Augury - Illusive Golden Age
Chronique CD album (44:20)

- Style
Techno-Death - Label(s)
The Artisan Era - Sortie
2018 - Lieu d'enregistrement The Grid Studios
- écouter via bandcamp
« ... Mais arrête donc de nous bourrer le mou! On sait très bien ce que ça veut dire « Techno-Death »: des petits prodiges autistes qui tricotent des guirlandes de notes de 6-7 minutes et qui attribuent un titre au résultat parce qu’ils sont bien obligés. Des solos qui tombent comme un haut-parleur enfiévré dans une manif de sourds-muets (… ou un cheveu dans la soupe, oui, si tu préfères). Des passages où 20 pistes instrumentales s’enchevêtrent sur fond de blast beats changeants. Des débuts de morceaux en fade in et des fins en fade out, qu’on croirait qu’ils ont pris une compo de 40 minutes et qu’ils l’ont tronçonnée par ce biais, au petit bonheur, parce que 8 morceaux c’est quand même plus digeste, et que Crimson ça a déjà été fait. La sensation de se prendre un nuage de sauterelles dans la tronche au milieu de l’atelier d’un horloger. Le sentiment de passer ses nuits dans un labyrinthe baroque sans issue… Alors que ce soit clair: Non-mer-ci! »
C’est un peu caricatural, certes. Mais on peut parier que c’est à nouveau ce que ressentiront les fans d’Airbourne et autres Epica-addicts à l’écoute d’Illusive Golden Age, le 3e album d’Augury. C’est que 9 ans après, les Québécois n’ont pas bougé d’un iota: gros bras velus du Death brutal et véhémence du Black blasté, circonvolutions du Prog-Jazz-Cynic Metal, leads qui volettent comme des papillons au printemps, compos touffues comme une jungle portugaises (?), basse omni-ronflante de Dominique Lapointe, batterie qui éclabousse avec la virulence d’une cascade après 50 mètres de chute libre… Bref un metal hyperdense, complexe, foisonnant… Et difficile à digérer en quelques écoutes par le commun des mortels.
Mêmes reproches que ceux adressés à l’époque de Fragmentary Evidence, donc: le groupe est trop souvent dans le « too much », sans réel fil conducteur (… évident…) pour conduire ses morceaux. Ça manque de plaisir direct et pérenne – les fulgurances génialissimes n’étant que des phares épars dans la tourmente. C’est un peu étouffe-chrétien, jusqu’aux pauses « aérées » et / ou « atmosphériques » qui restent trop bavardes (cf. « The Living Vault » à 4:48, « Carrion Tide » à 4:01, « Mater Dolorosa » à 1:54…). Et forcément, quand on déverse autant de notes dans le lavabo auriculaire de l'auditeur – dont la bonde cérébrale n’a qu'un débit médiocrement humain – à force ça finit par déborder.
Mais comme à chaque fois, bien que certains des reproches énoncés par les metalleux les moins persévérants soient fondés (sérieux, la fin de « Mater Dolorosa »!! C’est quoi ce solo décalé et inutile qui finit le morceau sur un fade out peu inspiré? Autant arrêter le morceau une minute plus tôt!), le groupe nous réserve plein de moments délicieux. Parmi les plus évidents figurent les belles arabesques guitaristiques (… Gorodiennes…) à 2:23 sur le morceau-titre, les foudroyantes attaques mélodiques ascendantes qui rejaillissent par 3 fois sur « Mater Dolorosa » (première occurrence à 0:29), la fin sublime de « Maritime » (dès 3:48… C’est l’orgie!), les broderies du début de « Message Sonore », ou encore les multiples trouvailles parsemées au sein de « Anchorite ». Par ailleurs « Carrion Tide » est l’exception qui confirme la règle: un morceau focalisé, épique, doué d’une vraie logique narrativo-mélodique de bout en bout... Môman c’est bôôô!!!
Du coup c’est un peu frustrant d’attribuer une note aussi mitigée à un tel rassemblement de talents. Peut-être sont-ils en avance sur notre développement auriculo-synaptique? Peut-être ne suis-je qu’un lapin crétin…? Mais il y a tellement matière à plaisir ici, tellement de création débridée, tellement de moments irréellement somptueux qu’on ne peut que pester que la chose ne soit pas suffisamment mise en valeur via des morceaux aux structures plus abordables. C’est qu’on n’est pas tous diplômés de la Berklee College of Music nous autres, et on voudrait qu’Augury parle autant à nos tripes qu’à notre cerveau! Quoiqu’il en soit, même en trouvant le diamant trop brut, pas suffisamment ciselé, on ne peut que recommander Illusive Golden Age aux amateurs d’architectures grandioses et de systèmes hautement complexes: dans le domaine, c’est imposant!
La chronique, version courte: 9 ans après Fragmentary Evidence, Illusive Golden Age reprend les choses là où Augury les avait laissées: en plein milieu d’une tourmente Techno-Death magistrale, pleine de blasts fastueux, d’une basse généreuse et de guitares prolixes comme rarement. L’aspirine est par contre toujours hautement recommandée pour pouvoir profiter sainement des merveilles dispersées dans ce flux denses de décibels élitistes et véhéments.
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