Ditz - The Great Regression

Un brouillard pesant et industriel ; un tapissage sonore noisy as fuck et hypnotique ; un refrain délicieusement déviant (« I cut a striking figure ; And it cuts me back ») aux tremolos psychotiques ; une iconographie névrosée où télévisions se voilent en fenêtres distordues ; cinq cinglés, chacun la gueule vissée derrière un masque monochrome, déambulent et dévorent toute réalité. Cette énumération absconse dessine d’un trait tremblant l’ambiance du clip « I am Kate Moss », petit aperçu de l’univers torturé qu’hurle paisiblement Ditz ; et préambule à un premier album qui ouvre grand les portes de l’aile psychiatrique du post-punk britannique.

Il n’est pas aisé en 2022 de débarquer sur la scène post-punk et de se faire une place parmi la floppée de groupes qui investissent les lieux depuis déjà de nombreuses années. Non pas que Ditz débarque de nulle part, car la troupe de Brighton s’est déjà fait connaître en 2016 avec un premier EP de trois titres avant de sérieusement titiller l’attente des curieuses et des curieux en 2020 avec 5 Songs qui reçut les louanges d’ici et là, - dont Joe Talbot (Idles) him-self. C’est donc peu dire que ces brûlots de post-punk nihilistes et plombés, écrasés par une ambiance désespérée, avaient engendré une certaine attente.

The Great Regression s’ouvre avec « Clocks » au son froid et clinique, toujours signé par Ben Hampson (qui apporte d’ailleurs son aide à la programmation sonore), et résume habilement le contenu de l’album : une virée hallucinée marquée par ces brutales transitions entre quiétude névrosée et saturation aliénante. Le premier morceau l’illustrait à la perfection avec le tremolo picking des guitares et son déferlement bruitiste ; ce gimmick voit son curseur poussé au maximum avec le titre « Ded Wurst » marqué par la performance vocale bipolaire et frénétique de Cal Francis (le zinzin au micro). Néanmoins, malgré ce son noise hérité de Daughters, les seagulls n’oublient pas de glisser au second plan ce chaos sonore le temps de livrer des claquasses de post-punk tels que « The Warden » ou le génial « No Thanks, Im’ Full », qui ferme brillamment l’album avec sa jouissive montée en puissance. Ces furieuses conclusions jubilatoires se dissimulent insidieusement dans plusieurs titres, à l’image de « Teeth », - pesant et lancinant avant de totalement dérailler et te flinguer quelques neurones au passage, - ou de « hehe » dont la baisse du tempo et le brouillard de larsens offrent la meilleure transition possible à la ligne de basse qui débute efficacement « Teeth ».

Comme écrit plus tôt, il n’est pas évident de jouer du coude dans la scène pour s’y installer confortablement. Cependant, avec ce délicieux mélange post-punk et de noise, - et le tout dans une veine différente de The Psychotic Monks, - Ditz se révèle suffisamment efficace et original pour enfiler sa camisole et claquer ses névroses cathartiques aux aficionado d’ambiances torturées et borderline.

Arrache coeur

le 02/08/2023