Planes Mistaken For Stars - Prey

Chronique Vinyle 12" (36:28)

chronique Planes Mistaken For Stars - Prey

Pas loin d’Anvers, il existe une minuscule station-service dans laquelle trône fièrement une pyramide de cannettes de Jupiler, infectée par la vapeur huileuse de frites immondes. Devant cette station, il y a quelques camionneurs et des poules qui se baladent, picorant les fins de clopes et miettes de beignets. Les chiottes n’ont pas été nettoyées depuis plusieurs jours ; on y stocke également quelques caisses de Jupiler. C’est dans cet espace (tout à fait réel) que Planes Mistaken For Stars m’a projeté et abandonné, des larmes jaillissant d’une veine fraîchement ouverte, ou peut-être une plaie béante sous l’œil droit - je ne m’en souviens plus -, dix ans presque jour pour jour avant la sortie de Prey. C’est moche, j’étais sale, ils étaient glauques. La faute à Mercy, excellent album sorti en octobre 2006, et à son phénoménal dernier titre, l’introspectif et amer « Penitence ». A cette époque (bien plus qu’à ses débuts), Planes Mistaken For Stars intimait cet imaginaire poussiéreux, un peu malsain, salement brut, déjà touchant, et nous envoyait vers le coin le plus paumé du Midwest, ou de la proche campagne d’Anvers. Aujourd’hui, on comprend ce qu’était Mercy : une ébauche.

 

 

Depuis octobre 2016, Prey fait sauter la cicatrice. La douleur est aujourd’hui particulièrement salope, parce qu’elle nous surprend (on a longtemps cru que le groupe était définitivement mort), parce qu’il y a quelques années nous pensions en avoir fini avec elle, parce qu’elle suinte : elle est plus profonde, à la fois plus électrique (la première minute folle de « Dementia Americana ») et plus intime (les 5 minutes qui suivent, sur le sublime « Til’ It Clicks »). Elle est plus tenace et majestueuse. En jouant dans Wovenhand, en chantant pour Hawks And Doves, en vieillissant, ces musiciens ont acquis le don trop rare du song-writing pur, et atteint un nouveau palier émotionnel. Dans le fond, Prey confirme le méli-mélo de sous-catégories musicales,  fils bâtard d’un post-hardcore rugueux et fossilisé (le meilleur), d’un rock frontal et désespéré, au bord du grunge et d’un emo sordide (pas l’emo auquel vous pensez : l’autre). La forme et la matière sont celles d’un diamant brut, ultra-aiguisé. Peu importe l’odeur de vomi séché, de tabac froid ou d’alcool fort, peu importe la boue sur les baskets déchirées et l’allure de redneck, elles sont portées par quatre orfèvres de la musique.

 

 

L’hypersensibilité est tout à fait scientifique : on agit, réagit et interagit en abattant la plupart de ses réserves. Qu’on choisisse d’intérioriser ou de tout laisser exploser, on le fait fiévreusement, peut-être démesurément. On peut y voir une exagération des sentiments ; il s’agit d’une sincérité totale. Empathie, tristesse, haine, détresse, peur, amour et surtout mélancolie y sont sublimés.

 

L’hypersensibilité de Planes Mistaken For Stars prend simultanément toutes ces formes. A l’image de cette voix, qui a pris une ampleur folle, Prey développe 36 minutes d’une rare intensité, fiévreuses, tumultueuses, rugueuses. Tu pleures en te pétant la nuque ou tu te déboites en chialant. En ce sens, Prey est un disque éprouvant. Un disque qui remue, dans tous les sens du terme.

 

photo de Alexis
le 16/12/2016

1 COMMENTAIRE

gulo gulo

gulo gulo le 16/12/2016 à 13:58:59

Ouep.

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