Aronious - Perspicacity

Chronique CD album (58:37)

chronique Aronious - Perspicacity

Zut une chronique sur le premier album d'un groupe de death technique…Oui, zut, parce qu’écrire une chronique sur un groupe qui fait de la musique complexe à dessein est un exercice forcément compliqué.

 

En effet, le death technique est un style délicat à aborder car, et c’est une lapalissade, il faut veiller à ce que la technicité serve la musique sans jamais la transformer en seul moyen de démonstration. Quand un musicien est techniquement doué, il a envie de le montrer, c’est humain, normal, compréhensible, cela relève de l’amour propre. La musique se fait alors confluent de l’art et de la performance. Et de même que certaines performances sportives sont plaisantes à regarder au-delà de toutes considérations techniques,  le bon death technique se doit avant tout d’être agréable à écouter.
En outre, le style commençant à avoir quelques années d'existence derrière lui, ce n’est plus, à mon avis, dans la surenchère technique qu’un groupe pourra se démarquer. Il faudra aux musiciens amener autre chose, une dimension supplémentaire, idéalement qui leur soit propre. Le death technique a donc ce caractère très manichéen : soit c’est absolument génial et novateur, soit c’est profondément classique et ennuyeux.

 

Et là où je déclame sans vergogne un deuxième « Zut ! », c’est qu’Aronius rend l’exercice de la chronique profondément non manichéen.

 

Autant vous prévenir tout de suite, il va vous falloir du courage pour vous farcir les 58 minutes et 37 secondes de Perspicacity. Parce que c’est dense, imbriqué, compact, intense. Un concept album dont on ne peut faire l'économie de l'écoute d'une traite, une œuvre musicale auto-complétée, organisée autour de plusieurs mouvements, sans temps mort. Prévoyez un bon canapé, une bonne dose de paracétamol, un bon flacon de pepto-bismol et quelques Smecta. Car, bien que le groupe propose quelques moments de pauses instrumentales ("Modernity Part I" qui a ce côté un peu "frimeur" que je n'apprécie pas dans le death technique, et l'indigeste "Modernity Part II") ou moins violent, le débit d'informations est soutenu, les détails nombreux et les réécoutes nécessaires.

 

 

Alors, évidemment, comme évoqué plus haut, c’est techniquement hyper abouti, les riffs sont de la vraie dentelle, les solos (ou soli si vous êtes un indécrottable latiniste) et autres licks parfaitement exécutés ("The Digital Age" et son solo final qui fera jeter leur guitare à pas mal d'apprentis guitaristes), les grooves élaborés et efficaces sans être d'une inventivité débordante non plus ("A Grim Fate"). Si vous êtes fan de Gorod, Beyond Creation, Obscura, Allegaeon, Jason Richardson, vous serez en terrain connu. Là où ça pêche, c’est que cela manque à mon sens un peu de sel, ce n'est pas fade mais clairement pas assez épicé. On n’est loin de The Faceless en terme de recherche harmonique, loin d'un Allegaeon en terme d'approche rythmique, loin d'un Gorod en terme d'efficacité immédiate et loin d'un Jason Richardson en terme d'approche stylistique. Tous les morceaux sont très bons mais aucun n'est véritablement efficace finalement, la faute peut-être à des moments plus inutilement compliqués que savamment complexes.

 

Niveau chant, on est sur du grunt/growl très classique, parfaitement exécuté, très intelligible,  puissant et très linéaire (comme souvent dans ce style), qui m’a beaucoup rappelé Chris « CJ » McMahon de Thy Art Is Murder. Un chant qui à la fois dans son placement rythmique et mélodique s’adapte parfaitement aux constructions musicales.

 

Il n'y a pas grand-chose à dire sur la basse qui est reléguée en arrière-plan de l'arrière salle derrière l’arrière-cour.

 

Mention spéciale à Sean Smith (remplacé depuis par Josh Null) et son jeu, qui malgré les tempos soutenus, est d’une finesse plus qu’appréciable. Un parfait exemple à mon sens de batteur inventif, très technique mais qui sait rester au service du groupe et de la musique. Écoutez donc "An Assembled Reality" ou "Inconclusive" qui termine l’album, le travail sur les cymbales y est simplement superbe.

 

 

La production est classique pour un album du genre, et décollerait n’importe quel papier peint malgré une dynamique un peu écrasée. En effet, difficile de mettre tous les musiciens en avant sur les passages où...tous les musiciens sont mis en avant par la composition.
Au niveau du mixage de la batterie, on sent que Nick Weyers (Beneath The Massacre, Whitechapel) s’est fait son petit kiff (on le comprend vu la performance) même si c'est triggué et édité à bloc. On regrette que le son des guitares soit parfois un peu trop brouillon.

 

Aronius propose un album qui démontre, sans faux-pas, qu'ils maîtrisent parfaitement les codes du death technique mais dans lequel ils ne prennent pas le risque de les déconstruire pour les emmener plus loin et proposer quelque chose de vraiment original.

 

 

On n'aime: le niveau technique, l'effort titanesque de travail de composition et de construction, les lignes vocales très propres

On n'aime pas: le manque d'efficacité qui complique, parfois, une musique déjà complexe

photo de 8oris
le 25/03/2020

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