Arka'n - Zã Keli

Chronique CD album (45:44)

chronique Arka'n - Zã Keli

Quand on aime le Metal métissé et qu'on a entre autre grandi au son de Touré Kunda, Mory Kanté, Youssou N'Dour et du « Zulu Rock » de Johnny Clegg & Savuka, il est frustrant de constater que les grosses guitares ont réussi à s'acoquiner avec à peu près toutes les musiques du monde… A l’exception des musiques d’Afrique noire, pourtant extrêmement rythmiques – et donc a priori susceptibles de se prêter à l’exercice. Il y a bien eu des tentatives à la marge, comme le Danhomè de Djabah ou le single Madagasikara : A Penumbra Story de Simon Devaux… Mais rien de vraiment consistant, ni de 100% satisfaisant.

 

Pourtant le documentaire Death Metal Angola semblait l’indiquer: même s’il n'y bénéficie d’aucune exposition médiatique (… un peu comme en France finalement!), le Metal existe également en Afrique, et pas seulement au sein des pays du Maghreb. Il y avait donc un espoir qu’un jour arrive jusqu’à nous la fusion tant attendue (par ma pomme) de la grosse disto’ et des musiques subsahariennes. … Et cet espoir de devenir enfin réalité avec l'arrivée de Zã Keli, le très bon premier album des Togolais d'Arka’n (qu’il ne faut pas confondre avec les franco-algéro-marocains d’Arkan).

 

La formation de Lomé se définit comme un groupe d’Afro-tribal Metal, description qui fait naître des sons et des images relativement fidèles à ce qu’est réellement la musique du groupe: la rencontre d’un Metal brassant assez large – du gros Rock énervé au Néo en passant par les mosheries –core et le Groove Metal Pantero-Sepulturien (cf. Roots) – avec des percussions bondissantes et des chants qui évoquent – dans la tête du petit mangeur de camembert qui n’a que peu exploré l’autre côté de la Méditerranée – de belles images d’Épinal pleines de savane, de boubous colorés, de chair ébène musculeuse et de mordants rayons de soleil. Et comme Arka’n n’a manifestement pas envie de se restreindre à un style trop étroitement borné, il ajoute à sa mixture du chant Hip-Hop, de la disto funky (« Got to Break It »), un peu de clavier (mais point trop), voire des pointes de guitare andalouse (« Viviti »).

 

Mais j’entends déjà les objections des persifleurs attardés dont le bagage culturel se borne à Tintin au Congo et Daktari: « Ça doit sonner un peu amateur tout ça, mmmh? ».

 

Eh bien pas vraiment non, et en tous cas largement moins que Bryan et Stéphane dans leur petit home studio de Melun. Car côté son, Zã Keli s’en tire extrêmement bien, avec une grosse prod’ organique et chaude au sein de laquelle les nombreuses différentes pistes réussissent à trouver naturellement la place qui leur revient. Rien à envier à tous ces premiers albums au sein desquels ne figurent ni David Vincent, ni Joe Duplantier. Côté composition, Rock Ahavi – qui tient la barre de la barque' an (!) – réussit à doser avec beaucoup d’intelligence les transitions et les entremêlements de toutes ces composantes aussi diverses que complémentaires. Alors bien sûr, l'album trébuche parfois sur quelques petites maladresses, comme la pause un peu longue après la barre des 2 minutes sur « Tears of the Dead », et sa suite un peu rugueusement moshy. Ou comme le break « murmures et filaments de gratte », vers 2:40, sur « Prince of Fire ». Mais rien qui ne relève pas du détail ponctuel, et surtout rien que n’importe quel autre groupe n’aurait pu commettre sur son premier album.

 

Les méfiants seront au contraire étonnés devant nombre de bons petits solos franchement sympas (sur « Awala » ou « Got To Break It » par exemple), mais surtout par la maturité et l’accroche de beaucoup de ces 12 titres. Car crénom, il est rare qu’un premier album contienne autant de tubes: « Awala » et son mariage parfait de Machine Head et de Johnny Clegg. « Les Peuples de l’Ombre », seul titre en français, plus typé Néo, dont le refrain un peu trop mélodique et poppy pour certains s’avère entêtant sur la longue. « Viviti » est son refrain profondément touchant. La généreuse invitation « Prince of Fire » et cet irrésistible flow Hip-Hop porté par une guitare-trampoline excellemment tendue. Par ailleurs les au revoir sont eux aussi irréprochables, le plus doux « Welcome » proposant lui aussi un refrain parfait, en même temps que le cadre idéal pour un générique de fin réussi. Et en s’arrêtant là on omettrait encore de mentionner la superbe montée initiale vers le refrain de « As I Can Breathe », ainsi que l’appel aux armes et le gros riff de « Tears of The Dead »…

 

Tout ça nous fait un tel effet que finalement on en arrive à se dire que, dans 2 styles pourtant différents, Zã Keli nous laisse une impression pas si éloignée que ça de celle provoquée par le Sahara d’Orphaned Land – album qui, à son époque, levait le voile sur une scène « Metal oriental » alors absente des écrans radars occidentaux. Dit autrement cette galette est un véritable coup de cœur, et un espoir réel que l'on assiste enfin à l'émergence d'une nouvelle scène qui permettra de remettre l’Afrique à sa place sur la mappemonde du Metal.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Zã Keli propose un mélange aussi inédit qu'excellent de Musiques d'Afrique noire et de Metal. La réussite de l'entreprise est telle qu'on ne peut s'empêcher d'espérer qu'Arka'n sera pour l'« Afro-tribal Metal » ce qu'Orphaned Land a été pour le « Metal oriental »: un pionnier à l'origine d'une nouvelle génération de frissons métalliques.

photo de Cglaume
le 11/07/2019

3 COMMENTAIRES

Seisachtheion

Seisachtheion le 11/07/2019 à 07:15:38

Merci pour cette découverte !!!

cglaume

cglaume le 11/07/2019 à 11:33:51

Je remercie tout autant Laurent, le pote qui m'a permis de les découvrir !

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 11/07/2019 à 13:19:07

"Ah ah c'est vraiment des gauchisses sur CoreAndRot".

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