Stoned Jesus - Pilgrims

C'est marrant, lorsque j'ai découvert le trio ukrainien Stoned Jesus il y a quelques temps, j'ai eu l'impression que tous les fans de stoner étaient un peu dans le même cas de figure. A tel point qu'on en a pas mal entendu parlé d'un seul coup d'un seul, avec pas mal d'enthousiasme. Comme si les férus du style avaient découvert LA nouvelle sensation du moment. Étrange de voir qu'au lendemain de la sortie de Pilgrims, le dernier-né de la bande d'Europe de l'Est, les chroniques dans les webzines ne sont pas si légions qu'on aurait pu le croire. Pas assez de potentiel pour faire du clic il faut croire... En tout cas, c'est bien dommage car si des Seven Thunders Roar (2012) ou des The Harvest (2015) étaient déjà des galettes bourrées de potentiel, il s'avère que Pilgrims enfonce le clou encore davantage. Mieux encore, il montre un Stoned Jesus en pleine maîtrise de ses capacités, nous livrant là ce qu'on pourrait appeler dans le jargon « la fournée de la maturité ».

J'avais eu l'occasion d'entendre au Motocultor de cette année que ce nouveau-né avait pas mal de potentiel vu que le combo nous en a généreusement joué deux titres en avant-première. Et pour que le combo ait la confiance de prendre ce risque dans une prestation en festival alors que son répertoire s'articule déjà sur des titres s'étirant en longueur, il doit bien se douter que cette galette est un grand pas en avant. A dire vrai, après l'avoir potassé, je dirais même gigantesque comme pas. Stoned Jesus parvient à conserver les fondamentaux de son identité tout en se renouvelant complètement. Un peu comme s'il était un peu reparti de zéro en ne faisant pas totalement table rase de son passé discographique.

Les Ukrainiens abandonnent ici complètement ses grandes escapades spirituelles comme beaucoup ont pu s'en délecter dans le très shamanique Seven Thunders Roar. Ce qui ne l'empêche nullement de se montrer psychédélique, envoûtant (« Excited »). Une plus grande part est donnée à la mélancolie lancinante au détriment du groove d'antan. Qui sait par moments se montrer céleste (« Hands Resist Him », « Water Me »). Avec le gras du stoner et la lourdeur du doom qui semble de prime abord ramenée à sa forme la plus brute et authentique. Et pourtant, il n'en est rien car au fil des écoutes, Pilgrims s'avère bien plus subtil qu'il n'y paraît. Sous l'efficacité des riffs et d'une aisance d'écriture palpable se planque une pléthore d'éléments et d'influences lui permettant d'afficher une vision plutôt variée et novatrice du style. Encore une fois, on pourra le rapprocher de la volonté artistique d'un Mastodon. Non pas pour sa spiritualité comme cela pouvait être le cas avant mais plutôt pour cette volonté constante de brouiller les pistes et ne jamais rester sur ses acquis. Même si pour ça, il n'hésite pas à reluquer sur les vieilleries alternatives comme les premières frasques de Faith No More revues et corrigées en version ralentie (« Feel »). Voire se faire un peu punk rock sur les bords (« Apathy ») ou carrément post rock (« Thessalia »). Et le tout, sans jamais perdre de sa cohérence.

Stoned Jesus semble ici avoir un peu changé sa came pour pouvoir pondre un Pilgrims qui dénote pas mal du reste de sa discographie. Et pourtant, jamais n'a-t-il semblé aussi efficace et pertinent dans son propos. Certainement une étape charnière de la carrière du trio ukrainien qui ne semble pas perdre de son audace et de son inspiration. En espérant qu'il sache continuer sur cette voie et réellement transcender d'autant plus cette personnalité unique qu'il possède et maîtrise.

Margoth

le 29/11/2018