Devin Townsend - Casualties of Cool

Chronique CD album (2:18:40)

chronique Devin Townsend - Casualties of Cool

Il y a de ces soirs où vous êtes tellement cramés que, malgré la coulée de Ratatam-Meuuh que Cannibal Corpse vous déverse dans les feuilles, c'est plus fort que vous, vous sombrez inexorablement dans un sommeil profond. Il faut se rendre à l'évidence: l’agression sonore n’est pas l’arme ultime pour mettre Morphée KO quand ce dernier tient la forme.

Par contre quand il s’agit de convoquer fissa un marchand de sable qui se fait attendre – la faute au cocktail Nespresso/Monster que vous vous êtes injecté sous les paupières –, il y a des albums redoutables qui transformeraient la moelle épinière du plus coriace des barbouzes en Vache Qui Rit fondue.

 

Casualties of Cool est de ceux-là.

 

En même temps comment lutter durant 2h et quart de chloroforme musical, de country brumeuse, de blues minimaliste et de berceuses ambiantes? Je mets au défi quiconque de s’envoyer d’un trait ces 2 CDs (Comment? Vous vous contentez de la version mono-CD?) confortablement installé sur des coussins sans avoir la pupille qui parte se planquer sous sa copine la paupière supérieure…

Quel salopiaud quand-même ce Devin: il le sait bien qu’on le suivrait partout, et il en profite le bougre! Et comme il nous gardait un chien de sa chienne de l’avoir obligé à sortir un Epicloud aussi monumentalement over-the-top (bah oui: c’est comme ça qu’on l'aime nous-autres!), il profite de nous avoir au creux de sa pogne pour nous balancer ce projet qu’il mitonnait depuis maintenant 3 ans dans sa marmite à potion anesthésiante. Non parce que vous croyiez peut-être avoir atteint des sommets en matière de cautérisation du système nerveux avec la brise légère Ki et le flutiau des plaines Ghost… Mais avec Casualties of Cool, vous allez vraiment savoir ce que ça fait de contempler une plume tomber mollement dans une pièce obscure alors que les somnifères commencent à faire leur petit effet. Vous allez connaitre l’ivresse de la chenille autiste larvée dans son cocon. Vous allez ressentir l’engourdissement paresseux de la sieste post-barbecue colorée aux excès de rosé d'Anjou.

 

D’autant que pour ajouter de la mousse sur le velours enrobant cette gelée musicale, Devin a demandé à Ché Aimee Dorval – diva blues-rock aussi extravertie qu’une Sade en plein choc post-traumatique, que vous aviez déjà entendu sur Ki – de l’aider à créer la brume vocale onirique dans laquelle baignent la plupart de ces 28 titres. Sans doute parce qu’avec Anneke, le rendu aurait été encore trop "street punk". Il a également rappelé Kat Epple, qui taquinait le fifrelin sur Ghost. Et puis pour le fun, il a demandé à Jørgen Munkeby, leader de Shining, de venir ajouter un nuage de saxo dans cette douce camomille discographique.

Armé de cette bande d’experts en narcolepsie, Devin plombe le 1er CD avec une séance de plongée en apnée horlogeo-végétative intitulée « Pier », avec la transe tribale paralysante « Hejda », ainsi qu'avec le paroxysme du dénuement « Pure ». Mais le 2e CD (intitulé Ghost 2, des fois qu'on aurait des doutes...) nous propose un accompagnement en fin de vie encore plus poussé avec un « Ghost Wives » complètement léthargique, un « Mend » tricotant sans fin autour d’une basse amorphe, un « Where You’ve Been » à encéphalogramme désespérément plat, le paroxysme de l’insensibilisation nerveuse étant atteint sur la longue torpeur « Mend ».

 

Le cercueil est prêt, allongez-vous, ça va bien se passer…

 

Comment ça "Si tu n’aimes pas, t’as qu’à écouter autre chose"? Moi je vous dis que Mr Townsend met une malice sadique à faire semblant de nous bercer avec bienveillance pour mieux nous escagasser. Sinon il n’aurait pas sciemment sabordé des morceaux à la base pas trop mal en les suffixant par de longues plages ambiantes invertébrées, forfait qu’il a perpétré à la fin du pourtant enjoué « Mountaintop », du bluesy « Forgive Me », du lumineusement mélancolique « Bones » ou de l’espiègle « Deatscope ». Et je vous passe la description du carnage sur le 2nd CD.

 

Bon, maintenant que j’ai bien laissé la bile remonter – c’est que ça use les nerfs d’écouter encore et encore ce flot anesthésiant où se noient dans la masse de pourtant bien belles choses –, je vais pouvoir vous dire pourquoi Casualties of Cool vaut quand même le coup d’être écouté...

 

...Eh bien c’est tout simplement que c’est l’œuvre de Monsieur Devin Townsend, bougre de malapris. Une œuvre longuement mûrie, qui porte profondément en elle la "Golden Touch" de cet artiste génial. Et p'is c'est tout!

 

Car si l'on réussit à ne pas lâcher le morceau, on se retrouve régulièrement récompensé de notre persévérance par de véritables pépitounettes. Comme « The Field », petite merveille à la croisée d'un « The Road To Hell » (Chris Rea) interprété par Sade et du « Bang Bang » re-popularisé par "Kill Bill". Comme « The Bridge » qui enfle parfois dans des proportions Gaïa-esques évoquant la B.O. d’un Disney new age. Comme « Broken » et ses chœurs transcendants. Comme « Ether » qui atteint des sommets de neuneu-itude béate dans laquelle on se plonge avec félicité. Comme « The Code » et « Dead Eyes » et leur blues Townsendien. Comme la caresse divine « Flight » / « Fight ». Comme la douce promenade « Daddy », ou « Drained » – son pendant sur le 2e CD. Comme l’hymne du chercheur d’or « Dig For Gold » – qui, il est vrai, met quand même du temps à démarrer. Comme le velours orchestral de « Glass World ».

 

...Vous avez compris l’idée.

 

 

« Alors quoi? Tu aimes ou pas? »

 

Eh bien Casualties of Cool, c’est un peu comme une partie de jambes en l’air avec un(e) narcoleptique: fellation abrégée par une sieste impromptue, coït rythmé par des ronflements intermittents… On alterne entre excitation, émerveillement, et longues plages emmerdifiantes où l’on se sent bien seul. Du coup, démerdez-vous pour la note…

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: vous devez subir une ablation du système nerveux, passer une soirée à contempler les étoiles en buvant une « space tisane », ou passer une longue convalescence coincé dans un lit de la clinique des Doux Foldingos? Casualties of Cool est fait pour vous. Entre longues injections de chloroforme et occasionnels épisodes de grâce veloutée, ce double album de country/blues ambiant, minimaliste et éthéré vous mettra, selon vos attentes (fans de Infinity ou de Ghost?) et votre humeur (envie de frapper ou de rêvasser?), les nerfs en pelote ou en mode hibernation.

photo de Cglaume
le 18/07/2014

0 COMMENTAIRE

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements

HASARDandCO

Coilguns - Watchwinders
Mura Hachigu - My Left Arm