Dub War - Wrong Side of Beautiful
Chronique CD album (01:12:00)

- Style
Fusion Dub Metal - Label(s)
Earache - Date de sortie
2 octobre 1996 - Lieu d'enregistrement Rockfield Studios
- écouter via bandcamp
« Pain, Westgate Under Fire… Très bien. Maintenant il reste une dernière lacune à combler ! »
Oui, c’est vrai, vous êtes nombreux à nous l’avoir signalée.
… Non, en fait c’est faux : vous vous en foutez. Mais moi ça m’a tout chagriné. On parle quand même de Dub War, l’un de ces groupes qui, à contre-courant (à l’époque c’était plutôt le Grunge, le Death et le Groove Metal qui dominaient), alors que personne ne lui avait rien demandé, a débarqué avec une Fusion insolite, excitante, et franchement fructueuse : le Dub Metal – d’ailleurs il est assez bizarre que le mélange n’ait pas été développé plus avant par d’autres formations (vous en voyez beaucoup, à part feu Mel-P ?), alors que de leur côté le Funk Metal et le Rap Metal ont eu une descendance relativement abondante.
On est donc en 1996. L’année précédente, l’OVNI Pain a fait forte impression « dans les milieux autorisés », même si cet impact s’est vu limité entre autres par la nature du label du groupe, Earache Records, jusque-là clairement ancré dans le Death, le Grind et leurs amis. Donc assez loin de cet univers où les dreads planent sur de gros matelas d’effets électroïdes et de guitares grésillantes. Défrichant des terres jusqu’ici inconnues, les quatre de Newport ont logiquement beaucoup à dire. Il n’est donc pas étonnant que ceux-ci n’aient pas attendu plus d’un an avant de revenir avec la saison 2 de leur épopée, intitulée Wrong Side of Beautiful.
Étant donné le peu de temps écoulé entre les deux, il est assez naturel que ce cadet discographique s’inscrive droit dans les traces de son aîné. Pourtant, quand on compare les singles les plus proéminents extraits des deux rondelles – à savoir « Strike It » et « Enemy Maker » –, on se dit qu’il y a quand même eu assouplissement de la recette. Car là où le premier était tel un petit démon dreadlocké jaillissant de sa boite mécanique dans un déluge de saturation et d’agression, le deuxième s’avère plus aéré, plus détendu… plus radio-friendly même, pour tout dire. D’ailleurs d’aucuns ont même carrément comparé ce dernier à un tube qui aurait échappé à la vigilance de la muse de The Police (… mouais : il y a de claires similarités, notamment au niveau de la gratte, mais je ne vois pas Sting s’époumonner à ce point, ni partir dans les raggateries gouailleuse de Benji).
Mais que la recette soit dorénavant moins salée, plus fruitée ou sans gluten, on s’en care tant que les morceaux nouveaux nous font toujours bourgeonner les tympans et bouillonner les glandes à hormones. Or sur ce plan, les voyants sont plutôt dans le vert.
Oui, « plutôt dans le vert ». Cet adverbe lèse-majesté est ici chargé de pointer du doigt le fait que, sur cette abondante tracklist – 14 pistes, 71 minutes, ça fait quand même plus de deux Reign in Blood – certaines scènes sont plus planplans que d’autres, l’action la plus haletante étant essentiellement concentrée en milieu de terrain, de « Enemy Maker » à « Prisoner », dira-t-on, sans aller (à ce stade) plus dans le détail. En même temps c’est le Dub qui veut ça : la chose est planante, il est donc normal que, par moments, on ait le tensiomètre à zéro. Tiens, constatez donc : dès « Armchair Thriller », malgré la douce acupuncture pratiquée par la basse, les chatouilles de la guitare et les provocations insidieuses de Benji, le morceau finit par installer une sorte de torpeur tout en points de suspension et en tension sourde. On n’est certes pas dans le bad trip caractérisé, mais on n’est pas non plus dans les good vibes : plutôt entre deux eaux, loin des tubes punchy et des hymnes éclatants. Et si « Greedee » s’extrait légèrement de cette dynamique (quoique pas tant que ça…), il reste dans les clairs-obscurs, dans le riffing en crabe, malgré ses couplets énergiques où la guitare devient Spontex. Il faut dire que le refrain, aussi peu inventif qu’engageant, n’aide pas. Et quand on est rendu à l’autre bout du chemin, ce sont d’autres bâtons qui viennent se coller dans nos roues. Parce que si « Mission » n’est pas du genre à somnoler sous son sombrero, il reste raplapla, répétitif, et finit par atterrir dans la case « RATM du pauvre ». Quant à « Universal Jam », il nous embarque pour un trip invertébré, grésillant mais pas hyper désirable. Et ce n’est pas le bonus track, accessible après quatorze minutes d’attente, qui rattrape in extremis la qualité des au revoir.
