Monstrosity - The Passage of Existence

Chronique CD album

chronique Monstrosity - The Passage of Existence

Benediction, Massacre, Brutality, Obsenity, Master, Sinister… Voilà une liste qui, chez le vieux briscard deathophile, provoque un certain nombre de sensations contradictoires. Car d’un côté ces noms sont plus ou moins associés à la lose, aux strapontins de la 2e division – voire aux marécages de la 3e zone. Abonnés aux fins de face B de compil’ ainsi qu’aux premières parties plus ou moins glorieuses, ce ne sont pas ceux dont on cite les titres d’albums les yeux brûlant d’un enthousiasme fanatique. D’un autre côté, la patine de l’âge faisant son effet, ils ont désormais accédé au statut enviable de vétérans respectés, ne serait-ce que pour cette longévité signe d’opiniâtreté, de ferveur et de « dévouement » à la cause Death Metal. Sans compter que certains comptent quand même quelques belles réussites à leur tableau de chasse. Monstrosity fait lui aussi partie de cette catégorie ingrate des sous-officiers dont l’histoire n’a que vaguement retenu les faits d’arme. Quoique plus que certains des ses pairs, son patronyme sonne familier aux oreilles de beaucoup. Mais pour la mauvaise raison: parce que la formation a servi de tremplin à Georges « Corpsegrinder » Fisher afin d’accéder aux macabres agapes du Cadavre Cannibale. Même schéma que Benediction avec Mark « Barney » Greenway, ou que Massacre dont tout le line-up a flirté avec Chuck Schuldiner aux débuts de Death.

 

La question est donc fatalement la suivante: 11 ans après son dernier album, et 28 ans après sa création, le groupe floridien a-t-il encore quelque-chose d’intéressant à dire? Ou a-t-il juste besoin d’une excuse officielle pour aller faire une croisière gratos à l’occasion du 70000 Tons of Metal, voire un petit tour au Japon ou en Europe via l'invite d'un gros festoche, ou d'un tourneur nostalgique? Etant donné qu’il est aujourd’hui composé exclusivement de musiciens aux multiples activités (Mark English vient de sortir un excellent album avec Deicide, Lee Harrisson a le nouveau Terrorizer dans les starting blocks, Mike Hrubovcak joue dans pas moins de 5 autres groupes en activité…), on se dit que les raisons de ce grand retour sont sans doute plus louables. Et on le vérifie « assez vite ».

 

Mais voilà déjà qu'arrive le 3e paragraphe: il serait peut-être temps de parler de ce 6e album, non? Yes, c’est parti! The Passage of Existence est donc un album de Death Metal classique possédant un son raccord avec son époque (Jason Suecof aux manettes), mais également ce type de qualités qu’on prête de nos jours surtout au Death dit « old school ». Autrement dit cette galette est brutale et vindicative comme il sied au genre pratiqué, les growls sont profonds, la batterie intransigeante, l’encolure large et la gâchette sensible… Mais pour autant les compos ont chacune leur personnalité, le matraquage ne nuit nullement à la dynamique mélodique, et l’équilibre entre impact et complexité est parfaitement dosé – à un point tel que tout cela pourrait sembler faussement couler de source, comme simplement dicté par l’instinct (… alors qu’on sent bien qu’il y a un GROS boulot derrière ces 12 morceaux). Par ailleurs, sans tomber non plus dans le concours de celui qui a la plus grosse, les 2 gratteux garnissent régulièrement les morceaux de solos habilement entremêlés, parce qu’on peut être un barbare mais néanmoins aimer son Metal finement ciselé, voire richement orné. Dernier point vital – qui, finalement, est peut-être celui qui provoque le plus cette référence aux « temps anciens » du Death des origines: The Passage of Existence accorde une importance certaine au développement d’atmosphères, dimension indispensable de tout album réellement réussi.

 

Maintenant les plus perspicaces auront remarqué qu’un peu plus haut, en fin de 2e paragraphe, je précisais qu’on se rend compte « assez vite » de la qualité de l’album. Ces guillemets ne sont pas là par hasard: ils suggèrent ici l’utilisation d’une antiphrase. Parce que pour être honnête, les premières écoutes de l’album – pour peu qu’elles ne soient pas spécialement attentives – aboutissent invariablement à la conclusion suivante:

 

«  Mouais, pas mal. Mais pas franchement marquant. »

 

Et cette impression dure, et dure encore. Car le Death Metal qui nous inonde le long de cette petite heure, s’il parait à la fois raffiné et efficace, semble également assez générique, peu marquant donc, sans ce petit truc qui fait se retourner les têtes. Ce n’est qu’avec le temps que l’on constate la délicieuse virulence quasi-Deicidesque de « Radiated ». Ce n’est qu’à l’usure que l’on prend consciemment plaisir lorsque la grosse poutre riffée du refrain de « Solar Vacuum » vient nous frapper de plein fouet. C’est bien après le début des hostilités que l’on goûte la voluptueuse floraison qui se révèle à 2:10 sur « The Proselygeist ». C’est après avoir ôté de nos oreilles ce voile blasé que l’on réalise que « Century » fait voler les éléments du décor comme Hugo au plus fort de sa colère. Et c’est alors qu’on allait se résoudre à l’absence d’un véritable hit que l’on réalise à quel point « Dark Matter Invocation » est un délicieux sans faute, à la fois épique comme du Amon Amarth, mélodique comme un Suédois, et impitoyable comme le pilote d’Enola Gay.

 

Pour autant, alors que l’enthousiasme nous donne soudainement envie d’attribuer un 8 / 8.5 à l’album, on se rappelle que le refrain de « Kingdom of Fire » casse la dynamique venteuse du titre. On se souvient aussi que le début de « The Proselygeist » est trop lourdingue pour bien faire. Et puis on a du mal à accepter qu’après d’aussi bons moments l’album se flétrisse sur pied à l’occasion de son final, « Slaves to the Evermore », qui fait preuve d’une pesanteur et d’un manque finesse (relatif) franchement décevant arrivé à ce stade.

 

Alors oui, ce nouvel album de Monstrosity est véritablement bon, et non, le groupe n’est pas que le rassemblement de vieux éclopés ne tenant debout que grâce à un nom à l’éclat lointain et révolu. Par contre non, vous ne tenez pas ici LA grosse pépite de l’année, mais juste de quoi passer un très bon moment à écouter du Death plutôt chiadé mitonné à l’ancienne mais enrobé d’une prod’ relativement actuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: retour réussi pour Monstrosity qui remet les canons esthétiques du Death « à l’ancienne » (atmosphère, virilité compatible avec mélodie et variété, arrière-goût Thrash) au goût du jour, sans avoir l’air le moins du monde « rétro ». Par contre non, The Passage of Existence n’est pas la tuerie Death Metal incontournable de cette année. Juste un bon album qui procurera un plaisir certain – et qui méritera donc un achat – à cette frange du public qui achète plus de 5 albums du genre par an.

photo de Cglaume
le 07/11/2018

3 COMMENTAIRES

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 07/11/2018 à 10:58:05

Bof bof

Shamash

Shamash le 07/11/2018 à 15:35:06

Je savais qu'il fallait que tu t'acharnes!
Je l'aime beaucoup ce disque (et le refrain de "Kingdom of Fire"!).

cglaume

cglaume le 07/11/2018 à 15:45:33

Du coup on n'est pas trop sur le même feeling par rapport au fameux refrain :)

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