Daisy Jones & The Six - Aurora

Chronique CD album (44:30)

chronique Daisy Jones & The Six - Aurora

Chères sœurs et frères sensibles aux good vibes qui circulent dans ce vaste univers troublé, donnons-nous la main en nous rappelant que l’art sauve, que la vie est une comédie musicale et saluons en chœur la puissance de la fiction. Dans "Les Rizières Rouges", le roman de Christopher Koch, quand on vous décrit la 1e une que le photojournaliste Mike Langford signe pour le prestigieux magazine français Paris-Match, l'envie irrépressible de retrouver ledit numéro pour le feuilleter et admirer ses images vous étreint. Après une carrière à la Robert Capa, aussi fulgurante qu’intense, le photographe a disparu à la frontière cambodgienne, pendant la Guerre du Vietnam. Et tout comme son meilleur ami parti à sa recherche, vous ne le retrouverez jamais. Car il n'a jamais existé.

 

Il en va de même avec Daisy Jones and the Six. La musique de ce groupe, légendaire, s’il en est, vous propulse dans l'âge d'or des 70's du rock pop de formations célèbres comme Fleetwood Mac ou Blue Oyster Cult. L'écoute de leur album Aurora vous donne envie de sortir le pantalon pattes d’éph’ en peau de chamois, la veste à franges et de danser dans le salon en vous fouettant les fesses avec un Stetson en poussant des "Yihaaa" d'aise, de vous payer un trip de LSD et de tomber amoureux de la Terre entière en faisant l’amour dans les vagues tumultueuses du Pacifique. Et pourtant, alors que le vinyle tourne sur la platine, vous savez qu'à l'instar de Samurai, le groupe de Johnny Silverhand, la rock star terroriste du jeu vidéo Cyberpunk 2077 interprétée par Keanu Reeves, ce groupe mythique n'a jamais existé.

Adaptée du roman de Taylor Jenkins Reid qui, sous forme d'interview, raconte l'avènement puis la chute de Daisy Jones and the Six, la série se savoure sur Prime Vidéo, la plateforme de streaming d’Amazon. L'épisode 3 fout presque la chiale. La rencontre entre la chanteuse et le groupe, ce qu'ils font de la chanson emblématique “Look at us now”, hit ultime avec sa montée en puissance qui prend aux tripes, le début réel d'une grande aventure... D'aucuns pointeront du doigt la liste de clichés, peu ou prou téléphonés, que la série aligne sur le monde du wock'n'woll de l'époque, mais dans le fond, celle-ci se gorge plutôt d'une certaine authenticité crédible en diable. Mise en scène juste et précise, photo magnifique, bande originale qui allèche, et casting parfait, avec en tête d'affiche la petite fille d'Elvis Presley : Riley Keough (elle fuyait le harem d’Immortan Joe avec ses copines pondeuses dans Mad Max : Fury Roadde George Miller, se faisait découper les tétons par un serial killer dans “The House that Jack built” de Lars Von Trier ou encore menait d’une main de fer une bande de démarcheurs itinérants dans “American Honey” d’Andrea Arnold, mais on l’avait déjà vue dans un film bien wock’n’woll, le biopic des Runaways de Floria Sigismondi), mais aussi Sam Claflin (connu pour sa prestation dans “Hunger Games”) en pop star torturée par ses démons et Tom Wright en producteur vedette malin et paternel.

 

Si la série permet de raconter moult anecdotes sur l’histoire du groupe, comme cette fois où Karen Sirko (campée par une impressionnante Suki Waterhouse), la charismatique claviériste, pour la beauté du geste, emportée par la joie de vivre en direct la reconnaissance de son oeuvre, fouille dans ses poches et sort les dollars manquants pour qu’une fan puisse se payer l’album, sans même prendre le soin de se présenter, comme une dispute entre les 2 vocalistes, surprise par l’épouse du chanteur, photographe ayant largement documenté le quotidien des musiciens, se retrouve immortalisée sur la pochette du disque, ou encore comment 2 membres du groupe ont longtemps caché leur relation intime, la femme du couple secret craignant que le public ne la voie plus que comme la petite amie, elle raconte surtout la genèse de cet album faussement inscrit au panthéon de l’Histoire du rock, qui déborde de tubes trustant les ondes et trônant au sommet des charts. Saviez-vous, par exemple, que la magie, l’osmose entre Daisy et Billy, on la doit en grande partie à l’instinct et au flair du producteur Teddy Price qui, lors du 1e enregistrement, ment éhontément au sujet du bon fonctionnement des micros et contraint les 2 chanteurs à partager le même et ainsi à se rapprocher, et partant, à trouver un équilibre entre leurs egos respectifs au bénéfice de la chanson ?

