas des masses. On ne se met pas non plus la pression. Truie à la base, c'est un projet studio et ça le restera si on ne trouve pas les bonnes personnes pour le live. On se marre à faire des albums studio, à écrire des morceaux à la con, à raconter des histoires. Si ça doit rester comme ça, ça nous va très bien aussi. On préfère trouver des gens vraiment biens plutôt que de se forcer à aller faire du live à tout prix.

 

Kaan :  Oui et si on fait des tests en live et qu'au final, ça sonne comme le cul, on repoussera. Parce que t'imagines le bordel pour faire sonner ça sur scène ? Ça peut être hyper décevant pour le public si c’est mal fait.

 

Parce que vous pensez que c'est un album qui serait difficile à faire sonner en live?

 

Kaan : Non pas du tout, mais il faut un bon batteur, faut qu’on maîtrise tout à 100%. Faut bosser quoi ! En plus, je ne sais pas chanter et jouer en même temps, c'est un cauchemar. De toute façon, je déteste le chant de manière générale, je trouve que c'est vraiment le rôle le plus bidon dans un groupe, c'est vraiment un truc que je déteste faire.

Eric : Kaan n'aime pas sa voix.

Kaan : Moi, j'étais assez chaud pour embaucher quelqu'un au chant pour le live. Eric est plutôt contre donc c'est un peu le sujet de discorde et ça me fait chier de lâcher la basse.

Eric : La voix de Kaan est trop importante, ça me ferait bizarre de jouer avec un autre chanteur.

 

 

J'avoue que ça serait surprenant.

 

Kaan : Boris, il va falloir que tu choisisses ton camp… (rires)

 

Team « Kaan au chant », désolé. J'embraye sur l'artwork parce qu’il est assez dingue aussi. C'est vous qui avez fait les photos ? Comment ça s’est passé ?

 

Kaan : On fait tous les artworks, mis à part celui de « Tequila & Filles de Joie » que l'on a fait faire par Salomé Bourgois, la petite sœur de ma copine. Dans l'idée on n'a pas envie de faire des pochettes basiques et typiques du style, genre dégueulasses, même si c'est très rigolo et qu’on aime bien ça. Mais pour Truie, on essaie toujours d’avoir cette dualité entre quelque chose d'assez classe, de bien fait, tout en racontant des horreurs.

 

Eric : Souvent, on a cette remarque de gens qui voient la pochette et nous disent après avoir écouté "ah mais je ne m'attendais pas du tout à ça comme musique, et ça défonce".

Pour les pochettes de « Bukkake » et « Gokkun », on est partis d’images libres de droits. Je suis assez chiant avec ça. Kaan, lui, prendrait n’importe quoi sur Google Images mais je me dis que c'est un coup à être emmerdé par la suite, donc je préfère prendre dès le départ une photo libre de droit et la retravailler. Pour l’album, on avait ce concept de la ménophilie, je pense tu as compris de quoi il s’agit, et on avait en tête cette image d’une nana pleine de confiture rouge…

 

Kaan : Avec la juxtaposition de l’image et du titre de l'album, avec l’association des deux, on comprend tout de suite.

 

Eric : J'ai galéré à chercher et je ne trouvais rien. J'ai même essayé des IA ! Mais ça me faisait de la merde. Finalement, en cherchant sur des banques d’images payantes, on a trouvé exactement ce qu’on cherchait. Je ne connais même pas le nom de cette nana, elle n’était pas créditée. Je crois que c'est une fille de l'Est, sur une session photo de mode. Il y en avait beaucoup avec des fruits, elle posait avec des bananes, des kiwis, un pot de confiture... et en fin de session elle avait dû faire la con et s'en barbouiller sur le visage. On était là : « Mais, putain, elle est parfaite cette photo ! »

 

 

Mais grave !

