Sphæra - C8H11NO2
Chronique CD album (13:57)

- Style
Death progressif moderne - Label(s)
Autoproduction - Sortie
2017 - écouter via bandcamp
Entre un pseudonyme qui évoque autant la Géométrie euclidienne que les cours de Grec ancien, et un premier EP dont le titre nous renvoie aux heures les plus noires des TP de Chimie organique, il semblerait que Sphæra n’ait pas envie de se mettre les cancres dans la poche. En même temps il est vrai que, a priori, les Lorrains ne ciblent ni les fans de Neo à casquette, ni les amateurs de Pop-Metalcore Haribo, ni les karatekas adeptes de Beatdown, ni les bucherons piercés qui glougloutent sur du Deathcore. Avec Sphæra, le Metal extrême progressif sort les couverts en argent et le smartphone dernière génération pour contredire l’intelligentsia métalophobe et démontrer une fois de plus que growls et amplis qui hurlent ne sont pas incompatibles avec classe, distinction, modernisme et doux frissons. Parce que C8H11NO2 – Wikipedia vous rappelle que c’est le nom barbare de la Dopamine, « … molécule également impliquée dans certains plaisirs abstraits comme écouter de la musique » – est le genre d’EP qui répond aux critères ouvrant aussi bien les portes du Goji-Rotary Club, que celles du très select Lion’s Djent International ou encore du Cercle des Opethiens Disparus. Mais laissez-moi passer à la ligne avant de vous en dire plus. C’est qu’il commence à devenir dense aux entournures ce premier paragraphe…
Derrière le superbe artwork aussi carmin que chat-rmant dont vous avez un bon aperçu là, à gauche, se blottissent 3 titres pour un quart d’heure de musique où se mêlent Death mélodique puissant, riffing moderne, emphase lyrique et amples manœuvres progressives. Le décollage sur « Faceless » est tout particulièrement ébouriffant, blast vigoureux et guitares sprinteuses nous soufflant au visage l’une de ces bourrasques dont Göteborg eut un temps le secret. Mais ces chœurs féminins, ces dentelles acérées et cette narration travaillée nous évoquent bientôt à la place le souvenir de Symbyosis, tout en ménageant quand même la place, vers 1:40, à une débauche de twins très Gorodiennes. Au bout de ce merveilleux shoot, on en est sûr: on tient là un superbe EP de Death mélodique progressif!
Sauf que la réalité n’est pas si simple. Car dès l’arrivée des arpèges introductifs de « Alchemistry », on se retrouve baigné dans un autre monde, plus atmosphérique: celui du From Mars To Sirius de Gojira. Avant qu’une déclamation en chant clair et une démarche très contemplative ne nous conduisent via un monumental escalier métallique vers un jardin d’Eden plus typé Prog moderne (Leprous, sans le clavier et les grelots dans la voix… Tu vois?). Et le riffing de glisser de plus en plus vers les cassures djenteuses, après qu’un monstrueux break nous ait écrasé la nuque, à 1:57. Sublime.
Alors c’est sûr, après ces 2 merveilles, les saccades Djent crues et les éructations vénéneuses de « Half-Life » râpent un peu les muqueuses auriculaires. Le chant féminin a beau verser un peu de miel réparateur, et la rythmique caoutchouteuse a beau injecter ce groove bancal typiquement Metal 2.0, on ne retrouve pas tout de suite le faste grandiose des 2 premiers titres. Il faut de fait attendre le break progressif de mi-morceau pour être acheminé, de courbettes en pirouettes, jusqu’à un final plus théâtral et plus ambitieux – quoique n’abandonnant pas le charclage d’humus syncopé… C’est qu’on a failli avoir peur d’être déçu par le tomber de rideau, dis!
Trois titres, c’est largement suffisant pour s’autoriser à voir en Sphæra l’une des meilleures recrues hexagonales en matière de Metal extrême technico-progressif. Je dis « hexagonale », mais je crois que le groupe tient plus encore à son appartenance régionale. Parce qu’en fait de thématique chimique, c’est de géographie qu’ils nous parlent, ces jeunes loups, en affichant sur la pochette les couleurs de leur C8H11NO2[RD] natal. Les coquins…
PS: le groupe me souffle à l'oreille que je suis un coquin qui a inversé l'ordre des 2 derniers titres. En fait « Half-Life » vient en deuxième position. Après correction, la tracklist à la gauche de l'article est à présent correcte. Par contre vous voudrez bien m'excuser (ou non), mais je laisse ce papier en l'état: vous ferez les ajustements de vous-mêmes ;)
La chronique, version courte: un Death progressif extrêmement abouti qui s’avère, selon les morceaux et les recoins, plutôt mélodique, plutôt agressif, plutôt lyrique, ou plutôt moderne… Voilà ce que vous réserve Sphæra sur la superbe carte de visite C8H11NO2.
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