« Ça en fait des réclamations dites ! Le SAV d’Earache doit être débordé ! »
Oui. Sauf qu’on n’évoque ici que 4 titres sur 14. Ce qui laisse pas mal de matière pour le plaisir auriculaire. Et en effet, le paragraphe ci-dessus s’avère n’être qu’une touffe de ronces ronchonnantes qui ne réussit pas à masquer la forêt du kiff verdoyant derrière. Car Wrong Side of Beautiful refait briller les pupilles précédemment allumées par Pain. Dès la claque rafraîchissante « Control », qui joue avantageusement des contrastes entre une basse et une guitare langoureuses croisées avec une batterie trépidante et un Benji survolté. « BassBallBat » semble vouloir rejouer la partition de « Strike It » (cf. cette [contre]basse et ces cymbales en intro) mais continue en fait d’exploiter les contrastes – sauf que cette fois c’est la batterie qui la joue cool, et la basse qui turbine. Mais les bonheurs ne viennent pas toujours accoutrés des mêmes atours. Car si « One Chill » impressionne, c’est cette fois dans un mode poignant, voire infiniment triste – quand on évoque les connaissances tombées au champs de la dope, il n’y a pas beaucoup de place pour le smile. Arrive « Enemy Maker », hit qui avait le potentiel pour cartonner sur les ondes – mais tout le monde ne peut pas bénéficier des coups de pouce des barons de la FM. Puis le témoin est passé à « Million Dollar Love », grandiose tube de Ragga Metal qui alterne jamaïqueries chaudes et détendues avec un Rock/Metal froidement noisy. Et pour se concentrer uniquement sur les sommets de ce massif musical, on se rendra directement à « Can’t Stop », jouissive tranche de Dub Metal de combat qui pétille et ratatine – et aurait en conséquence tout à fait pu figurer sur l’album précédent… avant de terminer sur « Prisoner », plage tendue et sexy qui nous titille juste ce qu’il faut pour garder nos sens en éveil, malgré son apparente invitation à nous abandonner totalement.
Moins immaculé que Pain – du moins sur mon échelle du kiff – mais néanmoins bougrement bonnard, Wrong Side of Beautiful ne pouvait plus longtemps rester cette lacune criante vérolant par son absence la base de données de CoreAndCo. Si en plus de réparer ce tort le présent papier peut constituer un rappel à l’ordre qui vous fera 1) charger l'album dans votre playlist Spoteezer 2) sortir l’objet du tiroir où il dormait 3) verser un peu d’argent au gang de Newport, j’aurais l’impression que ce torrent de blabla HTML n’est pas complètement vain.
La chronique, version courte : cadet de la famille Dub War, Wrong Side of Beautiful a la lourde tâche de succéder à un Pain quasiment parfait. Moins compact que son aîné, un rien plus abordable également, il est sans doute un peu moins immaculé, quoique ne déviant pas de la trajectoire Fusion Dub Metal fixée un an plus tôt. Il réserve par ailleurs suffisamment de tranches de bonheur pour constituer – une fois effectuées les coupes pouvant s’avérer nécessaires selon la sensibilité des uns et des autres (cf. « Mission », « Universal Jam »…) – un deuxième album tout à fait digne de son aîné.
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