 

Eric : Donc on l’a achetée et on l'a ensuite retravaillée et adaptée. Sur l'original elle avait un chemisier hyper clair et texturé, on ne pouvait pas titrer dessus donc j'ai dû lui refaire tout son chemisier pour qu'il soit foncé - noir. Pour le reste, c'est la photo d'origine. Je suis graphiste amateur à mes heures perdues (rires), j'ai toujours bataillé sur les pochettes et les visuels, j’apprends beaucoup de choses et on arrive à se débrouiller. On a ce côté DIY malgré nous. Ce n’est pas forcément mon truc, je ne suis pas un coreux dans l'âme non plus (rires), mais par la force des choses on s'est toujours démerdés tout seuls. Pour le son c'est mon taf donc c'était évident que j'allais le gérer, mais pour le reste on fait comme on peut.

Ça a ses limites forcément. On a eu besoin de quelqu'un pour les illustrations du livret, car je ne sais pas du tout dessiner. Kaan non plus, à part dessiner des bites sur les voitures (rires).

 

Kaan : Pour les illustrations du livret de « Ménophilie », on a fait appel à un artiste tatoueur, Nekroz, qui a fait du super taf. C'est dailleurs la deuxième fois qu’on travaille avec un tatoueur. La première fois c'était avec Myriam Black, une Allemande qui nous a fait le design d'un de nos premiers t-shirts. On aime généralement bien l'approche de ces artistes, y'a quelque chose de très personnel qui s'en dégage et ça nous plaît.

Eric : Si on voit que c'est vraiment naze ce qu'on sort, on fait appel à quelqu'un de qualifié parce qu’on a un certain niveau d’exigence. Même si globalement on essaie de faire un maximum de choses nous-mêmes. Ça nous permet de garder un maximum de contrôle sur Truie, et mine de rien côté budget ça fait du bien aussi. Après on essaie de ne pas tomber dans ce travers qu'ont beaucoup de groupes émergents qui, pour des raisons de budget, font tout eux-mêmes ou à l'économie mais c'est de la merde à la fin. Du style quand c'est ton cousin qui a craqué Photoshop qui te fait les visuels, ou quand tu mixes toi-même ton album après avoir vu 3 tutos sur le net… (rires). Au bout du compte ça ne met ni le groupe ni ta musique en valeur, et ça t'aide pas à avancer.

 

 

Il n'y a pas de véritables clips de Truie en ligne, c'est un format qui vous intéresserait ou pas?

 

Kaan : Carrément ! Mais c'est pareil, faire un clip de nous en train de jouer dans une cave avec 3 spots ou devant une usine désaffectée, ça ne nous intéresse pas. On a plein d'idées mais le problème c'est qu’on a envie que ce soit beau et là, il faudra évidemment du budget. La priorité, c'est la musique mais ça nous botterait de faire des clips, évidemment !

 

Eric : Avec ce concept de morceaux qui racontent une histoire, la vidéo serait forcément un prolongement. Mais ça demande des moyens, il faut des figurants, un vrai bon réal et tout ça. C'est un budget à 4 chiffres minimum.

 

 

Est-ce que vous avez des retours sur l’album ? Comment ça se passe la promo ?

 

Kaan : On n'est pas des pros du marketing, on fait d’ailleurs ça tout seuls aussi, mais globalement les retours qu'on a sont positifs, aussi bien en ce qui concerne la composition que la production.

Après le délire sur le sexe, il passe ou il ne passe pas, c’est le seul bémol qu'on a reçu. Un des feedbacks qu'on a le plus souvent : "ah la musique défonce, mais le côté cul, ça amenuise un peu le sérieux". Il y en a, tu sens que ça les gêne un petit peu…

 

Eric : Oui voilà : « Ça défonce mais c'est dommage que ça tourne autour de la quéquette ». En même temps, c'est ce qui fait l'identité de Truie. Ça fait partie du délire, c'est ça qui nous différencie. En tout cas les retours sont plutôt bons. Et on a carrément halluciné sur les écoutes Spotify. Avant on avait à peu près 140 auditeurs par mois en moyenne, c'est déjà très cool à notre niveau et vu le style qu'on fait. On s'était dit que si on montait à 500 avec l'album ça serait déjà énorme. Au final avec « Ménophilie » on a presque atteint les 3000 auditeurs !

