Kadinja - Super 90'

Chronique CD album (52:02)

chronique Kadinja - Super 90'

Le premier album des Parisiens de Kadinja, Ascendency, a été plutôt bien perçu il y a deux ans. Y compris par notre Tookie dans ces colonnes. Comme piqûre de rappel, rien ne vaut la citation : « djent moderne », « une musique simplement complexe, convenue et surprenante ». Autrement dit, un joli cours de figures de style, niveau avancé. Nul doute qu'il ne s'agit là que d'une coïncidence mais on pourrait presque croire que le groupe le lui rende bien avec leur deuxième album. Parce qu'un groupe qui officie dans un style résolument moderne qui nomme une de ses offrandes Super 90', il n'y a pas à dire, ça sent comme un parfum de paradoxe dans l'air. Et à plutôt s'attaquer au niveau débutant du cours des figures de style. Parce que bon, les oxymores et les pléonasmes, c'est quand même vachement pointu, tout le monde ne passe pas ses journées à glander dans une bibliothèque pour affiner son beau sens des lettres. Surtout pas un groupe de djent qui préfère amplement se réfugier dans les chiffres et les mathématiques.

 

Bien qu'il faut admettre qu'on ne retrouve pas en Kadinja ce jeune premier élitiste et arrogant des filières scientifiques. C'était le cas pour le premier opus, cela va de même pour son successeur qui ne rentre jamais dans la surenchère de polyrythmie que seuls les ingénieurs en aérospatial pourraient comprendre. Non, ici, on préfère l'accessibilité et l'efficacité. Et en soi, avec Super 90', la direction musicale ne change pas spécialement par rapport à celle que l'on pouvait sur Ascendancy : du progo-djent dans la lignée de ce que peuvent proposer des Periphery, Textures ou encore Devin Townsend (simplifié), mâtiné d'éléments plus acidulés et formatés issus du metalcore (d'école plutôt européenne hormis peut-être pour « House Of Cards ») et du prog alternatif à la Riverside. Ce qui ne veut pas forcément dire que ce second opus n'est que du vulgaire recyclage de son prédécesseur. Au contraire, on sent que le combo – qui a par ailleurs connu un peu de remaniement de personnel entre temps – ne s'est pas accordé deux années sabbatiques au soleil et a préféré roder sa recette. Et cela se ressent tant la mixture se veut plus consistante aujourd'hui.

 

Super 90' se démarque également et surtout d'Ascendancy pour son ton global. N'allez pas prendre l'intitulé de manière stricte car on ne retrouvera pas spécialement un délire régressif d'ordre musical dans les années 90's. Tout du moins, pas de manière franche car on peut quand même y entendre çà et là comme quelques relents subtils inspirés de cette décennie. Les lignes vocales des couplets de « Strive » et « Muted Rain » s'apparentent presque à du hip-hop, comme pour nous rappeler que le rap metal était très en vogue à l'époque. Ou encore ces chants gospel sur « Avec Tout Mon Amour » faisant à la fois écho à certains travaux de Devin Towsend et au r'n'b typé R.Kelly. Il laisse également planer de très lointains relents de neo metal dans certains délires groovy que l'on voit apparaître ponctuellement (« Muted Rain » pousse même le bouchon plus loin avec un riff rappelant furieusement les sonorités qu'on pouvait entendre dans le The Path Of Totality de Korn). Le tout en n'oubliant pas sa base identitaire de laisser parler quelques éléments rock, tout particulièrement dans les refrains, histoire qu'on gobe la pilule de manière immédiate sans jamais ressentir le moindre début de migraine (« The Modern Rage », « From The Inside »). Parce que les années 90, c'est aussi le grunge qui tient quand même beaucoup plus du rock que du metal, ne l'oublions pas. Et surtout, une production très organique, à mille lieux du monolithisme aussi homogène que trafiqué des productions modernes que l'on retrouve chez beaucoup de groupes du style. Point de triggers, ni de surenchère d'effets, ou de surcompression, la mise en son se rapproche ici très certainement de celle que l'on peut retrouver en concert. Ce qui rend fort bien sur disque.

 

Non, outre ces exemples qui tiennent pour la plupart de l'ordre du détail, l'intitulé fait plutôt référence à la nostalgie en terme de sentiment (parce que les membres du groupe font partie de la génération qui ont connu l'enfance/adolescence dans les années 90). Car voilà l'ambiance qui ressort de cet album, sous différentes formes, amenant énormément de variété à l'opus. Dans les choeurs qui posent et donnent comme cette envie de s'asseoir dans un coin pour repenser au passé (les refrains d'« Empire » qui calment bien entre deux effluves de technicité survitaminées, les refrains de « From The Inside », les pre-chorus de « The Right Escape »). Ou encore dans l'exercice acoustique avec « Episteme », rescapé revisité du premier opus, qui ne se montre pas forcément surprenant dans l'exercice mais brille dans la sensibilité, comme pour nous inviter à nous remémorer de nos rêves d'enfants plus ou moins surréalistes. Et bien entendu, les moments plus aériens où les saccades rythmiques laissent une place aux atmosphères aériennes et planantes (le pont de « Véronique », le synthé en toile de fond de « The Modern Rage » et de « The Right Escape » ou encore l'avant-final de « Muted Rain » que Steven Wilson ne renierait pas forcément).

 

Au final, Kadinja revient et ne fait que confirmer qu'il a tout plein de choses intéressantes à dire. En conservant cette même recette présentée de manière plus maîtrisée et aguerrie, qui sait à la fois se montrer facile et technique, histoire qu'on laisse la boîte de Doliprane au placard. Mais, surtout, qui parvient à transmettre du feeling. Qui fait que, sans vraiment s'en rendre compte, on y reviendra. Tant pour les émotions que pour tenter de capter cette petite sous-couche subtile que l'on n'aurait pas encore entendu. Parce que « musique simplement complexe, convenue et surprenante » il disait après tout le Tookie.

photo de Margoth
le 10/04/2019

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