 

C’est fou comme la fiction peut donner du corps à la musique elle-même. A moins que ce ne soit le contraire, puisque tout l’album a été composé pour ses besoins. Si les chansons, dont les acteurs assurent eux-mêmes les parties vocales, de manière absolument bluffante, se suffisent à elles-mêmes, de par leur qualité, leurs riches et subtils arrangements, leur cohérence sans faille, elles prennent littéralement vie quand on apprend les secrets de leur fabrication. “Let me down easy”, par exemple, n’est qu’un riff à la guitare acoustique, preque anodin, sur lequel se disputent les textes des 2 chanteurs. Chaque virgule, chaque mot, chaque sens, fait l’objet d’une âpre et homérique bataille de tranchées. Ces fortes personnalités s’affrontent pour trouver chacune sa place dans le processus créatif. Entrés par effraction dans la belle demeure du producteur, Billy et Daisy apprennent à se connaître, dans une dynamique de répulsion-attraction constamment sur la brèche, sans cesse prête à faire imploser les énergies en présence. Lorsque, au bout d’une longue journée de passes d’armes autour d’un vinyle écouté sur le tourne-disque du producteur, d’un verre au bord de la piscine, avant de se remettre au travail, ils présentent le résultat à leurs acolytes laissés en plan dans le studio, la chanson éclabousse les murs en envahissant l’espace. Les sourires que les musiciens s’échangent alors se communiquent au spectateur et à l’auditeur.

 

Daisy, en intégrant le groupe jusqu’alors mené par Billy, redistribue les cartes et permet à chaque musicien d’exister, d’apporter sa propre touche à chaque morceau. Ce qui donne un album chargé de sa propre histoire, qui existe à jamais dans les annales du rock, et qu’on se plait à (re)découvrir. Si l’illusion que permet la fiction s’avère parfaite, elle n’en demeure pas moins crédible, par la seule force de la qualité de la musique qu’on aimerait fouiller davantage, comme on s’intéresse à un groupe qu’on adeure en creusant dans le détail son épopée. Un tour de force dans tous les compartiments du projet.

photo de Moland Fengkov
le 18/03/2023

17 COMMENTAIRES

el gep

el gep le 19/03/2023 à 08:27:20

Pfff... Ça, c'est ce qu' on appelle du story telling, de diou !
Et pourtant... tout est faux, ahah !
Je rigole mais y'a un truc qui me dérange là-dedans, faut que j'y réfléchisse...

Moland

Moland le 19/03/2023 à 08:58:00

Ah oui, je suis curieux de savoir ski te chiffonne 

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 19/03/2023 à 12:58:45

Keanu, il a surtout joué dans Johnny Mnemonic avec Ice T.

Moland

Moland le 19/03/2023 à 13:52:29

@Crom tu rigoles, c'est Point Break OKAYE. 

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 19/03/2023 à 16:28:17

Non Point Break c'est Simon Pegg.

Moland

Moland le 19/03/2023 à 18:20:47

???!!! Pas compris la blague. Ou jpalaref. 

Moland

Moland le 19/03/2023 à 18:22:53

Ah OK, je viens de saisir... Le clin d'œil dans "Hot fuzz"... Pfff.. :) 

el gep

el gep le 20/03/2023 à 15:05:12

Momo: bah c'est ambivalent mais je crois que je me dis un truc du genre "comme s'il n'y avait déjà pas assez de groupes, v'là-t-y pas qu'ils en inventent des kégsistent pô"!
Mais en même temps, je serais le premier à râler sur un énième biopic et le manque d'originalité et d'audace des scénaristes et producteurs de bobines...

Moland

Moland le 20/03/2023 à 15:51:05

Ah oui, OK, je vois.
Après, il s'agit d'un roman, à la base. Lui même narrant l'histoire d'un groupe complètement fictif. Là où je salue la prouesse de l'adaptation en série, c'est de parvenir à nous faire croire que ce groupe aurait pu exister, et ce, notamment en apportant un soin bluffant à la musique dudit groupe. 

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 20/03/2023 à 18:25:30

@ Gepeto : z'ont bien inventé les PISTOLS... On nous a fait croire que c'était un vrai groupe aussi. Bon à un moment, c'est sérieusement partie en sucette.

el gep

el gep le 20/03/2023 à 21:57:27

Pour les Pistols, j'arrive pas à en vouloir à Rotten, rien que parce qu'il a fondé PIL ensuite...

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 21/03/2023 à 20:04:04

Une entité montée de toute pièce et qui part sucette le temps d'un jubilé et d'une tournée aux States : légendaire. Sinon PIL, ça puduc.

el gep

el gep le 22/03/2023 à 10:38:05

Non.

(voilà un échange riche, désolé)

Moland

Moland le 22/03/2023 à 17:26:26

Je vous laisse les clés. Vous éteindrez en partant. Merci. 

Moland

Moland le 28/03/2023 à 18:56:52

L'album est 1e des charts aux USA hahaha. J'adeure.
https://www.wsj.com/articles/daisy-jones-and-the-six-aurora-26b73330

el gep

el gep le 29/03/2023 à 10:11:40

Je ris (un peu jaune). Exactement, voilà, c'est ça, c'est génial.

Moland

Moland le 29/03/2023 à 12:13:22

@el gep : il est même question que le faux groupe parte en tournée. Ce n'en est qu'au stade de discussion, ceci dit... Moi, je trouve ça fort haha. 

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