On a aussi eu quelques chroniques vraiment cool, notamment chez Thrashocore. On pensait qu'ils refuseraient parce qu'ils sont assez sélectifs sur ce qu'ils chroniquent. Et bien évidemment ta chronique à toi Boris, sur COREandCO, qui nous a quelque peu durci le kiki ! (rires) Plus sérieusement, les gens ont plutôt mordu au truc et ont compris le délire. Toutes les chroniques sont bonnes, en tout cas on n'a pas eu de papier qui nous défonce du genre "mais c'est quoi cette merde ?!".

 

Kaan : On reçoit souvent des messages de mecs qui nous disent : "Ouais, j'ai acheté votre truc, ça défonce" ou "j'ai un copain qui m'a fait découvrir". On a un feedback du public qui est assez cool. Après j'imagine que ceux qui n’ont pas aimé ne vont pas nous écrire pour nous le dire.

 

Eric : Je suis aussi très content d'un truc, c'est qu'avec Truie on a réussi, même déjà avant ce premier album, à se constituer entre guillemets un vrai public. Au début quand tu fais de la zic, tu vas surtout toucher ton cercle proche, c'est à dire tes potes, ta famille... etc, des gens qui te soutiennent parce qu’ils te connaissent. Avec Truie, on a réussi à toucher des gens qu'on ne connaît pas, des gens qui aiment vraiment la musique pour ce qu'elle est, qui s'impliquent et sont fidèles. Il y a plein de groupes qui font de la super musique mais qui n’arrivent pas à ce que les gens susceptibles de les aimer puissent ne serait-ce que connaître leur existence. C'est un travail de communication, c'est vrai. Mais avec le temps on a vraiment réussi à amener notre musique aux oreilles de gens susceptibles de l'aimer, ils ont accroché et ils suivent le truc depuis le premier EP, ils achètent des albums, du merch, ils nous envoient des petits messages.

On a même une habitude, c'était une idée de Kaan : on a un album photo qui s'appelle « La Porcherie » où à chaque fois qu'on vend un t-shirt, on demande aux gens, s'ils le souhaitent, de nous envoyer une photo d'eux avec le t-shirt en question. Kaan rédige un texte à la con du style « depuis que j'ai mon t-shirt ma bite a triplé de volume ». Les gens se prêtent au jeu, et nous envoient des photos d’eux le cul à l'air avec leur t-shirt. Il y a même un mec qui nous a envoyé une photo de son t-shirt avec lequel il avait essuyé le cul d'une meuf qu'il venait de tringler ! (rires)

Bref, on a réussi à notre échelle à développer une communauté, entre guillemets, et c'est vraiment cool ! Je suis très content de ça.


 

Mais la scène Grind, Death/Grind en France n'est pas hyper saturée et surtout elle n'est pas saturée en groupes qui proposent quelque chose d’original. C’est ça qui est intéressant avec Truie : vous proposez un style avec tous ses codes mais avec aussi plein d'autres qui n'ont rien à voir, et c'est là où les gens peuvent accrocher. Après, je comprends qu’il faut qu'ils vous découvrent et c'est là où c'est difficile parce qu’il y a la réalité des algos qui ne sont pas faits pour aider un jeune groupe à percer…


Eric : C'est ça, et avec aussi un autre risque : ce phénomène de puristes, un peu comme dans le black metal, où certains décident de ce qui est trve et pas trve. Quelque part, on fait quand même du grind « propre », volontairement surproduit, et on s'est encore jamais fait chier dessus pour ça, je suis étonné (rires)

 

Kaan : Dans nos chansons, on essaie toujours d'avoir un petit côté catchy, groovy. Soit avec les arrangements, soit avec certains riffs complètement bêtes, mais sur lesquels tu peux head-banguer facilement et taper du pied. Finalement, c'est plus facile à écouter qu'un groupe de pur Goregrind avec du gros blast-beat en continue. On a un peu de ça bien sûr, mais on rajoute toujours une petite nappe, un beat electro ici ou un violon par là. Il y a toujours quelque chose auquel se raccrocher.

