Massive Scar Era - Color Blind
Chronique Maxi-cd / EP (15:57)

- Style
Oestrogenic Oriental Metal - Label(s)
Autoproduction - Sortie
2018 - Lieu d'enregistrement Rain City Recorders
- écouter via bandcamp
« Oestrogenic Oriental Metal? Gné? Ça sent le mec qui n’assume pas le préfixe Female Fronted ça… »
Pas faux. Bah ouais, mais en même temps je suis le premier à râler quand la musique n’est non pas décrite par rapport à ses réelles caractéristiques stylistiques, mais par rapport à des aspects superficiels comme la tenue du bassiste, la collection de timbres du batteur ou la nature de l’entre-jambe qui s’agite derrière le micro. Et autant « Oriental Metal » ne me gêne nullement étant donné qu’il ne s’agit pas de faire ici référence à l’origine du groupe – l’Egypte – mais bien à des influences musicales clairement revendiquées (le groupe met un point d’honneur à préciser que les violons qui couinent au sein des 5 présentes compos reflètent l’identité de leur culture musicale nationale dans sa période précoloniale – des standards ayant apparemment été décrétés lors d’une conférence au Caire, à l’époque de l’occupation britannique, en 1932 pour être exact), autant « Female Fronted » je trouve ça un peu nul comme pseudo-catégorie métallique. C’est reléguer l’information au même niveau que le « Pitbull Fronted Deathgrind » utilisé pour décrire Caninus, ou le « Parrot Fronted Death Metal » dont se trouve affublé Hatebeak. Pour autant, avec Bruce Dickinson au chant, le Metal mélo-exotico-mélancolique gentiment extrême de Massive Scar Era aurait eu une couleur et un impact très différents. D’où ce préfixe piteux, mais pas déconnant. M’enfin bon, bien que le groupe fasse lui aussi de la lutte contre les inégalités sexuelles l’un de ses chevaux (de ses juments?) de bataille, je propose que l’on close ici cette discussion pour revenir à de plus musicales considérations.
Massive Scar Era, donc, c’est Cherine au chant et à la guitare, Nancy au violon, et pour compléter ce line-up à la Abba, Dylan à la basse et Danny à la batterie. Les années balbutiements de la formation sont déjà loin derrière elle, le premier EP datant de 2006. Et si l’on râle parfois que des groupes encore un peu trop acnéiques se précipitent trop vite à sortir leur premier album, on aura du mal à formuler les mêmes reproches à l’encontre des Egyptiens étant donné que Color Blind est leur 6e EP d'affilée sans qu’aucune sortie longue durée n’ait encore été envisagée. Pour autant l’expérience et les moyens sont évidents, le groupe s'étant confectionné un son super pro via un enregistrement à Vancouver et un mastering confié au légendairissime Dan Swanö. Et côté scène nos amis ne sont pas moins expérimentés, ceux-ci affichant à leur palmarès des participations à des festivals tout autour de la planète dont le Sweden Rock Festival, l’Inferno, ainsi qu’un passage au célèbre Whiskey A Go Go de Los Angeles, toutes ces dates leur ayant permis de côtoyer – je vous fais une sélection – Kreator, Dimmu Borgir, The Algorithm et les incontournables – on cause Oriental Metal ici! – Orphaned Land.
Comme c'est souvent la cas, la feuille promo fournie avec l'EP tente d'allécher le chaland en brassant large et évoquant Kittie, Arch Enemy, Nightwish, Epica… Je vous passe les autres noms, tout le bestiaire habituel étant convoqué pour l'occasion. Mes oreilles peu averties en la matière auront surtout capté des similitudes avec The Gathering période Mandylion, ainsi que – de temps à autre – avec Evanescence, mais au sein duquel Amy Lee se laisserait parfois aller à un mix growl’n’shriek venimeux. Tour à tour sable rugueux et miel onctueux, Massive Scar Era ne déchaîne jamais tout à fait la tempête du désert à laquelle il préfère les escapades mélancoliques dans les dunes sous de grandioses cieux crépusculaires. Le morceau-titre amène doucement le sujet, l’attaque pizzicato de cordes sèches et les douces paroles de Cherine permettant un réveil confortable sous la tente. Puis l’on sort enfin respirer l’air extérieur sur « Unfollow » qui offre un formidable premier bain de soleil sur son magnifique refrain mariant idéalement douceur, violon, force et shriek acide. Les passes d’armes "Guitares Vs Violons" y sont tout particulièrement efficaces, et les abords du Nil rendus encore plus palpables grâce à l'intervention d'une flûte égyptienne. Si le moelleux d’« Interlude » confine à l’anesthésiant – on n’est pas loin du Casualties of Cool du père Devin – le retour d’un soleil vigoureusement matinal nous permet de redécoller vaillamment sur « Oblivious ». Mais la pénombre et un léger voile de tristesse ne quittent jamais tout à fait l’univers du groupe, comme vient nous le rappeler le conclusif et classieux « Rogue ».
Le serviteur de Seth qui préfère les blasts Nilesques aux loukoums Arkanien boudera peut-être ce Color Blind tout en délicates nuances qui use constamment de la soie et du lait de jasmin pour calmer les brûlures du soleil. Mais ceux qui apprécient BaK, Arkan, Orphaned Land ainsi que les habiles cocktails de force et de douceur servis à la coupe dans les ombrages amicaux de la palmeraie ne pourront que céder au charme de ce daltonisme séduisant.
La chronique, version courte: il fait chaud dans l’oasis... Et lourd crénom! On apprécie d’autant plus que Color Blind sache aussi intelligemment agencer coussins moelleux et sable brûlant pour distiller un Metal parfois mélancolique, parfois virulent (ça shrieke aux abords des pyramides), mais baignant toujours dans d’évocatrices atmosphères de bord d’oued.
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