Death - Leprosy

Chronique CD album (38:51)

chronique Death - Leprosy

Quand il est fait référence à la discographie de Death, on distingue généralement le couple infernal « Scream Bloody Gore » / « Leprosy », censé être la production brute de fonderie d'une jeunesse aussi insouciante que turbulente, du travail d’horlogerie fine dont « Human » constituerait la première manifestation sérieuse – « Spiritual Healing » étant plus ou moins considéré comme le pivot logique reliant ces deux époques. Mais dans les faits, cette dichotomie est bien moins tranchée, la qualité de l’écriture de Chuck Schuldiner, tête pensante du groupe, ayant suivi une progression linéaire à forte pente ascendante dès l’ère post-« Scream Bloody Gore », comme en atteste la grosse demi-heure de ce superbe 2nd opus. En effet on constate déjà un monde entre « Leprosy » et son prédécesseur, le travail de composition ayant fortement gagné en complexité, les soli disposant d’un espace d’expression considérablement accru, et les morceaux étant tout simplement plus riches en rebondissements, plus groovy, voire plus épiques.

 

Mais revenons-en aux pages people pour un point rapide sur les péripéties de Chuck au pays des musiciens qui valsent. Car en effet, Chris Reifert préférant manifestement le surf et le bleu des côtes californiennes aux maisons de retraite et aux eaux turquoises de Floride, Chuck se retrouva une fois de plus à la tête d’un simple one man band, situation qui le poussa à se rabibocher avec ses anciens potos. C’est ainsi que les trois quarts du line-up de Massacre – sans son chanteur Kam Lee, privé de dessert – rempila au sein de la faucheuse chantante. Ragaillardie par l’arrivée de ces renforts, la formation fraîchement reconstituée put enfin prendre la route, puis finalement retrouver le chemin des studios, cette fois en compagnie de Scott Burns, au sein des légendaires Morrisound Studios (à noter que c'est ce qui propulsa le producteur comme les dits studios au 1er plan de la scène de l’époque). Puis, afin de ne pas changer les bonnes vieilles habitudes, Chuck se sépara à nouveau de Rick Rozz, celui-ci ne faisant rien qu’à cracher dans son Yop …

 

Cette page d’histoire refermée, on ne pourra que confirmer ce qui se dit dans les milieux autorisés: oui, « Leprosy » peut bien être considéré comme le premier chef d’œuvre d'une scène death metal alors balbutiante. Chuck Schuldiner y emploie tout son – encore – jeune talent à faire habilement monter la pression, à jouer du chaud et du froid tout en restant constamment sur la brèche, et à multiplier les breaks. Si les deux premières caractéristiques contribuent à balader l’auditeur à travers des paysages colorés et tourmentés – ce qui le tient en haleine et désactive sa perception du temps qui passe –, c’est surtout la profusion des cassures, changements de rythmes et habiles croche-pieds qui sans cesse prend celui-ci par surprise, lui fauche les pattes, lui colle uppercuts et directs au menton jusqu’à ce qu’il abdique et accepte de se prendre la sauce de plein fouet, les yeux écarquillés et le souffle court, dans un état d’hébètement que seul égale le contentement. C’est qu’il faudrait en avoir dans le short pour ne pas succomber dès l’ouverture de l’album, sur le formidable et sentencieux début de « Leprosy », lourd mid-tempo appuyé par une batterie au finish crépitant. Surtout que la deuxième vague débarque sans laisser le temps de reprendre son souffle, l’accroche démentielle du riff fleurissant dès 0:25 sur « Born Dead » abolissant toute volonté critique, le summum étant atteint à la marque des 2:21, quand Chuck nous extirpe des flots bouillonnants pour nous expédier directement en haut de la crête de ce formidable tsunami, à un battement de cœur des moelleux sofas de l’Olympe métallique… Et le festival continue de battre son plein sur un « Forgotten Past » aux rythmes et mélodies revigorantes, puis sur « Left to Die » dont le pré-chorus et le refrain sont d’inévitables générateurs de chair de poule. Croyez-vous que la pression va redescendre sur « Pull the Plug »? Et puis quoi encore! Si le démarrage semble promettre un morceau plus rugueux, il ne fait qu’implémenter la technique Schuldinerienne du crescendo vicieux… Quoi, le refrain vous semble un peu basique? C’est que Chuck nous réserve encore un coup de théâtre: et en effet à 1:40 – bam! – la pochette surprise nous explose violemment à la gueule, libérant soudainement une véritable division blindée destinée à annihiler impitoyablement toute éventuelle trace de résistance.

 

Maintenant si « Leprosy » ne devait avoir qu’un défaut, ce serait d’avoir placé ses 5 titres les plus flamboyants en tête de peloton. Car en effet, bien qu’également excellentes, les 3 dernières compos sont une nanoparticule en dessous de leurs aînées. De plus « Open Casket » – bien que contenant en sa seconde moitié (à partir de 2:44) un passage plus progressif et une batterie soudainement plus subtile qui évoquent la future orientation stylistique du groupe –, présente quelques similitudes avec « Choke On It », un peu comme cela était le cas avec le couple « Baptized in Blood » / « Torn To Pieces » sur l’opus précédent. En quoi cela est-il dommage? Eh bien cela participe à une légère uniformisation de la seconde moitié de l’album. Qui plus est les deux derniers morceaux – qui je le rappelle sont vraiment très bons: on est ici en train de pinailler comme on se plaindrait que tel Pommard ait un poil moins de cuisse que tel Château Margaux – les deux derniers morceaux donc, ont une approche un peu plus chaotique, moins fluide, moins directement évidente, ceci se ressentant entre autre dans la tonalité des soli qui évoquent parfois la patte d’un Trey Azagthoth (oui, c’est ça: from Morbid Angel).

 

Je ne le répéterai jamais assez: « Leprosy » est un album d’excellence, un jalon incontournable dans l’histoire du death metal, et les quelques reproches formulés dans le chapitre précédent sont à replacer dans le contexte de la description d’une œuvre quasiment parfaite, comme des broutilles permettant à cette chronique de ne pas être qu’un long panégyrique enflammé. Il n’y a d’ailleurs absolument aucune bonne raison de ne pas posséder cet album exceptionnel (et là je ne parle pas de téléchargement ou de copie d’album sur CDRom) pour lequel – j’en suis sûr – l’expression « Buy or Die » a été taillée sur mesure. Avec « Leprosy », on ne parle même plus d’Histoire, mais de Légende (Tu les sens les trémolos, dis?).

 

PS: en 2008, Century Media a sorti une version digipack de l’album, avec en bonus 5 des titres (« Open Casket », « Choke On It », « Left To Die », « Pull the Plug » et « Forgotten Past ») en version live.

photo de Cglaume
le 17/10/2010

4 COMMENTAIRES

biblu

biblu le 17/10/2010 à 11:48:05

"permettant à cette chronique de ne pas être qu’un long panégyrique enflammé"... raté mec, c'est interminable, et suce moi le nœud de bout en bout ;)

cglaume

cglaume le 17/10/2010 à 11:54:28

Bah oui mais c'est mérité alors bon ...

Jull

Jull le 17/10/2010 à 15:07:15

et c'est la qu'on se dit que la musique de maintenant est quand meme un cran en dessous, enfin surtout en terme de Death...

frolll

frolll le 20/02/2011 à 10:14:27

Album absolument intemporel, les guitares sont toutes belles, la batterie est dantesquement bonne et surmixée - ça donne un certain charme - les soli regorgent d'une belle intensité - j'allais dire le meilleur de Death, mais quasi tous les albums sont cultissimes au possible
un 10/10 évident, imho

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