 

Eric : On adore ces albums qui arrachent la tête mais on essaie de mélanger ça avec d’autres choses. Mais c'est vrai que c'est cool, on ne s'est pas encore fait cracher dessus en mode "oh vous êtes des vendus !".

 

 

Du fait que la thématique est irrévérencieuse, un peu vulgaire. Votre single s'appelle #pute. Quand tu veux en faire la promo en ligne, je me dis que ça n’est pas évident…Est-ce que vous avez des soucis par rapport à vos publications sur les réseaux sociaux ?

 

Eric : Bizarrement pas tant que ça ! La seule chose qu'on se soit fait striker, c’était sur Facebook. On avait mis en photo de profil un montage de deux statues grecques, plus ou moins en 69, avec nos têtes collées dessus. C'est resté un moment, puis on se l'est faite striker pour harcèlement… comme si on humiliait quelqu'un ! J'ai fait une réclamation mais ça n’a rien donné, je pense que c’est du strike automatique. En plus, ce n’est même pas une plainte de quelqu'un. Limite je regrette, je me dis que ça serait cool d’avoir des plaintes de vraies personnes... le but, c'est quand même un peu ça, c'est de déranger sans faire de mal.

 

 

Kaan : Après les textes, ils ont beau être hyper crus, ils ne sont pas du tout insultants.

 

Eric : Oui c'est vrai, dans le sens où on ne montre pas du doigt tel ou tel groupe de personnes.

 

Kaan: On est très second degré, on ne va pas parler de viol ou d'enculer des animaux ...

 

Eric: Oh... pourtant les animaux, ça c'est fun, non ? (rires)

 

Kaan: Bah, non ! Faut que le sujet reste fun et toujours consenti.

 

Eric: Ouais, d’ailleurs, Kaan m'a fait écouter un groupe hier qui s'appelle Fluids. C'est du Brutal Death / Grind. Leur spécialité ce sont leurs samples : des sons de mecs qui se font cramer par des cartels mexicains. C'est des samples de vrais gens en train de mourir. Bon, là, c'est un peu chaud. Pour nous, c'est quand même la limite. Dans tous les samples qu'on utilise, même s'il y en a qui semblent limites, ça reste toujours réglo. Notamment le morceau « Cassage de Cul en Do Mineur » où à la fin, il y a une nana en train de pleurer.

 

Kaan: Je me suis posé la question sur celui-là, si c’était pas un peu too-much.

 

Eric: C'est les samples de Philippe Lhermitte là. Comme je disais à Kaan à l'époque, la fille à la fin de la vidéo est contente, elle sourit à la caméra, elle fait un gros bisou. Ce n'est pas une vidéo de viol, ce n’est pas une vidéo non consentie, c'est juste une nana un peu bébête qui veut se faire enculer pour la première fois devant une caméra, et ça ne passe pas trop. Elle pleure un peu à un moment de la vidéo... mais à la fin elle est contente !

 

Kaan: J'aime bien le résumé là (rires)

 

Eric: Voilà, on a quand même des limites. On ne va pas mettre des trucs à la limite de la légalité.

 

Du coup, dernière question : est-ce que « Cassage de Cul en Do Mineur » est en do mineur?


Eric:  Alors je crois qu'en fait c'est du do majeur, mais je ne suis pas très calé en théorie musicale.


 

En tout cas merci et si vous voulez rajouter un petit quelque chose pour conclure.

 

Eric : Un grand merci à toi Boris, et à tous les lecteurs de COREandCO !

 

Kaan: D’habitude je conclus sur le torse de mes partenaires mais là par téléphone ça va être galère… donc… merci !

photo de 8oris
le 08/09/2023

3 COMMENTAIRES

cglaume

cglaume le 08/09/2023 à 11:02:00

Haha, parfait !

C’est le genre d’itw qui est bien sympa à faire :)

8oris

8oris le 08/09/2023 à 11:29:51

J'avoue que ça a été un vrai plaisir, les deux zozos sont prolixes et plus que sympathiques...

TRUIE

TRUIE le 08/09/2023 à 12:55:19

Merci pour ce moment plutôt très chouette et pour l'intérêt porté au projet! On vous embrase là où ça chatouille!

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