Anthrax - State of Euphoria
Chronique CD album (52:52)

- Style
Thrash - Label(s)
Island Records - Sortie
1988 - Lieu d'enregistrement Quadradial Studios
écouter "Finalé"
La couverture critique de la discographie d’Anthrax proposée par CoreAndCo est, à l’heure où je vous parle, relativement "gruyèresque". Ce n’est pas tant que ce webzine prétende à l’exhaustivité, non non, mais certains trous sont quand même plus béants que d’autres. Et s’il est un album de la bande à Scott Ian dont l’absence ici fait tache, c’est bien State of Euphoria.
En même temps, bien que ce 4e album soit certainement dans le Top 5 des sorties du groupe, il est vrai qu'il a un peu des faux airs de vilain petit canard qui peuvent sans doute expliquer cette impasse chroniquatoire au faux air d’acte manqué. Car, pour commencer, vous avez bien maté cette pochette? Elle est ignoble, on est d’accord, sans parler du fait qu’elle évoque plus le bad trip sous LSD que l’état euphorique évoqué par le titre. Quand on voit le chouette dessin réalisé par Mort Drucker (qui bossait dans le célèbre magazine Mad) au dos de l’album, on se demande bien pourquoi ce n’est pas lui qui a fini dans la vitrine en lieu et place de l’attentat visuel qui nous vrille les yeux depuis maintenant 30 ans. Par ailleurs il se trouve que cet album est – avec l’EP Penikufesin – celui qui m'a fait entrer dans l'univers de ces joyeux loustics. Et à une époque où Metallica, Megadeth et Slayer correspondaient à ma vision du Thrash, je dois avouer avoir eu BEAUCOUP de mal avec le chant de Joey Belladonna – et, par rebond, avec le groupe lui-même. Pendant longtemps, ce grand gugusse de J.B. a été pour moi l’élément qui expliquait pourquoi Anthrax était le « petit » du Big 4. Et à la question « Comment tuer dans l’œuf la toute-puissance d’une section rythmique Thrash? », le lycéen que j’étais alors répondait du tac au tac « Ecoute donc le refrain de « Misery Loves Company » », ou plus simplement encore « Out Of Sight, Out Of Mind ». Blame it on Joey!
En plus, dites-moi, ce ne fait pas très sérieux tout ça: comment peut-on se prétendre un grand groupe tout en faisant d’une reprise d’« Antisocial » l’un des principaux tubes de son album? Et puis le jeune lapin pas encore nawakophile d’alors ne comprenait pas l’intérêt d’une bouffonnerie instrumentale comme « 13 ». Tout ça sentait la galette emballée vite-fait-moyennement-bien-fait, par-dessus la jambe, sans le sérieux qui sied à la conception de ce type d’ouvrage. D’ailleurs Scott et Charlie reconnaissent eux-mêmes qu’ils ont été pressés par leur entourage de sortir l’album suffisamment vite pour être prêts pour la tournée Monsters of Rock en septembre 1988, alors que pour bien faire ils auraient encore eu besoin de quelques poignées de semaines supplémentaires pour fignoler la chose…
Sauf que malgré la pertinence de certaines de ces remarques, plusieurs écoutes de l’album révèlent vite que la quasi-totalité de ces 10 morceaux sont en fait incroyablement solides, et mélangent l’esprit fun & combatif du Crossover Thrash à la profondeur et la puissance du Thrash conventionnel (i.e. portant une veste à patches plutôt que la chemise à fleurs de Carlos). « Be All, End All » est la parfaite illustration de cette fructueuse rencontre de 2 mondes, son sombre violoncelle et les détours lancinants de son démarrage ne contredisant en rien les joyeuses thrasheries qui suivent, notamment autour du refrain. Même combat pour « Make Me Laugh », qui commence par une attente louvoyante, avant de lancer le turbo-rouleau-compresseur d’un Thrash jubilatoire pour skateurs / yamakasis goguenards et bronzés. « Now It’s Dark » reste également dans cette même logique en apportant l’épaisseur d’ambiances pesantes à un titre sinon excellemment jumpy qui mettra d’accord la ST familly au grand complet (… par ailleurs quelqu’un pourrait-il me dire enfin ce que raconte cette voix sépulcrale en début de titre? Parce que perso j’entends « Bonjour les gars! » depuis 30 ans!). Et l’envie de faire péter la planche à roulettes ne faiblit pas sur les énergiques « Schism » et « Misery Loves Company ». Dernière tuerie et véritable festival du riff qui bute, « Finalé » offre[/irait] 5 minutes 48 d’orgasme ininterrompu [s’il n’y avait pas le chant de Joe].
Alors State of Euphoria n’est pas non plus l’électrochoc Among The Living, et il s’avère perfectible sur quelques points. Mais il incarne l’apogée du Fun’n’Mosh Thrash metal décomplexé, et rien que pour ça, pour cette rupture avec les tristes conventions d’un Metal « extrême » forcément sérieux, il mérite tout notre respect. D’autant qu’au-delà de ce symbole, il contient une quantité impressionnante de titres et de riffs mortels. Du coup, si vous aussi ça vous gratouille / chatouille de réparer une impasse peu justifiée, sachez qu’une version deluxe digipack double-CD vient de sortir, avec en prime l’EP Penikufesin et plein d’archives – dont une interview datant de 1988, des versions instrumentales débordant de batterie, et des séances de répète lors desquelles le groupe en était encore à poser les bases de ces morceaux devenus pour beaucoup des classiques.
La chronique, version courte: 4e album plus fun et moins in-your-face que le grand frère Among The Living, State of Euphoria reste néanmoins l’un des albums d’Anthrax à posséder absolument si l’on veut avoir dans sa discothèque la plupart des tubes du « benjamin de la bande des 4 du Thrash ».
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